La série dans laquelle ce petit livre est publié annonce tout de suite la couleur, "Raconter la vie". On a un témoignage, avec ses bons et ses moins bons côtés.
Inutile de s'appesantir... les mauvais côtés, c'est l'écriture un brin égocentrique, avec pas mal d'oeillères par moment, très centrée, focalisée. C'est une écriture assez directe, mais dans le mauvais sens du terme. Plate, dirais-je. Tout cela manque de ressort, de dynamique.
Tout le monde n'est pas Zola ni Olmi. Et c'est très bien ainsi, cela dit. Mais tonifier un témoignage, ce n'est pas le desservir, c'est lui apporter de la force.
Les bons côtés... c'est que ce genre de témoignages offre une prise directe sur la réalité. Une réalité concrète, viscérale, dure, que les médias ne nous montrent pas.
De quoi est-il question en fait? de la tuerie... cette section d'un abattoir où l'animal est abattu et découpé. Le lecteur suit l'auteur. Depuis sa scolarité ratée jusqu'à sa nomination comme délégué du personnel, et le bonheur de ses fils.
De temps en temps, il y a un fil rouge clair. Et puis on dévie sans véritable raison. Un peu comme si on recueillait les confidences d'un homme usé, à 3 heures du matin dans un rade de banlieue. C'est poignant, émouvant, parfois longuet, mais jamais inintéressant. On apprend énormément de choses, sur le processus de découpage des carcasses, l'évolution des technique, l'arrivée des femmes dans la profession...
Car l'auteur nous sert les choses de manière brute, en édulcorant toutefois pas mal de passages. Odeurs, bruits, blessures, incapacités de travail, pénibilité, tout est bien rapporté.
Derrière le récit, derrière la série, il y a la patte de Pierre Rosanvallon, historien et sociologue français de grand talent, admis au Collège de France, impliqué dans les combats sociaux et sociétaux.
Ce petit opus est une pierre dans un grand édifice, celui de la compréhension de la société. Il ne peut pas vraiment être analysé ou considéré à part des autres pierres. Que l'on ne se trompe pas... quand l'auteur dit "A l'abattoir", il parle tout autant des boeufs découpés que des ouvriers, et pas seulement ceux qui bossent à ses côtés... Mais on ne peut se départir de la sensation qu'un roman, fictionnel par essence, aurait peut-être apporté plus de force, plus de punch au destin de Stéphane Geffroy, homme sympathique et attachant qui nous livre son parcours sans fards, sans fausse pudeur et en toute honnêteté. Et la sincérité, cela se respecte.
Commenter  J’apprécie         50
Une histoire écrit avec les sentiments bruts de l'auteur, et très centré sur SON histoire et son vécu. Dans l'absolu c'est intéressant, mais il aurait été plaisant d'avoir une vision plus globale.
Je connais le monde des abattoirs pour y avoir travaillé et j'ai trouvé ce livre représentatif du travail, qui est épuisant pour les opérateurs, mais j'aurais aimé que ce livre traite aussi de la vision de l'ensemble des équipes, les postes étant différents... Un peu déçue
Commenter  J’apprécie         00
Stéphane dit tout, sans honte ni fausse pudeur.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Dans ce processus de transformation, presque rien n'est perdu. Les poumons seront utilisés pour la fabrication de croquettes pour chats et chiens; une fois bien dégraissé, le cartilage de la trachée fera le bonheur des Chinois et des Japonais; réduits en poudre, les cornes et les sabots se retrouveront dans les plaquettes de frein; très moussante, la bile sera vendue ax fabricants de shampoing; les laboratoires pharmaceutiques s'arracheront les calculs retrouvés dans la vessie; sans parler bien sûr du cuir ou du gras aux multiples usages. Quand on y pense, on a l'impression d'être au coeur du monde. (p.15)
Il y a trois grands ateliers dans un abattoir. La tuerie d’abord : la bête entre vivante d’un côté, et elle en ressort sous forme de deux demi-carcasses prêtes à être découpées de l’autre. La triperie ensuite, où on traite les panses et les boyaux ; c’est là aussi qu’on travaille les têtes et les pieds, pour les épiler et les désergoter. Le désossage, enfin, où on découpe les carcasses pour qu’elles soient conditionnées en morceaux plus ou moins élaborés selon les commandes de boucherie ; il y a même une partie de la viande qui y est directement mise en barquettes prêtes à la vente.
(p. 10)
A Liffré, on a aussi un nouveau directeur qui est ouvert au dialogue et plus attentif qu'avant aux conditions de travail. Il n'est plus planqué dans un bureau comme le précédent: "C'est pas avec des crayons qu'on tue des bêtes", comme il dit toujours. (p.39)
Ça peut aussi paraître incroyable quand on le raconte maintenant, mais juste avant que j'arrive il y avait un grand tonneau de cidre à l'entrée de la tuerie, fourni par le patron. C'était gratos. Chacun pouvait aller se servir comme il voulait !
On est un peu comme des ouvriers d'autrefois, comme ceux qu'on voit parfois dans des vieux films du genre Charlot. (p.17)
Stéphane Geffroy à France 3 Bretagne.