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EAN : 9782070408764
172 pages
Gallimard (13/09/1999)
2.91/5   65 notes
Résumé :
Tulipe, ancien déporté, vit à Harlem, après la guerre, dans un meublé sordide.
Il a pour seuls amis un autre émigré, oncle Nat, de race imprécise, et la fille de ce dernier, Léni. Tulipe est le Blanc failli, qui avoue, proclame, mime sa capitulation. Il tente de s'arracher à tout ce qui fut et demeure pour lui sacré et se réfugie dans le cynisme. Réaliste jusque dans la parodie, jonglant aussi bien avec les millénaires qu'avec toutes les "bonnes paroles" semp... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Le Larousse définit le terme de "civilisation" comme l'ensemble des acquis d'une société qui la fait s'éloigner de l'état sauvage, et devenir un modèle pour l'avenir. Lorsque Romain Gary publie Tulipe, en 1946, il sort tout juste de la seconde guerre mondiale à laquelle il a participé dans les rangs des combattants de la France libre. Il émerge de l'inimaginable de la part d'une société civilisée. Les horreurs de la guerre l'ont touché au plus profond de lui-même.

Il produit alors cet ouvrage débridé par lequel il exprime sa répugnance à l'égard de la barbarie dont il a pu être le témoin. Telle barbarie ne peut être le fruit d'une grande civilisation. Romain Gary emploiera son énergie à la dénoncer tout au long de sa carrière d'écrivain. A bout d'argument dans la colère et l'indignation, il choisira souvent de traiter le sujet par la dérision. Prendre le contre-pied de ses sentiments les plus immédiats lui semble évident pour exprimer son mépris contre tout ce qui dégrade la grandeur de l'Homme.

Tulipe, le "Blanc Mahatma de Harlem", ainsi nommé par les quelques amis qui le soutiennent dans son combat pour dénoncer l'absurdité du monde, est un rescapé de Buchenwald. Il jette en désordre à la sagacité du lecteur tous les thèmes qui peupleront les ouvrages futurs de Romain Gary. Il y a urgence, au sortir de l'apocalypse, à réconcilier ceux qui viennent de s'entre déchirer, à dénoncer les dérives de l'être doué d'intelligence. Tout y passe : la haine de l'autre, la maltraitance animale, les crimes contre la nature et tant d'autres manifestations du comportement humain qui n'ont de cesse de rabaisser l'homme à l'état sauvage. Sauvage au sens de barbare, car les animaux sauvages ne sont pas barbares, même quand ils sont carnivores. Ils ne sont pas responsables de leur condition.

Tulipe est un ouvrage turbulent, déroutant. le propos en devient incohérent, le discours désorganisé. Mais il faut y décoder le cri de désespoir qu'il comporte, au point de sombrer dans une forme de folie douce. le lecteur qui découvrirait l'auteur aux deux prix Goncourt avec cet ouvrage pourrait fort bien discréditer à ses yeux la noble académie pour ses choix futurs avec pareille première impression. A celui-là, je dis de persister, d'avancer dans la grande oeuvre de Romain Gary. La dérision est chez lui une marque de fabrique, il faut y trouver le fond d'humanité qu'elle véhicule et qui habite Romain Gary jusqu'à l'obsession.
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A la maison, on a tout Gary. Tout ? Ben oui, tout… enfin, presque tout. Manque juste « Les couleurs du jour », mais bon, ça c'est un bouquin de collectionneur, en ce moment y a un exemplaire, d'occasion bien sûr, à 150 euros sur ebay. Je préfère le laisser à quelqu'un d'autre.

Alors pourquoi on a tout Gary, me demandez-vous ? Non, vous vous en foutez ? Je vais vous le dire quand même, c'est moi qui décide. C'est parce que ma p'tite femme l'adore. Elle en est tombée amoureuse y a longtemps déjà, bien avant de me connaître. Alors ça va, je suis pas trop jaloux.

