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sur 640 notes
A Noel, on offre des chocolats.

Karine Giebel, elle, profite de ce mois de décembre pour nous offrir une coffret de 8 délicieuses petites nouvelles et je n'ai pas boudé mon plaisir. Je me suis enfilé la boîte en quelques heures et aucune indigestion !

Comme à son habitude, ses nouvelles ne jouent pas dans le « feel good ». On a droit à de l' « ombre » bien bien noire.

Résolument modernes, désenchantées pour la majorité d'entre elles, ces nouvelles bousculent le lecteur, et le laissent un peu pantois. C'est souvent triste, plutôt désespéré. Les personnages sont tous en souffrance. Au bord du vide. Ancrés dans notre société, bancale, injuste, égoïste.

L'auteure rajoute de nouveaux personnages à la galerie de ses héroïnes tragiques, je pense notamment à Aleyna, Aurore ou bien Delphine que je garderai en tête quelques temps, preuve d'une lecture forte.

Décidemment, Karine Giebel m'emporte à chaque fois avec elle et moi, qui ne suis pas particulièrement friand du format de la nouvelle, j'ai englouti ce livre.

Vivement le prochain roman car elle reste mon auteur préféré de thrillers, romans noirs.
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Difficile d'écrire un retour complet et bien argumenté sur un recueil ,de nouvelles lu il y a plusieurs semaines, et que je n'ai plus sous la main, ayant dû le rendre à la médiathèque. Mais comme il s'agit de l'une de mes auteures chouchous (Nicola, je te vois lever les yeux au ciel !), je ne pouvais pas faire totalement l'impasse. Je me contenterai donc d'un ressenti global, sans m'attarder sur chacune des huit histoires plus ou moins longues de ce volume.

Certaines de ces nouvelles étaient déjà parues dans la série "13 à table" dont Karine Giebel est une fidèle collaboratrice, ce qui est tout à son honneur. D'autres sont sorties ailleurs, mais n'ont eu que très peu de visibilité à l'époque, l'auteure n'ayant pas encore la notoriété requise pour que l'on s'intéresse à ses textes noirs, aux sujets tout sauf anodins.

Jugez plutôt : Dans "Aleyna", le premier texte, elle dénonce ces traditions qui perdurent encore, y compris en France, des mariages arrangés, ou plutôt forcés, entre des jeunes filles (parfois très jeunes) et des hommes qui "conviennent" au père de part leur statut social et économique. Et gare à la sentence si la fille n'est pas d'accord, ou "fréquente" un garçon non agréé par le pater familias ! Un texte éprouvant, mais nécessaire, l'un de mes préférés.

Dans "Aurore", il s'agit également d'une jeune fille de 18 ans, qui après une période de dépression croira qu'elle a trouvé l'amour au sein de son lycée. Mais elle le croira seulement... Aurore a un jeune frère, également lycéen, mais aussi affecté d'un surpoids et d'un bégaiement, autant dire que ce n'est pas la joie pour lui tous les jours. Mais il est très proche de sa soeur, et le jour où un drame se produit, la situation va dégénérer. On traite ici de harcèlement, de manipulation, et de désespoir au sein d'une famille qui ne communique pas beaucoup. La fin est hélas plausible...
Mention spéciale au petit clin d'oeil à Jeanne, l'héroïne de Terminus Elicius, qui apparaît dans cette nouvelle.

Le texte suivant, "Ce que les blessures laissent au fond des yeux" parle d'une situation qui existe, malheureusement, tant certaines personnes (des femmes, le plus souvent) sont désespérées et prêtes à tout pour offrir un toit et des conditions de vie à peu près décentes à leurs enfants. C'est l'histoire d'un propriétaire ignoble qui abuse de ses locataires fragiles à coup de chantages et de menaces. Dans leur malheur, Delphine, mère d'un ado qui ne soupçonne rien et a l'égoïsme de son âge, et Kilia, africaine en situation irrégulière, vont faire preuve de courage et de solidarité, s'unissant pour apporter de l'aide à une autre femme encore plus mal lotie qu'elles. de belles valeurs, même si avec Karine Giebel l'histoire ne peut pas bien finir...
Cette nouvelle est la plus longue, ce qui permet de mieux développer la psychologie des personnages, aspect qui compte beaucoup pour moi.

