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EAN : 9782812400766
312 pages
Editions Classiques Garnier (04/01/2010)
3.83/5   3 notes
Résumé :
Publiée une première fois en 1573, l'Hippolyte de Robert Garnier est la première tragédie française consacrée à l'amour de Phèdre pour son beau-fils. Le texte retenu pour l'édition présente est celui de 1585. Cette tragédie privée n'ignore ni la politique, ni la religion: derrière le mythe païen, Garnier aborde à mots couverts les questions spirituelles de son temps. Suivant librement le canevas de la Phèdre de Sénèque, il procède à d'importantes transformations: la... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Publiée en 1573 pour la première fois, cette pièce semble avoir eu un vrai succès, et pas mal de représentations pour l'époque. C'est la deuxième pièce publiée par Garnier, et une des moins oubliées, il lui arrive même être jouée de temps en temps actuellement : très récemment (juillet 2017) quelques représentations ont été données par l'Académie de la Comédie Française.

Le sujet a inspiré deux pièces à Euripide, dont une seule a été conservée. Sénèque s'en est inspiré pour sa pièce Phèdre. Cette dernière est la source principale de la tragédie de Garnier. C'est la première fois qu'une tragédie en langue française est créée sur sur ce sujet, mais pas la dernière, la plus célèbre étant bien entendu la pièce de Racine, écrite un siècle plus tard, et qui puisera un certain nombre d'éléments chez Garnier.

La pièce commence d'une façon assez statique, Égée, remonté du royaume des morts, vient présenter la situation, la folie de son fils Thésée, parti aux Enfers pour conquérir la femme de Pluton, et annonce les désastres à venir, comme une conséquence des actions de Thésée. Puis Hippolyte raconte un songe effrayant et des présages néfastes qui le poursuivent. L'acte se termine par un choeur de chasseurs. L'action démarre véritablement au deuxième acte, Phèdre évoque son malheureux mariage avec Thésée, les infidélités de ce dernier, et avoue à la Nourrice son amour pour Hippolyte, son beau fils. La Nourrice essaie de la persuader d'y renoncer, lui adjoint la fidélité conjugale. Voyant que cet amour, s'il n'est pas satisfait, risque de mener Phèdre à la mort, elle change d'avis, et s'engage à évoquer l'amour de la reine avec le jeune homme. Mais ce dernier refuse l'amour et professe un profond mépris des femmes. Il rejette avec horreur la déclaration de Phèdre. La Nourrice ourdit une machination, pour l'accuser de viol, sous la foi du poignard abandonné. Thésée tout juste revenu des Enfers, n'a aucun doute, et demande à Neptune de faire mourir son fils. La Nourrice prise de remords, se tue. Un messager annonce et décrit la mort d'Hippolyte, Phèdre avoue la vérité et se tue. Thésée décide de vivre pour expier son crime.

Nous ne sommes pas encore dans la tragédie classique, la construction dramatique n'est pas encore une machine complètement maîtrisée comme elle le sera par la suite. Il y a de longues tirades, des interventions d'un choeur, qui viennent presque à côté de l'action, sans aucune part à ce qui se passe, ni même un dialogue avec les personnages du drame, comme c'était le cas dans les tragédies antiques, cela semble presque gratuit, de simples morceaux de bravoure poétique. Mais en même temps, la trame dramatique centrale est vraiment posée, dans une grande simplicité, austérité presque, et menée à terme avec une certaine grandeur. C'est plus simple que chez Racine, qui a rajouté une autre trame amoureuse, celle d'Hippolyte et Aricie, qui est quand même un peu artificielle et qui change le personnage d'Hippolyte. Il est vrai qu'à l'époque de Racine, la veine romanesque et galante, ainsi que l'influence des chaînes amoureuses de la pastorale, faisait que le public attendait ces histoires d'amours multiples, et qu'un jeune homme qui n'était pas amoureux paraissait invraisemblable, contre nature.

Dans la pièce de Garnier, la cause de tous les maux, est Thésée, et son comportement irresponsable. le personnage apparaît comme très impulsif, incapable de résister à ses désirs, à ses pulsions, dépassant toute mesure en voulant conquérir une déesse.

Je trouve la Phèdre de Garnier très intéressante. Elle ne semble jamais avoir été amoureuse de son mari, enlevée (certains vers évoque quelque chose qui n'est pas loin d'un viol), elle dénonce ses infidélités, et revendique d'une certaine façon son droit à un choix amoureux correspondant davantage à ses désirs. Elle a un aspect très charnel, sensuel.

La Nourrice, même si Garnier l'étoffe et en fait un vrai personnage, qui n'est plus une confidente secondaire, mais une protagoniste de l'action, est un peu incohérente, faisant la morale, puis poussant sa maîtresse à se déclarer ; imaginant le complot et se suicidant lorsqu'il réussit, les revirements ne sont pas suffisamment justifiés.

J'ai toutefois trouvé cette pièce passionnante. La langue est magnifique, même si elle n'est pas toujours facile. Garnier est souvent présenté comme le meilleur auteur de théâtre de son siècle, et à lire cette pièce, cela peut se comprendre.

