L'ennemi se rapprochait sur trois côtés, guidé par la sorcellerie du Roi-Démon. Et, pour lui faire face, des alliés pitoyables : un minotaure à l'article de la mort, une prêtresse épuisée, un assassin amer et un monstre malfaisant.
Le monde semble meilleur vu des mers. J'ai l'impression que le royaume de Poséidon nous rend humbles. Il est si vaste et puissant que nos plus grandes ambitions ne peuvent qu'être ridicules à côté. Il nous montre nos limites. p.410
-" As-tu perdu la tête? Dix hommes! Par Héraclès, nous devrions être morts."
Parménion s'assit, se frotta le menton et se releva.
"J'ai agi sans réfléchir, admit-il.
- Fabuleux! railla l’ancien assassin. Mais je ne veux pas d'une épitaphe qui dirait: Attalus, mort parce que le strategos avait oublié de réfléchir.
Tout ce que nous faisons doit être gouverné par l'amour.
- Crois-tu que l'amour ne puisse faire le mal ?
- Bien sûr que si, car il provoque la jalousie et celle-ci conduit à la haine. Mais il peut également l'emporter, et les actes qu'il inspire amènent bien plus souvent l'harmonie que la discorde.
Attalus s'appuya contre un rocher pour mieux observer ses compagnons. Assis en face de lui, Brontès fixait le feu sans mot dire. Argès s'était allongé à côté de son frère, tête de lion posée sur ses avant-bras croisés ; il ne quittait pas l'ancien assassin des yeux. Stéropès le cyclope dormait en ronflant doucement.
Le sourire de l'inconnu disparut et il saisit le bras de Parménion.
"Pour le moment, tu n'as pas besoin de moi, Spartiate, lui dit-il. Mais ce jour finira par arriver.On te confiera une tâche et mon nom te viendra à l'esprit. A ce moment, viens me retrouver là où nous nous sommes rencontrés. N'oublie pas ma recommandation Parménion... elle est d'une importance vitale."
Le général se leva.
"Je m'en souviendrai, et je te remercie encore une fois de ton hospitalité. Si nous repartons pas là où nous sommes venus, ressortirons-nous au même endroit ?
- Non, vous émergerez au milieu des collines qui surplombent Pella"
L'homme aux cheveux gris se mit à son tour debout. Il tendit la main à Parménion, qui la serra. Le Spartiate fut surpris par la poigne de son interlocuteur.
"Tu n'est pas aussi vieux que tu en as l'air, dit-il en souriant.
- Cela n'est que trop vrai, s'entendit-il répondre. Viens me voir retrouver quand tu auras besoin de moi. Ah, au fait : alors même que nous parlons, le roi de Thrace se meurt, empoisonné par l'un des amis de Philippe. Ainsi finissent tous les souverains que la cupidité étouffe, n'est-ce pas ?
- Certains, oui, acquiesça Parménion en montant lestement sur le dos de son cheval. As-tu un nom l'érudit ?
- J'en ai même beaucoup, mais tu peux m'appeler Aristote.
- J'ai entendu parler de toi, mais pas en tant que magnus. On dit que tu es philosophe.
- Je suis ce que je suis. Va, Parménion... le chant t'attend."