"J'ai appris le silence" traite d'une vengeance, celle d'un homme qui a passé une très longue période en prison, accusé d'un crime qu'il n'avait pas commis, et pour lequel il a fini par être innocenté et indemnisé. Mais l'argent ne remplace pas les années de silence et de non-vie. Ici la question est : la haine efface-t-elle ce qu'on est vraiment au fond de soi ? La fin est vraiment tordue, on ne peut s'empêcher de s'exclamer "Oh, non !" Excellent.

Puis vient "L'été se meurt", un texte trop court à mon goût, où l'idée fixe du personnage principal l'amène à un acte apparemment mûrement réfléchi, mais ça m'a laissée perplexe...

"L'homme en noir", ou comment notre psyché est capable de distordre complètement la réalité, au point de transformer notre vie (ou du moins celle du personnage principal) en quête incessante d'une vengeance liée à un traumatisme de l'enfance. Ici c'est la notion de culpabilité qu'a choisie l'auteure pour nous retourner la tête. Et ça fonctionne, même si ce n'est l'une de mes préférées.

"L'intérieur", encore un texte qui fait référence à une situation trop souvent vécue par les femmes, le harcèlement au travail par un supérieur sans scrupules. Là ça se passe dans un musée, et le titre fait référence à celui d'une peinture aussi appelée "Le viol", de Degas (hé oui, il n'a pas peint que de charmantes danseuses). Virginie a aussi des enfants à élever, comme Delphine dans l'une des histoires précédentes, et comme elle, cède aux pressions et au chantage, à l'emploi cette fois. Comment faire pour sortir de cette situation ? Il n'y a pas de "bonne" solution, mais l'auteure en a trouvé une quand même. Une solution que je n'ai pas trop aimée...

Et enfin, une belle histoire d'amour pour conclure, avec "Le printemps de Juliette". Enfin "belle", c'est relatif, parce que la Juliette en question ne profitera pas de ce printemps qu'elle appréciait tant. Mais au moins aura-t-elle connu quarante belles années avec son cher et tendre époux. C'est court, beau et triste.

Evidemment j'ai fait tout le contraire de ce que j'avais annoncé, mais vous connaissez cet adage qui s'applique très bien dans mon cas : chassez le naturel, il revient au galop !
Bref, de ces huit nouvelles, j'en ai adoré deux, la première et la troisième, parce qu'elles traitent de sujets qui me tiennent à coeur et qu'elles sont suffisamment développées pour qu'on puisse éprouver des sentiments à l'égard des personnages, qu'on les haïsse ou qu'on ait envie de les protéger.

Quatre autres m'ont séduites par leur traitement de thèmes hélas très actuels, des violences qu'on inflige aux femmes ou à ceux qui sont différents, les abus de pouvoir si fréquents encore et qu'on souhaiterait parfois résoudre "à la Giebel" ! La dernière par sa douceur malgré le sujet douloureux, un final un peu apaisant quand même.

Et enfin deux qui m'ont un peu frustrées, l'une par sa brièveté, et l'autre par sa conclusion brutale et frustrante à mes yeux.
Mais je continuerai à suivre assidûment les actualités de l'auteure, une des rares dont j'apprécie presqu'autant les nouvelles que les romans.






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Ouvrir un livre de Karine Giebel c'est vouloir se frotter à ce qui existe de plus inquiétant en l'homme, à l'horreur de ses actes, aux défaillances de sa sombre psyché.
C'est à travers une lecture commune en compagnie de mon amie Siabelle que j'ai découvert ce recueil composé de huit nouvelles.
Inutile de préciser que Madame Giebel n'affectionne pas les « Happy-end », elle est bien connue pour cela et on peut dire qu'encore une fois, on est servi!

