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EAN : 9782070410965
496 pages
Gallimard (12/10/1999)
3.36/5   59 notes
Résumé :

Dans ce roman étrange et fascinant, chaque personnage est peut-être le fruit du délire des autres. Mais qui rêve qui ? Il y a Jean Danthès, ambassadeur de France à Rome, inconsolable de la disparition et de l'avilissement de l'Europe, la vraie, celle du XVIIIe siècle, que l'on appelait l'Europe des Lumières. Il y a Malwina von Leyden, aventurière de classe et magicienne, qui promène à travers les si&... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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Toute l'oeuvre de Romain Gary est centrée sur l'échec. Échec de l'Homme à se construire une destinée à la hauteur du mystère de la vie. Échec du même à vivre en harmonie avec ses congénères, son environnement. Échec de la civilisation qu'il a façonnée à canaliser les individualités en une communauté de prospérité. Et pour le thème de cet ouvrage, échec de l'utopie européenne. Nous sommes en 1971. A-t-on progressé en 2018 quand d'aucuns sont tentés de retrouver en notre époque le climat des années 30, avec la crainte que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets ?

Et Romain Gary de regretter que la vieille civilisation occidentale n'ait pas su concrétiser les espoirs fous qu'avait vu naître le siècle des lumières : le mythe d'une Europe de la culture, qui aurait fait ses humanités, stimulée par la langue française, laquelle brillait de tous ses feux dans les cours européennes.

Romain Gary, le faussaire sublime mais sincère, le rêveur qui n'a su dompter ses cauchemars nous étonne encore une fois avec sa verve inspirée et intarissable dans un roman labyrinthique. Une fois de plus il choisit la dérision pour leurrer son désespoir et contenir sa colère d'être le témoin d'une civilisation qui, si évoluée soit-elle, n'a su maîtriser ses démons.

Le Temps comme le Destin prennent la majuscule dans Europa, en signe de soumission de l'homme à ces deux concepts qui gouvernent sa vie. Il faut dire qu'ils en prennent à leur aise. le Temps à se jouer des chronologies, ne craignant ni les anachronismes ni les alternances de rythme, le Destin à se complaire dans le mépris de sa proie. Au diable la cohérence dans un monde qui perd la raison, même si l'ouvrage peut devenir quelque peu indigeste à force d'acculturation.

Pareilles circonvolutions font durer l'instant encore et encore. Telle une ascension vers le nirvana, la vieille Hispano-Suiza de 1927 qui transporte Malwina, Erika et le Baron vers l'ambassadeur Danthès n'en finit plus gravir le chemin qui mène à la villa Italia. Elle est tellement chargée d'histoire, la grande et la petite, de faux espoirs et de regrets, tellement chargée de l'imaginaire d'un auteur fécond que la faire parvenir à son but serait donner raison au Temps et n'avoir aucune prise sur le Destin. Voilà pour l'entame d'un roman qui tire quelque peu en longueurs.

Roman difficile qu'il faut aborder avec l'intention, à chaque phrase, de saluer le talent d'un auteur et ne pas chercher à suivre le fil d'une intrigue. Romain Gary est parvenu à un stade de sa carrière d'écrivain où il peut s'autoriser la mise à l'épreuve de son lecteur, tester la force de son adhésion aux valeurs que lui-même a voulu défendre toute sa vie, tout au long de son oeuvre.
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Et bien moi j'ai adhéré à Europa, à sa narration alambiquée, tordue, à son histoire complexe, à son style mi-réaliste mi-onirique, à son goût d'inachevé, de pessimisme européen, à ses personnages qui s'inventent les uns les autres, à ses réflexions alchimico-politico-historico-poétiques.
Danthès rêve d'une Europe de la culture, à défaut d'être politique, d'autre chose que le monstre de charbon et d'acier de la CECA, Malwina rêve de vengeance à travers les siècles et son amour, le Baron entame une partie d'échec sur le long cours pour tendre un piège machiavélique...
Ces personnages s'entrecroisent, se rêvent, s'inventent, se mêlent, s'aiment et se déteste à travers les âges, chacun créant ou rêvant l'imaginaire de l'autre entre les chapitres et au sein même de ceux-ci.
L'écriture suit ce rythme complètement fou et épouse le regard de chacun, les interprétations personnelles des protagonistes, leurs lubies et phantasmes, le tout interprété par un psychiatre qui sert de fil rouge au récit et offre un semblant de réalisme à ce conte baroque que l'on peine de prime abord à suivre, mais qui bien vite nous emballe pour finir dans un époustouflant, mais peu réjouissant feu d'artifice d'illusions et de désespoir.

