La Bretagne démaquillée, rendue à la nudité de ses rivages, à l'éclat aigu de ses teintes délavées, à ses rides et ses bourrelets, cette péninsule aux granits mal jointés devient le chant de Bruno Geneste, ou l'écho de la voix de Xavier Grall,.
Un chant aux 25 complaintes, 25 lointains portés par les vents, retenu par les mains du poète breton, Bruno Geneste, encore infirme de celui qui fit du Cheval d'Orgueil un cheval couché.
Xavier Grall réclamait de l'authentique du vrai, pas du remixé au photoshop, ou pire du relooké façon vintage. Bruno Geneste le traduit dans ce livre "l'Homme selon Xavier Grall".
Bruno Geneste conte sa longue entrevue avec le poète disparu, car Xavier Grall est tellement vivant, trop près de nos roches et de nos landiers, charnellement présent par le texte réédité l'Inconnu me dévore : une prière, de feu et de lumière adressée à 5 jeunes femmes, ses divines, ses cinq filles Catherine, Geneviève, Isabelle, Véronique, et Lucie.
Bruno Gesneste trace non seulement le destin littéraire de Xavier Grall mais nous accompagne aussi dans sa quête inlassable d'une prochaine entrevue, comprendre celui qui fut sa référence, dans le désir qui fut sans doute pour lui comme tous ceux nés dans cette glaise bretonne, de suivre la trace de ce compagnon poète à la marge de l'écriture.
Il y a chez Xavier Grall une magie du verbe qui subjugue le lecteur. Il y a aussi chez ce barde celtique des sautes d'humeur, des colères, qui finissent par user aussi d'autres lecteurs. Entre ces deux pôles, se déplie des cascades de textes enflammés, des fulgurances que l'on déguste comme des huîtres à longues lampés de vins nouveaux.
Page32, "Dans la divine enfance des grèves et des îles".
Ou page 35,
"Jusqu'aux promontoires de l'esprit, qu'aucun faiseur de thèse ou agrégés péteux mépriseront".
Et page 54 :
"Il y avait la prairie
Il y avait pleine mer,
Il y avait les voiles bergères
Il y avait la beauté
Il y avait la splendeur
IL y avait la splendeur des gréments
Il y avait la fleur sur la houle.
Entre le bateau ivre de Rimbaud et les fugues de Kerouac, Bruno Geneste a réussi à nous faire oublier le temps qui passe. Son texte est comme une lame de fond qui remet en lumière l'essentiel, la vie.
Cette vie qui s'est ancrée à Tréhubert sa "remembrance" cette vie âpre que Xavier Grall chérissait tant.
Magnifique portrait sculpté dans le roc paré de la douceur des mots remontés des filets de Xavier Grall par Bruno Geneste.
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"Que les militants du mouvement breton traditionnel se dirigent régulièrement vers le littoral le plus beau, le plus tragique du monde et qu'ils méditent sur ce qu'il faut bien appeler la grandeur. Oui, la grandeur ne leur ferait pas de mal. Qu'ils cessent enfin d'appréhender leur pays comme une aire close et sentimentale, qu'ils taisent leurs querelles, qu'ils mettent un frein à la rivalité mesquine. La Bretagne n'est pas une conciergerie. La Bretagne est à refaire, à réinventer de fond en comble. Pour ça, il faut du souffle, de l'imagination et cette espèce de hauteur spirituelle sans laquelle chacun retombera dans un régionalisme désuet et vain." (27)
"Seule l'écriture divine et souveraine des vagues marquera le sable et je marcherai seul sur la prose des marées. Avec mon chien. À mi-chemin entre la mélancolie et la joie. Il y aura le bal des oiseaux de la mer sur la paume des mâts. Des dunes, les chantantes alouettes se hisseront jusqu'au ciel. Je marcherai dans le matin. Je m'emplirai les bronches de la bonté des vents."
Le poème de l'homme de l'écume est, une lumière parfois vacillante dans le lointain où nul figement n'est admis. C'est précisément ce que Xavier Grall reproche à Per-Jakez Hélias d'avoir dépeint une société bretonne immobile dans son plus misérable des passés. Il lui reproche aussi de ne point rêver la Bretagne, mais de la cantonner à un sujet ethnographique en se satisfaisant de la conter. (57)
Xavier Grall aime les vents contraires ; les longues plaines d'écume, poussées par le vent noir que charruent d'hivernales tempêtes, traversent inlassablement son œuvre. Ce souffle d'une Bretagne des tumultes, celle des promontoires appelant à d'étranges introspections, à de bien curieuses méditations, dont seuls les poètes savent qu'elle porte en elle les secret d'algues enfouies dans les profondeurs de l'inconscient. (50)
Il rêve d'une révolution intérieure qui ferait émerger de derrière les apparences la beauté du monde. "Aller, loin, loin, telle est la vocation de l'homme. Je plains les sédentaires de l'Esprit. Ils ont fermé leur âme à clé. Poussières..." Il rêve de ces hauts lieux, ces ancrages propices à des introspections ouvrant à de nouveaux souffles, à cet amour qui travaille secrètement l'univers. "J'ai toujours voulu aller loin, voguer. Voguer plus loin."
Il y a chez Xavier Grall à l'instar d'Arthur Rimbaud une volonté de changer la vie, d'ouvrir un champ de conscience propice à une transformation du rapport de l'individu au monde et au langage. (26)