- Aleyna est une nouvelle que j'avais déjà lue dans le recueil 13 à table 2016. C'était d'ailleurs l'histoire qui m'avait le plus marquée dans ce livre. La relire a donc été un vrai bon moment.
Aleyna est une rêveuse... elle rêve d'amour, de partage et de complicité avec celui qu'elle aura choisi. Quoi de plus normal quand on a 17 ans ?
Mais les traditions le lui interdisent. Originaire d'une famille turque, elle va devoir suivre le destin que sa famille lui a dicté. Mais l'acceptera-t-elle ?
Dans cette histoire, l'auteure dénonce une réalité effrayante : celle du poids des traditions familiales et de l'honneur qui doit être respecté quel qu'en soit le prix. Dans cette nouvelle, elle alterne les points de vue entre Aleyna et Aslan, son frère jumeau. D'un côté on suit cette jeune femme opprimée et de l'autre celui qui, malgré lui est chargé de ce lourd carcan familial. Bien que cette nouvelle soit assez courte, je me suis beaucoup attachée à Aleyna. J'ai aimé son courage et sa volonté. 5/5

- Aurore est la seconde nouvelle du recueil.
C'est aussi une lycéenne qui a des idées noires. Une rencontre va pourtant tout changer. Cela sous le regard interrogateur et bienveillant de son frère bègue qui voue un amour inconditionnel à sa soeur. Malgré les moqueries continuelles au lycée, il rêve d'héroïsme...
Dans cette histoire, j'ai adoré le petit clin d'oeil au personnage de Terminus Elicius. Écrit sous forme d'un journal, Giebel décrit bien comment la haine et le désespoir peuvent prendre la place sur tout le reste. On ressent bien la sincérité et la mélancolie qui caractérisent Alban, le jeune frère d'Aurore. Cette histoire montre le fossé qui peut exister entre les illusions d'une vie rêvée et la réalité qui est tout autre. 4/5

- Ce que les blessures laissent au fond des yeux est la nouvelle la plus longue. C'est aussi une de mes préférées.
Deux femmes, Delphine et sa voisine Kilia vivent dans un immeuble insalubre, sous le joug d'un propriétaire malhonnête et tyrannique. C'est l'histoire d'une belle amitié, d'une entraide dans les moments de galère. Cette nouvelle est particulièrement touchante car elle décrit de tristes moments emplis de détresse. J'ai ressenti une forte empathie pour le personnage de Delphine. C'est une mère qui fait preuve d'énormément de courage pour tenter de s'en sortir comme elle le peut. 4,5/5

- J'ai appris le silence est l'histoire d'un homme qui a passé vingt-deux ans derrière les barreaux. Il a été condamné à tort à perpétuité pour l'assassinat et le viol d'une jeune fille. Au bout de ces nombreuses années, on l'a innocenté. Sauf que rien ne peut effacer ce qu'il a vécu. Rien ne peut non plus effacer sa haine et son rêve de vengeance.
La fin m'a vraiment surprise! Je pense que cette histoire est la plus représentative des tournures machiavéliques fidèles à l'auteure. Elle montre bien comment la haine peut s'emparer d'un homme blessé, quand l'esprit jongle entre le bien et le mal. Mais la nature même de l'homme refait-elle toujours surface? 4,5/5

- L'été se meurt est une très courte nouvelle. On suit homme fou amoureux d'une femme. Celui-ci pense qu'elle le trompe alors il souhaite se venger.
La chute de cette histoire est également assez surprenante. Ici la psychologie est au premier plan. L'auteure nous montre comment une obsession peut parfois prendre le dessus. 3/5

- L'homme en noir, est encore une histoire de vengeance mais sous une autre forme.
Un homme retrouve par hasard, à la descente d'un train, celui qu'il cherchait depuis des années. Depuis son enfance, il n'a jamais oublié ce visage. Alors que l'occasion se présente, il décide de le suivre...
Cette histoire montre à quel point la culpabilité peut être lourde à porter. On a affaire à un désir obsessionnel de vengeance mais qui ne se passe pas du tout comme prévu. Même si j'avais en partie deviné la fin, j'ai beaucoup apprécié cette nouvelle. 4/5

