Ce livre m'a paru assez complexe avec de nombreux mélanges ou imbrications de situations qui émanent de la mémoire d'Anne Garréta et de son mode onirique personnel qui ne pas vraiment séduit.
Si l'écriture est riche et élaborée, j'ai trouvée qu'elle traduisait des situations confuses la plupart du temps. Sans doute ne faut-il pas chercher à tout comprendre et se laisser porter par le rêve et la poésie qui surgissent de ce texte. de mon côté, même si j'apprécie l'imaginaire et ses délires, j'ai vraiment eu du mal à suivre le propos de ce texte.
Le mystère est permanent dans cette lecture. Est-ce au lecteur de l'élucider? Peut-être... J'ai dû passer quelque peu à côté ne ressentant même plus l'envie de comprendre mais surtout celle de finir ce livre.
Commenter  J’apprécie         170
A suivre le narrateur qui perd sa faculté de langage (et ainsi ses repères quant au monde qui l'entoure), on s'égare et s'embourbe avec lui, dans un univers onirique et sombre, peuplé d'êtres étranges, double, légiste, femme araignée, souvenirs et restes d'enfance conservés dans la grange, origine de l'être et rempart contre le monde.
Un style magnifique, des phrases qui restent, des mots qui marquent, que l'on retient.
Un chef d'oeuvre.
Commenter  J’apprécie         30
Nuit soudaine.
Mon coeur un instant s'est tu.
Une gerbe de brandons catapultés contre ma rétine, tourbillon de formes incandescentes, en pâles rémanences vont s’affaiblissant.
Ainsi, condamné à la nuit.
Narines saturées de l'odeur de moisissure, l’oreille obsédée du murmure de l'eau qui suinte et infuse goutte à goutte dans mon crâne sa rumeur d’océan.
J'imagine au-dehors la puanteur des charognes, ruines et silence, un monde dévasté et, si dans le feu, la flamme et la lueur aveuglante ils n'ont pas tous été vaporisés au ciel, des hommes, des animaux, défigurés, une morgue empoisonnée d'effluves corrosifs.
Demeurer dans la nuit pour toujours. Manger encore, tracer à tâtons peut-être des signes dont seule ma main connaîtra, un bref instant, le chiffre. Perdre le souvenir de la lumière; n'avoir plus d'imagination que de la nuit où pâlissent les spectres.
Il me faudra m'inventer des souvenirs, des amours, des crimes, des deuils de nouveau, desquels enfin pouvoir peut-être souffrir, jouir et dans ma nuit éternelle me divertir.
Que de temps encore!
Je confesserai à voix basse dans l'immense et sourde oreille du silence un chagrin d'amour, les tourments de la jalousie...
Dans l'imagination de nuits, fuir ma nuit et dans mon lit glacé conjurer la froideur d'une amante intangible...
Mais quel crime, quel deuil, quel amour, même idéal, vaut un tel entombement? Il y a devant moi une nuit immense et sans faille: quel amour, quel deuil, quel crime pourra la remplir toute?
Peut-être n'ai-je fait que rêver le fracas des avions volant si bas sur l’horizon et la nuée sombre à l’occident. Dehors, le jour m'aura attendu; dans le verger les poiriers seront en fleur, et renaîtront pour la centième fois les pivoines de mon arrière-grand-mère. Chaque année parmi les ronces je me souviens m'être mis en quête de leur berceau, et à contempler leurs têtes rondes et lourdes déjà avant que d'éclore, avoir éprouvé effroi et haine.