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Critique de meeva


Eh ! Un petit tour dans un monde enchanté ?

Ferme les yeux. Tu sens l'odeur de sous-bois…
Quelle est belle cette forêt…
Et dans une forêt enchantée, qu'est-ce qu'on peut trouver à ton avis ? Un enchanteur peut-être…

- Moi : Tu vois toutes ces mini fées clochettes dans le ciel ?
- Toi : Quelles fées ? Où ça des fées ?
- Tu vois pas, ça brille de partout, là-haut, là, autour de nous…
- Il commence à pleuvoir ! C'est l'humidité qui brille.
- Mais non, c'est des fées clochettes avec leurs petites ailes qui brillent… D'ailleurs, regarde mieux, il y en a qui remontent dans le ciel…
- C'est une putain de bruine qui veut pas s'déposer au sol et qui nous glace les os. On va finir perdu dans le brouillard… Je suis sûr que tu sais déjà plus où on est depuis le temps qu'on marche.
- Mais ! … tu s'rais pas un peu trouillard… Bah, t'inquiètes, on tombera bien sur une bonne fée si on s'est paumé… Tu trouves pas que c'est romantique tous les deux, seuls au monde, en forêt… ?



Lorsque j'ai repris ce livre, j'ai regardé à l'intérieur, et j'ai eu comme une hésitation.

De long paragraphes dans un livre assez gros, cela m'a rappelé Europa, que j'ai lu pour la première fois récemment et que je n'ai aimé que parce qu'il s'agit de Romain Gary et que je perds toute objectivité en sa compagnie.


Europa a été publié en 1971 et c'est un livre « qui n'a pas été compris » par les lecteurs. Gary s'en est rendu compte, puisqu'il a ajouté une préface dans la version américaine pour s'expliquer sur le sujet.
Deux ans plus tard, il reprend la même trame, les mêmes idées dans ce livre « Les enchanteurs ».

Ce n'est pas la première fois que Gary me donne l'impression de se répéter, en particulier après un échec.
Déjà « Tulipe », qui n'avait pas été un succès du tout, et « L'homme à la colombe », reprenaient tous les deux la même trame : une fausse grève de la faim de la part du héros qui se transforme en crise d'authenticité.


Dans « Les enchanteurs » comme dans « Europa », le narrateur, le héros de l'histoire, vit sur plusieurs siècles. Il fréquente le beau monde, la haute société, le pouvoir.
Ces deux livres contiennent de grandes descriptions et de nombreuses références culturelles, à l'art, à l'histoire, à la politique, à la société et son évolution.


Cependant, ici, l'enchantement est efficace. Les descriptions, par exemple, parfois un peu longues, sont d'une beauté remarquable. Fosco parle avec les yeux émerveillés d'un enfant de ce qui l'entoure.
Dans la forêt de son enfance, les arbres, les rochers prennent vie autour de lui.

« Je parvenais encore à imaginer que ce grand bougre de rocher, là-bas, si humain dans ses formes, était un prince frappé de mauvais sort, mais je ne pouvais plus rien pour lui et, surtout, il ne pouvait plus rien pour moi. Il nous arrivait à tous les deux le même malheur : il était à tout jamais changé en pierre et moi, je devenais changé en homme. »


Ce livre contient de nombreux mots russes (neprilitchnosti, bartchouk, gospaja, klioutchnik…) qui je trouve ajoute à l'émerveillement par des touches d'authenticité.
Souvent, dans ses livres Gary laisse des mots étrangers : yiddish dans « La danse de Gengis Cohn », tahitiens dans « La tête coupable », américains dans « Chien-blanc »… ici des termes russes.
Cela est peut-être dû à son cosmopolitisme : Gary touche à l'universalité car il comprend et s'imprègne de la culture du pays dans lequel il vit mais il laisse à chacun ses particularités à travers ce vocabulaire qu'il ne traduit pas. Enfin c'est mon avis…


Gary laisse encore une place de choix aux prostituées dans ce roman.
Elles font partie de son oeuvre depuis son premier livre, « éducation européenne » où déjà Sozia « allait avec les militaires ».
Dans « Lady L. », l'héroïne avait tenu ce rôle.
Et bien sûr dans « La vie devant soi », Momo est un fils de pute au sens littéral du terme…


Gary aborde aussi certains de ses thèmes de prédilections, en particulier les notions d'authenticité, d'humanité, de fraternité.