- L'intérieur, cette histoire était assez difficile à lire car elle reflète des faits réels malheureusement très (trop) souvent racontés. Cette nouvelle nous plonge au coeur du harcèlement sexuel au travail. On suit le personnage de Virginie, qui tente de faire bonne figure malgré les souffrances qu'elle endure.
C'est une histoire prenante et percutante, mais je suis un peu déçue par la fin qui à été trop expéditive à mon goût. 4/5

- le printemps de Juliette, dans cette dernière histoire très courte, un couple âgé fait face à la maladie après quarante ans de vie commune. C'est une nouvelle qui ne fait que quelques pages et c'est celle avec laquelle j'ai le moins accrochée. Giebel termine son recueil avec une note beaucoup plus légère, avec cette histoire qui témoigne de l'amour d'une vie. 3/5

Pour conclure, c'est un très bon recueil de nouvelles que j'ai pris plaisir à lire. Je le trouve intéressant pour ceux qui veulent découvrir l'auteure. Même à travers de courtes histoires, Giebel parvient toujours à trouver les mots justes pour décrire la souffrance, la haine et le désespoir qui peuvent s'emparer d'une personne.
C'est éprouvant, oppressant, douloureux parfois... et Giebel tâche de toujours faire en sorte qu'on s'en souvienne!

Je vous invite à aller lire la belle critique de Siabelle. Un grand merci à toi de m'avoir accompagnée dans cette lecture d'une de mes auteures chouchous! C'est toujours un plaisir de lire en ta compagnie!
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Le dernier livre de Karine Giebel avant de les avoir tous lu... Vivement le prochain parce que je les ai tous adoré!
Celui-ci est un recueil de nouvelles. Il commence par l'histoire d'Aleyna, une jeune Turque que ses parents et ses frères vont marier de force.
Une histoire coup de point encore une fois...mais qui permet de ne pas oublier la souffrance de ces femmes qui n'ont d'autres choix que la résignation ou la mort.
Les autres nouvelles sont excellentes, à la hauteur de ce que Karine Giebel nous offre dans tous ses écrits. J'ai à chaque fois l'impression qu'elle y laisse ses tripes.
Une réussite, même si ce n'est pas son meilleur recueil.
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Je ne suis pas fan des nouvelles mais comme il s'agit de Karine Giebel, je ne boude pas et je me laisse tenter. Lorsque j'entame la première nouvelle, je m'aperçois que je l'ai déjà lue dans un autre recueil ! je passe donc à la deuxième mais avec une certaine pointe d'agacement, on pourrait nous prévenir quand même !!!
Mon agacement ne va pas durer, karine Giebel sait faire passer un tas de sentiments en très peu de pages. Si karine Giebel est classée comme un auteur de thriller, elle est aussi , un auteur sachant parler avec beaucoup d'intensité de la douleur, de la souffrance, de la misère, de la solidarité.
Je retiens de ce livre beaucoup plus son côté humain et sa grande sensibilité que son côté noir, même si il est indiscutablement bien présent. Toutes les fins de ses nouvelles sont soigneusement étudiées et nous bouleversent.
Une fois de plus, merci Madame Giebel, comme vous le voyez, ma réticence pour les nouvelles et mon énervement du départ ont vite fait place à de l'émotion. J'ai vraiment été bouleversée par vos nouvelles et vais maintenant attendre patiemment votre nouveau roman.

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En ce moment, j'ai un petit moral. 
Alors quoi de plus idéal pour retrouver sourire et joie de vivre, pour sautiller dans la rue le visage béât, que de me concentrer sur cette littérature "feel good", tellement en vogue en ce moment ? 
Mon choix s'est donc naturellement porté sur le recueil de nouvelles de Karine Giébel, D'ombre et de silence
Et il ne me reste plus désormais qu'à me jeter par la fenêtre, me taillader les veines ou me jeter sous un train.
J'hésite encore. 
 
