Les romans graphiques consacrés aux poètes et aux romanciers offrent une bien jolie voie pour se familiariser avec leurs oeuvres.
L'historien irlandais Ian Gibson, spécialiste de l'oeuvre de Lorca, avait déjà travaillé avec le dessinateur Quique Palomo pour Vida y muerte de Federico Garcia Lorca paru en 2018.
L'année suivante, les deux hommes « s'attaquent » à la vie du poète Antonio Machado, plus jeune figure de la « Génération de 98 », qui mourut en exil en France en 1939.
Tonalités bleues pour Lorca, jaunes pour Machado.
Ligero de equipaje. Vida de Antonio Machado revient sur la jeunesse, la formation intellectuelle, l'engagement politique, et l'oeuvre poétique de l'auteur de Campos de Castilla.
On connaissait son oeuvre, son désir d'offrir au peuple espagnol l'accès à l'instruction et à la culture. Ligero de equipaje fait aussi la part belle à son extraordinaire enfance sévillane passée dans un cadre enchanteur au sein d'une famille d'intellectuels progressistes et anti-cléricaux et l'on prend la mesure de l'importance qu'eurent ses grands-parents et ses parents dans sa formation intellectuelle.
Homme heureux, discret, provincial, amoureux de la nature, épris de justice sociale, et de progrès, c'est ainsi qu'apparaît Don Antonio dans ce beau roman graphique qui accorde une grande place à sa poésie et à sa correspondance et glisse quelques photos en noir et blanc au milieu des vignettes.
De Séville, à Madrid, de Paris à Soria, où il rencontre sa femme Leonor Izquierdo Cuevas, qui meurt de tuberculose à 18 ans, de Baeza à Ségovie, où il enseigne le français, et où en 1931, il proclama la République en hissant le drapeau républicain sur l'hôtel de ville au son de la Marseillaise, Gibson et Palomo parcourent les provinces espagnoles et retracent son chemin. Les ocres et les orangers donnent vie et lumière aux terres d'Andalousie et de Castille.
La fin du Poète de la Transparence est hélas tragique, marquée par la guerre civile. Evacué avec sa mère sur Valence et Barcelone, Machado connaît la Retirada, et meurt d'épuisement à Collioure, à quelques kilomètres de la frontière, il y a presque 81 ans. C'était le 22 février 1939. Des soldats de la 2ème brigade de cavalerie emprisonnés au château Royal de Collioure sont autorisés à porter son cercueil.
"Machado dort à Collioure
Trois pas suffirent hors d'Espagne
Que le ciel pour lui se fit lourd
Il s'assit dans cette campagne
Et ferma les yeux pour toujours."
écrivit Aragon. (La tombe du poète, au cimetière de Collioure reçoit régulièrement des lettres venues du monde entier.)
Le roman graphique, beau et solaire malgré tout, se termine sur des vers « prémonitoires » de Machado écrits en 1907, et qui donnent son titre à l'ouvrage:
«Y cuando llegue el día del último viaje,
y esté al partir la nave que nunca ha de tomar,
me encontraréis a bordo ligero de equipaje,
casi desnudo, como los hijos del mar».
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Soñé que tú me llevabas
por una blanca vereda,
en medio del campo verde,
hacia el azul de las sierras,
hacia los montes azules,
una mañana serena.
Sentí tu mano en la mía,
tu mano de compañera,
tu voz de niña en mi oído
como una campana nueva,
como una campana virgen
de un alba de primavera.
¡Eran tu voz y tu mano,
en sueños, tan verdaderas!...
Vive, esperanza, ¡quién sabe
lo que se traga la tierra!
Ian Gibson en interview sur PlaneteBD.com .