Le style est bien celui de Gary, d'un Gary affirmé, épris d'Europe mais toujours aussi peu confiant dans les destinée des peuples et de la politique. On y retrouve l'effet produit par un Faulkner dans le Bruit et la Fureur qui mélange les narrateurs pour amener son lecteur à un état proche de celui des personnages: halluciné, perdu, chamboulé, dépressif.
C'est un peu comme ça que Gary voyait l'Europe... Force est de constater aujourd'hui que sa vision était peut être juste assez pessimiste... il nous manque aujourd'hui de tels romanciers à Goncouriser pour nous aider à affronter cette période morne et peu emballante !
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J'avais beaucoup apprécié l'Education européenne de Romain Gary, j'étais donc curieuse de découvrir son Europa (a priori peu de changement thématique si l'on s'en tient au titre!)...Dont la lecture, il faut le dire, est un peu déroutante.

On y fait la connaissance d'une foultitude de personnages qui semblent se compléter, s'associer, se dissocier, et l'on se demande au fur et à mesure des pages lesquels sont réels, et lesquels le sont moins. Danthes est aux prises avec Saint-Germain et le Baron, Malwina et Erika semblent les deux facettes d'une même pièce, Jarde se confond avec les citations freudiennes de l'ouvrage.

Si le lecteur espérait se rattraper à l'unité de temps ou de lieu face à cette débauche de personnages, c'est peine perdue : on ne sait jamais vraiment à quelle époque on est (avoir un personnage qui assure avoir vécu plusieurs siècles et connu tout le gratin central et est-européen n'aide pas), et lorsque l'on croit être à un endroit (prenons Florence), le personnage s'éveille subitement : c'était un songe, c'était une hallucination.

Le récit est donc heurté de ces incessants allers et retours temporels, de ces scènes jouées une dizaine de fois : l'on ne sait plus si l'on est dans un roman, dans une répétition théâtrale ou dans un film en train d'être monté sur adobe Premiere...

Le lyrisme à outrance et les très longues descriptions de l'auteur m'ont à la fois agacée et apaisée : lorsqu'elles sont culturelles ou mobilières, elles m'ont fait penser à un Huysmans moins cynique qui voudrait faire déborder son savoir de chaque page, tandis que les descriptions de paysages m'offraient elles un moment de répit dans cette lecture décidément bien sans dessus dessous.

Vous l'aurez probablement deviné, j'ai mis des mois à venir à bout de cette Europa, et j'ai sérieusement songé à l'envoyer valdinguer. J'en retiens quelques passages jouissifs, notamment les passes d'armes politiques et idéologiques entre Danthes et son fils, deux trois évocations d'oeuvres d'art qui m'ont fait sourire, et surtout une critique déjà sévère de la dualité et de l'hypocrisie européenne pétrie de culture et pourtant incapable de refuser la violence en son sein.

On pourrait discourir longuement sur la vision de la femme proposée par Gary dans cet ouvrage, pas vraiment glorieuse : la sensualité y est sans cesse liée à la manipulation et à la rancoeur ; les personnages féminins se contentent d'être une épouse délaissée, une sorcère malfaisante ou une jeune innocente salie dans ses momens d'oubli.