En plus « Les couleurs du jour », d'après ce qu'elle m'a dit, ma p'tite femme, c'est pas la peine de l'avoir. Si si, même que Gary l'a republié quelques années plus tard, sous un autre titre, avec seulement quelques modifications. J'ai pas vérifié, mais je lui fais confiance à ma p'tite femme, sur Gary en tout cas c'est elle la spécialiste. Même qu'elle a lu tout ses romans, d'ailleurs on les a tous à la maison. Enfin non, on n'a pas « Les couleurs du jour », mais ça je crois que je vous l'ai déjà dit. Mais on a plein d'autres trucs sur Gary aussi, des biographies, des bouquins sur lui que je sais même pas ce qu'il y a dedans, des articles de journaux, des trucs d'intello quoi… et ma p'tite femme elle les a tous lus et elle a tout bien compris, enfin c'est ce qu'elle m'a dit hein, moi je suis pas allé vérifier, en même temps je les ai pas lus alors… Mais je lui fais confiance à ma p'tite femme, en plus quand elle en parle, de Gary, tu sens bien qu'elle connaît son sujet.

Alors voilà, moi c'est plutôt Stephen King, je les ai pas tous lus, mais faut dire qu'il en a écrit plus que Gary aussi, et puis je lis d'autres trucs en plus. Et donc y a encore quelques semaines, de Gary j'avais lu que « La vie devant soi » et « Les têtes de Stéphanie ». Enfin « Les têtes de Stéphanie », c'est de Shatan Bogat, mais ma p'tite femme, elle le range avec les Gary et elle m'a dit que c'était lui qui l'avait écrit, même que ça s'appelle un pseudonyme alors donc j'avais déjà lu deux Gary. Ca fait quand même pas beaucoup quand tu vois l'étagère des Gary chez nous. Surtout qu'on a tout Gary. Enfin, presque tout.

« La vie devant soi », on l'a même vu au théâtre avec ma p'tite femme, c'était des amis qui nous avaient offert les places. Pas cons, les amis, ils savent bien que ma p'tite femme, c'est une fan de Gary, et puis ils peuvent pas lui offrir un Gary parce qu'ils savent qu'on en a plein mais ils savent pas exactement lesquels, alors ils offrent des places pour aller voir une pièce de théâtre tirée d'un bouquin de Gary. En même temps c'est con qu'ils savaient pas qu'il nous manquait que « Les couleurs du jour », ça leur aurait coûté moins cher que deux places au théâtre Marigny.

Enfin bref j'avais lu que deux Gary, enfin un Gary et un Shatan Bogat, mais c'est comme deux Gary. C'est ma p'tite femme qui l'a dit, et elle s'y connaît en Gary ma p'tite femme.
Et donc je me suis dit bon, faudrait ptêt quand même que je m'y mette, voir ce qu'elle lui trouve, ce qu'il a de plus que moi, l'ambassadeur. C'est vrai ça, moi aussi j'écris, la preuve vous êtes en train de me lire. Et vu qu'on les a tous les Gary, enfin presque tous, et qu'en plus ils sont rangés dans l'ordre où il les a écrits, ben plutôt qu'à me demander lequel choisir, j'ai qu'à les lire dans l'ordre. Voilà.

Bon en fait j'ai pas tout à fait pris l'ordre parce que les premiers trucs qu'il a écrits c'est des nouvelles, nous on les a mais c'est dans les Cahiers de l'Herne et du coup c'est pas rangé au même endroit parce que le bouquin il est trop grand pour l'étagère. Et puis après y a « le vin des morts » mais c'est pas celui là que j'ai lu. Je sais pas pourquoi. Il doit pas être rangé au bon endroit, parce que pourtant on l'a aussi. Bon alors j'ai lu « Education européenne ». J'ai bien aimé, mais moins que « La tour sombre », de Stephen King. Faut dire que c'est pas trop le même style.

Et puis après dans l'ordre j'ai lu « Tulipe ». Alors là, par contre, comment dire ? En tout cas j'ai pas bien aimé. En fait je crois que j'ai pas tout bien compris. Peut-être je suis pas assez intelligent. Ou alors c'est peut-être Gary qu'a pas bien expliqué. Déjà dès le début, après une trentaine de pages, j'ai tout recommencé parce que j'avais pas bien compris si ça se passait dans le futur ou pas. Et puis après c'est bizarre. le gars Tulipe, ah oui parce que c'est un gars qui s'appelle comme ça, il fait une grève de la faim, il vit dans un taudis, ça se mêle à des histoires de religion, et puis je crois aussi qu'il y a des messages cachés… enfin bref je vais pas vous raconter l'histoire comme je suis pas sûr de l'avoir tout bien comprise.

