Quelle épopée!! On ne peut arrêter de lire les aventures de nos familles françaises prises dans le tourbillon de la révolution et de l empire. Vivement la suite du cycle.
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Sois fier de ce que nous fûmes, mais ne rêve pas. Ce qui naît et que notre sang abreuve ne pourra pas être arraché. Cet arbre-là, qu’on dit être celui de la Liberté, a planté ses racines dans la terre de ce pays. Elles sont déjà profondes. Elles s’enfonceront encore et les branches croîtront. Puis un jour viendra, ainsi est la nature, où cet arbre, nouveau aujourd’hui, dépérira. Alors approcheront les bûcherons qui, à grands coups de hache, abattront ce tronc agonisant, et ce sera souffrance pour les branches où coule encore la sève, mais le fer est plus dur que le bois.
Ainsi est la vie, ainsi sont les choses. Certains chantent, et j’entends leurs pas joyeux et martiaux marteler les pavés de la cour. J’imagine qu’ils se sont mis en marche, avançant de chaque côté de la charrette où sont assis les condamnés, cheveux coupés, chemises échancrées, mains liées. Ceux-là sont une coquille qu’on brise pour que d’autres naissent.
Il vous faudra comprendre cette loi de la vie, mes enfants, et renoncer à la haine et au désir de vengeance.
Il me reste donc une nuit à vivre avant qu’on vienne couper mes cheveux, déchirer le col de ma chemise pour que ma nuque soit nue et blanche sous le tranchant du couperet.
Après, on me liera les mains dans le dos et je serai ainsi le premier comte de Taurignan à mourir sans que mes doigts se soient joints sur ma poitrine pour l’ultime prière, ou serrés sur le pommeau d’une épée pour le dernier combat.
Je n’ai pas eu le temps de dire que je préférais mourir sans masque, dans la fierté de ma fidélité au roi, plutôt que de survivre dans le mensonge et dans la honte de ce que je suis.
La mort seule est pour l’égalité. Mais on ne partage pas les richesses. Elles vont seulement changer de mains.
Cléa - Des livres qu'on n'oublie pas