Une lecture pas franchement moderne a posteriori, pleine d'une suffisance d'un autre siècle et portant un regard franchement conservateur sur la sexualité, bref, plutôt malaisante pour moi. Mais les romans sont aussi là pour secouer leurs lecteurs...
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La lecture de "La vie devant soi" ne m'avait guère préparée à l'expérience que je viens de vivre avec celle "d'Europa", roman méconnu de Romain Gary, caractérisé par une intrigue riche et complexe, une écriture foisonnante et une construction labyrinthique.

Dans ce récit à la réalité fluctuante, où les faits sont sans cesse réinventés, revisités, dont vous n'êtes jamais vraiment sûr de capter le sens, l'auteur met en scène des personnages à la texture presque impalpable, qui ignorent eux-mêmes s'ils sont réels ou le fruit de l'imagination d'autrui.

Danthès, la cinquantaine passée, ambassadeur de France en Italie, en poste à Rome depuis un an, voit là le couronnement de sa carrière. Il a récemment fait la rencontre d'Erika, fille de Malwina von Leyden, avec laquelle il eut une aventure trois décennies auparavant. Malwina n'a depuis lors qu'une obsession : se venger de Danthès, qui l'aurait lâchement abandonnée après qu'elle se fut retrouvée paralysée à la suite d'un accident dont elle l'estime responsable.

Malwina est un personnage ambigu et haut en couleur. Cette invalide aurait vécu de multiples existences à travers les siècles -le XVIIIème étant son préféré-, et entretenu des liens privilégiés avec certaines des plus grandes figures européennes, tels les Médicis, Goethe, Nostradamus ou encore Louis II de Bavière. Elle vit ainsi dans un monde où s'abolit la frontière entre les siècles, menant avec Erika et son mari le baron von Putz Zu Sterne une existence de saltimbanque, s'adonnant à sa passion du jeu et exerçant ses prétendus dons de voyance pour combler les pertes financières occasionnées par la dite passion, avec un succès plus que relatif.

Tous ces héros sont parés d'un caractère insaisissable dont certains subissent fortement les aléas : Danthès ressent par intermittences une sorte d'effacement, de perte d'identité, Erika a des absences desquelles elle émerge complètement amnésique... Ils sont ainsi dotés à la fois d'une superbe que leur confèrent leur statut social, l'étalage de leur culture, et leurs manières aristocratiques, et d'une superficialité due à cette impression qu'ils ne sont pas tout à fait réels, mais aussi parce qu'ils évoluent dans un univers qui oscille constamment entre fiction et réalité, où le temps paraît tantôt se dilater, tantôt "hoqueter" (certaines scènes revenant en boucle), passé et présent finissant par se fondre dans un espace temps insolite et comme immobile.

Il est par conséquent parfois difficile de ne pas se perdre dans "Europa". On ne sait jamais vraiment qui manipule qui, ni où se situe la frontière entre hallucination et vérité, entre faits et songe, entre mésaventure vécue ou seulement anticipée...

Et non content de nous offrir un récit déjà fascinant par son intrigue à tiroirs et l'atypisme de ses personnages, Romain Gary nous livre, par l'intermédiaire de Danthès, une réflexion captivante sur la nature et le devenir d'une Europe qui voit la légitimité de ses idéaux remis en question par les événements ayant agité le XXème siècle.

L'ambassadeur prend conscience que l'idée qu'il se faisait du vieux continent est caduque et faussée, inspirée d'un romantique "vague à l'âme" déconnecté de la réalité, héritée d'un siècle des Lumières durant lequel on a conceptualisé les problématiques humaines et sociales. Il en a peu à peu émergé une Europe purement mythologique, celle des grandes et honorables idées, d'une culture rayonnante, dont la priorité était secrètement donnée à la beauté. Beauté des principes, des arts, des notions, l'homme lui-même étant davantage "pensé" dans une esthétique abstraction que reconnu dans sa nature et sa réalité... L'"esprit européen" n'était donc finalement qu'un leurre, une imposture qui s'efface derrière une réalité sociale et économique inacceptable, et qui surtout a été foulé du pied avec une impitoyable violence par les horreurs -avec comme apogée celle des camps de concentration- perpétrées au cours du XXème siècle. Danthès ayant lui-même passé deux ans à Dachau ne peut que constater la mort de l'idéal européen auquel il a cru si longtemps. Et il ne voit pas comment soigner l'Europe de sa schizophrénie, faire cohabiter ses aspirations hautement esthétiques et intellectuelles avec la souffrance et l'abêtissement des hommes paraissant inconcevable.