Mais elle m'avait prévenu ma p'tite femme, elle m'avait dit de pas prendre celui là, qu'il y en avait des mieux… J'aurais peut-être dû l'écouter, c'est vrai que c'est elle la spécialiste. Enfin du coup, celui-ci je l'ai lu, c'était pas déplaisant non plus !

Mais du coup je vais pas reprendre Gary tout de suite, je fais une pause. Donc maintenant un bouquin que j'ai déjà lu et que j'avais bien aimé peut-être, une valeur sûre, un truc reposant, que je suis sûr de comprendre facilement. Ah, je sais, « Métaphysique des moeurs » de Kant.
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« Tulipe », deuxième texte de Romain Gary sous ce nom est annoncé comme un récit… Un bien étrange récit, à vrai dire…

Tulipe, un ancien déporté rescapé des camps de concentration est installé à Harlem dans un bouge en compagnie d'un autre émigré et de la fille de celui-ci devient, suite à une fausse grève de la faim qui finit par en être une vraie, « le blanc Gandhi de Harlem ». Il fonde l'association « Pitié pour les vainqueurs » ; et, il prêche…Et il prêche… Il prêche et tout y passe : racisme, politique, économie et média, la bêtise aussi…

Un style vif et tranchant au service d'un cynisme burlesque. Un texte à l'humour rageur aux accents prophétiques pour dénoncer la mainmise des idéologies sur l'humain ; et qui n'est pas sans rappeler parfois « Les enfants du bon Dieu » de Blondin, publié peu de temps après, en 1952 et ou un prof d'histoire, sous prétexte que l'histoire (le STO) l'a détraqué, allait à son tour la détraquer dans ses cours, l'Histoire…Tout un programme !
Ici, l'Inde à colonisé l'Angleterre qui demande son indépendance… on nous annonce que "des sources de lait jaillissent du sol dans le Bronx. En une nuit, un champ de blé a poussé dans la Cinquième Avenue et les chômeurs sont occupés à faire la récolte. Un Noir a été élu à la Maison Blanche"… Tiens ! prémonitoire Gary ?

Un texte burlesque manipulant l'inversion avec maestria, comme quand tulipe regardant à l'envers dans une boule de cristal y voit « celui qui mourra sur la croix et celui qui, parti d'Espagne, découvrira un monde nouveau »…mais qui, regardant à l'endroit dans la même boule de cristal ni voit « que cendres ».

Un texte burlesque, mais pas seulement : pour preuve, le concept qui fut à l'origine de la création par Tulipe de « l'Association pitié pour les vainqueurs » : « Lorsqu'une guerre est gagnée, ce sont les vaincus qui sont libérés, pas les vainqueurs » … Burlesque ? Pas seulement !

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Ces lignes semblent avoir été écrites dans un lointain futur pour expliquer notre monde d'aujourd'hui.

Harlem, 15mars 1946. Tulipe a quitté l'Europe depuis 6 mois. Il a vu l'horreur des camps, à Buchenwald et aujourd'hui, il ne parvient pas à accepter l'indifférence régnante à propos des événements de la guerre dans la ville de New-York. Il dit que « le petit village d'à côté » vit dans le repos, et il ne trouve pas cela acceptable.

« Ce que je ne pardonne pas, ce n'est pas Dachau, cette ville de trente mille habitants voués à la torture, mais le petit village à côté, où les gens vivent heureux, travaillent dans les champs et respirent l'odeur de foin et de bon pain chaud… »

Tulipe vit avec Oncle Nat, vêtu d'un costume de groom et de dompteur de lion,qui lui répète sans cesse de « ne pas se frapper ». Mais Tulipe est un idéaliste qui prend tous les malheurs du monde sur son dos, d'où son nom. Il se lance dans une grève de la faim qui prendra des proportions burlesques et fantastiques.