Ce qui a peut être manqué à cette génération, c'est une pratique du théâtre professionnel, de la scène, des troupes d'acteurs, qui aurait permis de concevoir des textes en fonction d'une représentation avant tout. Mais je trouve le théâtre du XVIe siècle assez surprenant finalement, bien meilleur que ce qu'en disent en général les histoires de la littérature. Il est incontestablement différent du théâtre qui se met progressivement en place au XVIIe siècle, mais c'est peut être un peu trop simple de le juger inférieur sans autre forme de procès.
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J'ai lu Hippolyte de Robert Garnier sur le site de Gallica. C'est, je crois, la version numérisée de l'édition de 1585 de ses tragédies. Ce qui veut dire qu'il a fallu déchiffrer les conventions d'imprimerie du XVIe siècle et se frotter aux tournures et au vocabulaire de l'époque. Quelques exemples intéressants de ce langage largement intelligible cinq cent cinquante ans plus tard mais où on retrouve des formes depuis oubliées. J'ai aimé trouver le verbe "cuider" qui signifie croire et qui a survécu dans "outrecuidance". le h latin du verbe avoir n'a pas encore disparu à la troisième personne du singulier au présent. Dernier exemple, le mot "ore", c'est à dire maintenant, est très utilisé dans ce texte et il nous a donné "désormais".
Revenons à la pièce. N'est-ce pas plutôt un long poème à plusieurs voix tant les tirades des personnages sont longues ? Chaque acte est composé d'un monologue ou d'un dialogue en alexandrins suivi d'une sorte de remise en contexte par le choeur s'exprimant en octosyllabes (sauf au cinquième acte). L'intervention du choeur m'a laissée à chaque fois très dubitative sur l'intérêt pour le déroulement de la pièce. Dans une intervention, il y a tout de même une interrogation sur ces dieux qui se rendent complices de tant d'injustices, en l'occurrence de la condamnation et de l'assassinat d'Hippolyte. Hormis quelques échanges très vifs d'un seul vers, par exemple entre Phèdre et la Nourrice au deuxième acte, chaque acte est composé de quelques (voire d'une seule au premier acte) tirades. Je ne suis pas sûre que ça contribue à construire une dramaturgie efficace. le changement de personnage étant indiqué juste par son initiale parfois à la césure d'un alexandrin sur la même ligne, il ne s'agit pas de le manquer pour ne pas perdre le fil !
Je parlais de poème plus haut et je réitère car les vers sont très beaux, pas tant par leur rythmique que par, justement, leurs images poétiques. C'est à mon humble avis le grand point fort de cette version du mythe de Phèdre en même temps qu'un point faible car, bercée par la poésie, on perd un peu le sujet de vue et le propos se dilue.
Effectivement, si les vers sont jolis, ils remplissent bien les pages mais donnent peu corps à une intrigue réduite au minimum. de ce point de vue, la version de Robert Garnier est très proche de celle de Sénèque : la poésie, les longues tirades, le caractère misogyne d'Hippolyte (voir les citations). Robert Garnier n'apporte rien de vraiment nouveau par rapport à Sénèque qui avait bien "modernisé" la version d'Euripide. Je suis étonnée que la présentation de l'ouvrage (dans l'édition des classiques Garnier) insiste sur l'influence de Robert Garnier sur Racine alors que celle de Gabriel Gilbert me paraît bien plus importante.
Pour terminer, il y a un passage qui m'a sidérée pour un texte du XVIe siècle. Dans l'acte II, la Nourrice tente de dissuader Phèdre d'aimer Hippolyte et elle fait preuve d'une incroyable ironie du genre, en langage moderne, "Allez-y, couchez avec votre beau-fils, commettez un tel inceste, et vous accoucherez de monstres comme il y en a déjà eu dans votre famille !" (allusion au Minotaure). Je me trompe peut-être mais je trouve cet emploi de l'ironie très moderne.
Conclusion : belle expérience que cette lecture d'un texte ancien, dans la graphie de l'époque ; j'ai apprécié la poésie mais la dramaturgie est, je pense, inférieure à celles des auteurs antiques et à celles des auteurs du siècle suivant.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
O Roine de la mer, Crete mere des Dieux ,
Qui as receu naissant le grand moteur des cieux,
O la plus orgueilleuse et plus noble des isles,
Qui as le front orné de cent fameuses villes:
Demeure de Saturne , où les rivages torts,
Remparez de rochers, s’ouvrent en mille ports,
En mille braves ports qui caressez de l’onde,
Reçoivent des vaisseaux de toutes parts du monde:
Pourquoy mon cher sejour, mon cher sejour pourquoy
M’as-tu de toy bannie en eternel esmoy? (
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Hé bons Dieux! que feray-je? auray-je tousjours pleine
La poitrine et le cœur d’une si dure peine?
Souffriray-je tousjours? ô malheureux Amour!
Que maudite soit l’heure et maudit soit le jour
Que je te fu sujette! ô quatre fois mauditte
La fleche que tu pris dans les yeux d’Hippolyte :
D’Hippolyte que j’aime, et non pas seulement
Que j’aime, mais de qui j’enrage follement.
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O maison désolée ! ô maison misérable !
O chétive maison, maison abominable !
O Phedre infortunée ! ô crédule Thesée !
O trop chaste Hippolyte à grand tort accusé !
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Et toy pauvre vieillotte, authrice malheureuse
d'un esclandre si grand pour ta Dame emoureuse,
Pourras-tu regarder le saint thrône des Dieux!
Pourras-tu plus lever la face vers les Cieux,
Et tes sanglantes mains, coupables de l'outrage
De ce jeune seigneur au plus beau de son âge?
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Je ne sçaurois aimer votre sexe odieux,
Je ne puis m'y contraindre, il est trop vicieux.
Il n'est mechanceté que n'invente une femme,
Il n'est fraude & malice où ne plonge son ame.
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