"Europa" est donc un roman dont dont la lecture n'est pas toujours confortable, mais qui force l'admiration par sa maîtrise et la diversité des sujets abordés.

Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Grand admirateur de Romain Gary, il m'a fallu faire preuve de beaucoup de confiance et de patience pour poursuivre la lecture de ce roman bizarre où on ne sait jamais si on est dans une narration d'événements réels ou dans le rêve délirant d'un des personnages et en particulier du héros principal. Celui-ci passe son temps à s'évader dans des histoires sans fin où il vit une passion pour une jeune femme qui est la fille d'une ancienne maîtresse qu'il a abandonné et qui cherche depuis à se venger... à moins que ce ne soit pas le cas et qu'il invente tout ça.
On démarre fréquemment un chapitre avec un récit structuré foisonnant de détails qui semblent refléter la réalité mais cela se révèle à la fin être un nouveau délire. Des scènes sont revécues plusieurs fois de suite (comme un rêve qui revient indéfiniment), donnant l'impression de revenir sans arrêt en arrière.
Si le roman montre une très grande maîtrise de l'écriture de la part de l'auteur (ce qui n'est évidemment guère surprenant), pour le lecteur, c'est assez éprouvant et déstabilisant.
Bref, pour une fois, Romain Gary ne m'a pas captivé. Je continuerai néanmoins à le lire. Même un génie peut ne pas faire mouche à chaque fois.
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
L’Europe n’a jamais existé, et n’existera jamais en tant que dignité humaine, parce qu’elle ne pouvait s’accomplir que dans la fraternité d’un partage et dans cet amour dont ont longtemps parlé ceux qu’on appelait les chrétiens, et si une telle métamorphose était possible, il n’y aurait nul besoin d’Europe.
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Danthès feuilleta mentalement, avec une attention scrupuleuse, page par page, tous les chefs-d’œuvre dont s’enorgueillit l'intelligence; d’Érasme à Racine, et de Pascal à Voltaire, il ne trouva rien qui fût, dans les rares références à la souffrance populaire, autre chose qu'une occasion de philosopher aimablement ou profondément.
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L'amour a le génie de la connerie. Les choses qu'une femme amoureuse est capable de faire dépassent l'entendement, ce qui veut dire d'abord que cela se joue quelque part hors de la portée de l'intelligence...
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Il se méfiait à cet égard de sa profession. Le métier de diplomate, par le privilège d’immunité qu’il confère, fait vivre en marge, sous une cloche de verre, et permet d’observer sans être touché. Le devoir d’analyser froidement pousse à voir les situations humaines sous un aspect théorique de «problème» et guère sous celui de la souffrance.
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En fait, le Destin, qu'est-ce que c'est ? Une espèce de souffleur dans un théâtre où les acteurs ne savent jamais leur rôle.
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Vidéo de Romain Gary
"Un monument ! Une biographie indispensable pour (re) découvrir Romain Gary, cet auteur incroyable ! " - Gérard Collard.
Dans le Jongleur, Agata Tuszyska peint un portrait unique de Romain Gary, unique auteur à avoir reçu deux fois le Prix Goncourt (pour Les Racines du Ciel et La Vie devant soi), diplomate, scénariste, pilote de guerre, voyageur; et montre comment son personnage va au-delà des limites de la pirouette artistique et des responsabilités humaines.
À retrouver en librairie et sur lagriffenoire.com https://lagriffenoire.com/le-jongleur.html
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