Il y a quelque chose de théâtral dans ce roman, venant peut-être du huis clos. le texte est fantaisiste mais au fond très grave, profond. Il fait réfléchir, et le personnage de Tulipe est un sacré piège à réflexion. J'ai apprécié cette lecture ainsi que les idées que Romain Gary y défend. le ton du livre engloutit la crédibilité du personnage et nous confond. Tulipe m'a fait penser à une espèce de Jésus Christ des temps nouveaux. Ces idées restent modernes car elles parlent d'une mécanique de la société. Un moment sérieux à passer.
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TULIPE de ROMAIN GARY
Le livre s'ouvre avec un prologue sur l'époque lointaine où vécut Tulipe, on est en 5500 et des poussières, après lui, on ne sait pas grand chose, des bribes, les éléments retrouvés du passé sont écrits dans une langue morte. L'humanité a traversé des guerres, a tout mis en jeu pour survivre, certaines notions et certains noms sont incompréhensibles comme américains, russes, pizzas, crucifixions et malgré toutes les thèses écrites sur Tulipe, on piétine. On sait quand même que Tulipe ne s'appelait pas Jesus Christ, une des hypothèses sur son identité, mais que c'était son nom de guerre pendant la résistance entre 1940 et 1945. Commence alors l'histoire de Tulipe. C'est un ancien déporté des camps qui vit à Harlem dans un taudis, il a le crâne rasé, vit enroulé dans un drap, se jette régulièrement de la cendre sur la tête et file de la laine. Son seul ami est Nat, humain indéterminé et sa fille Lenni. Il est avec Flaps, un petit nègre chauve, Grindberg et Biddle, le « guide de nuit de la voix du peuple ». Il est le « jeûneur européen »pour son mouvement « prières pour les vainqueurs », il fait des émules partout, des petits Gandhi émergent avec des doctrines fort différentes, Tulipe doit intervenir. La pauvreté est désormais l'apanage des quelques blancs qui survivent.
Au delà de l'aspect superficiellement comique du récit, Gary pose toujours cette lancinante question de la survie après les camps, Bergen-Belsen pour Tulipe. C'est un des livres les moins plaisants à lire de Gary, difficile à suivre sauvé de temps en temps par le comique de la situation de Tulipe. Proche du Grand Vestiaire sur la thématique, ce n'est pas un livre facile à recommander.
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Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
- Du nouveau ? demanda Flaps [un journaliste]
- Charlie Chaplin dans une affaire de paternité, dit Grinberg.
- Encore ?
- Il a été acquitté... L'ennui avec ce type là, c'est qu'il n'a pas de sang noir. On ne peut pas le lyncher sans preuve.
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"Ce n'est pas Buchenwald qui est horrible, ce n'est pas Belsen, que je n'arrive pas à oublier." Il continua à mâcher, distraitement. "Ce que je ne pardonne pas, ce n'est pas Dachau, cette ville de trente mille habitants voués à la torture, mais le petit village à côté, où les gens vivent heureux..."
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(note de bas de page, p 20 de l'édition Folio)
* Noir ou nègre. Se dit également : juif. Terme général désignant des êtres inférieurs issus du singe. [...] Des documents [...] prouvent d'une manière irréfutable que le véritable nom d'oncle Nat était Daniel Natanson et que le terme « Noir » n'était utilisé que comme synonyme de souffrance, oppression, esclavage, ignorance, avitaminose, etc, etc. Exemples : misère noire, souffrance noire, horizon noir, idées noires. N'a acquit son sens de homme (habitant de la Terre) qu'avec la disparition des Blancs. Blancs : une aspiration confuse à quelque chose, qui finit généralement pas un massacre.
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- On commence toujours par crever de faim, à New York, jusqu’au jour où l’on fait crever de faim les autres, dit Grinberg. C’est ce qu’on appelle « réussir ».
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Des sources de lait jaillissent du sol dans le Bronx. En une nuit, un champ de blé a poussé dans la Cinquième Avenue et les chômeurs sont occupés à faire la récolte. Un Noir a été élu à la Maison Blanche.
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Vidéo de Romain Gary
"Un monument ! Une biographie indispensable pour (re) découvrir Romain Gary, cet auteur incroyable ! " - Gérard Collard.
Dans le Jongleur, Agata Tuszyska peint un portrait unique de Romain Gary, unique auteur à avoir reçu deux fois le Prix Goncourt (pour Les Racines du Ciel et La Vie devant soi), diplomate, scénariste, pilote de guerre, voyageur; et montre comment son personnage va au-delà des limites de la pirouette artistique et des responsabilités humaines.
À retrouver en librairie et sur lagriffenoire.com https://lagriffenoire.com/le-jongleur.html
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