Fosco Zaga, membre d'une famille de saltimbanques italiens, raconte une partie de son existence, en Russie, lorsque son père s'est marié avec Teresina. Fosco n'a eu de cesse ensuite d'inventer cette femme, dont il est épris, avec amour.
La frigidité évoquée de Terersina m'a fait penser à Lili dans « la danse Gengis Cohn ».
Et quand Fosco explique qu'il cherche à retrouver cet amour particulier pour lui dans les bras de beaucoup d'autres femmes, cela m'a fait penser à « la promesse de l'aube ».
Les vérités qui ne sont que des « costumes d'époque » ne sont pas sans rappeler « le grand vestiaire ».
On dit qu'un auteur passe sa vie à écrire le même livre…


C'est un livre que je trouve très très beau, mais j'ai l'impression que c'est parce que je connais bien Gary, parce que j'aime aussi ses défauts, depuis le temps que je le fréquente…



« Heula !! Qué qu'vous foutez là tous les deux ? »
- Toi : Bonjour madame. Peut-être pouvez-vous nous aider à retrouver notre chemin. Je ne suis pas de la région et mon amie a voulu se promener en forêt mais je crois que l'on s'est perdu.
« T'as d'la goule toi ! Pourquoi è dit rin, la p'tite dame ».
- Moi : On s'disait que peut-être on trouverait une fée pour nous aider à trouver Merlin, vous voyez quoi…
« Mé tu l'as d'jà trouvé ta fée ! Moi c'est Gisèle. Et y'a pas d'Merlin ici à c'que j'sais »
- Toi : ahahaha… c'est drôle… Mais peut-être que vous pourriez vous indiquer notre chemin par contre…
« de quoi qu'tu ris ? de d'là à m'fâcher, y'aurait pas loin ! »
- Moi : Et vous sauriez vraiment pas où on peut trouver Merlin ?
« Y'a pas d'Merlin que j'te dis. Demande à ton galant de te sortir sa baguette, y saura bien t'enchanter avec ça »

Enchantée de t'avoir rencontré…



Pour s'inspirer, quoi de mieux qu'une chanson délirante, ça aussi ça enchante :

« Dans la rue il y a toujours au moins quatre grand-mères à faire traverser
Si ton but c'est de faire le bien, ici tu vas pas t'ennuyer
Ici les gens se battent avec des SDF pour leur donner d'l'argent
Si Madelin débarquait ici, il se sauverait en courant
[…]
Moi je vis chez Amélie Poulain
Le pays où tout va bien
Chez Amélie Poulain
Le film où on ne meurt qu'après le générique de fin
Chez Amélie Poulain
[…]
J'fais pas de collection débile alors du coup je m'insère pas
J'ai mal aux yeux à force que les couleurs soient à fond
[…]
J'prends des aveugles dans la rue et je leur raconte n'importe quoi
Tiens y a deux chiens qui discutent, y a une p'tite fille qui vient de perdre ses doigts
Je veux aller dans un autre film Orange mécanique ou Funny game
J'en ai marre de discuter trois heures par jour avec la gardienne
Je veux lui dire que son mari s'est cassé parce qu'elle est conne et moche !
Le soir je rêve de r'monter des kalachnikovs
[…] »

(extrait de « Amélie Poulain », Les Fatals Picards : http://www.youtube.com/watch?v=bEhg1yGax78)
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