Huit nouvelles composent ce recueil. J'en connaissais déjà la moitié, parues dans les anthologies 13 à table ! 2016 et 2017 ( Aleyna et J'ai appris le silence ), Crimes au musée ( L'intérieur ) et Irradié ( L'homme en noir ). Pour compléter, on retrouve Aurore, la nouvelle inédite qui accompagnait la réédition récente de Terminus Elicius, ainsi que trois autres nouvelles probablement rares que je ne connaissais pas du tout : Ce que les blessures laissent au fond des yeux, L'été se meurt et le printemps de Juliette. 
Ne figurent pas en revanche J'aime votre peur ( initialement parue dans le recueil L'empreinte sanglante chez Fleuve noir et réédité en Pocket avec Post-mortem dans le livre intitulé Maîtres du jeu ) ni L'escalier, qui figure quant à lui dans le tout dernier volume de 13 à table !
Malgré la présence de textes déjà lus au sommaire, c'est avec plaisir que je les ai redécouverts dans cette édition qui donne à l'ensemble une saveur nauséabonde et unique.
 
Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore cette grande dame du polar, Karine Giébel, disons qu'elle n'est pas réputée pour la bonne humeur qui se dégage de ses romans. Outre un style inimitable, minimaliste, où chaque mot à son importance, c'est sa noirceur qui la caractérise principalement. 
Les "happy ends", elle ne connaît pas. 
La question n'est même pas de savoir si ça va mal se terminer, mais de découvrir pour qui et comment l'issue sera funeste. 
Cette caractéristique de ses romans est multipliée à la puissance dix dans ces textes les plus courts, dont les thèmes sont aussi justes qu'horribles. 
Haine, névrose, obsession, désespoir, folie, viol, vengeance, meurtre, suicide ... Voilà à quoi vous serez confronté en lisant ces histoires dont la plupart laisseront à jamais une empreinte, une marque au fer rouge. 
 
Parfois on me demande ce qui m'attire dans ce genre de récits noirs et dérangeants. La réponse est simple : Ca me secoue, ça me met mal à l'aise, ça me traumatise même parfois. Alors l'histoire je vais y repenser encore et encore, y réfléchir, et bien plus tard je serai encore capable d'évoquer tant le contenu que le panel d'émotions par lesquelles je suis passé. Mon dégoût, mon horreur, ma douleur. Mon impression de ne pouvoir absolument rien faire pour empêcher ces évènements que je devinais inéluctables.
Comme si la lecture se faisait autant avec les tripes qu'avec les yeux. 
Alors certes je peux également me régaler avec des histoires pleines d'humour. 
Mais à l'inverse de ces nouvelles qui finissent mal, il ne m'en restera pas grand chose une fois la lecture achevée. 

 
Place maintenant à une petite mise en bouche de ce qui vous attend dans ce recueil :

- "Aleyna" est née à Mulhouse dans une famille d'origine turque dans laquelle les traditions sont d'une importance capitale. Il est inconcevable par exemple de parler français au sein de son foyer. 
Aleyna s'enfuit de chez elle parce qu'elle est promise à Atif, un homme turc qui a le double de son âge et qu'elle n'a jamais rencontré. Il n'est pas question de respecter cet accord. Parce qu'elle est née femme, elle n'aurait même pas son mot à dire ?
"Ces putains de tradition."
Est-il concevable qu'une jeune femme née en France, étudiante aimant la littérature française, soit de nos jours contrainte à un mariage contre sa volonté ? 
Jusqu'où la famille peut-elle aller pour laver son honneur, si elle s'estime trahie ? 

- "Aurore" est également une jeune femme dont le prénom donne son titre à la seconde nouvelle. A presque dix-huit ans, elle est follement amoureuse d'un garçon de sa classe, Maxime.
"On peut aimer à dix-sept ans. Aimer à en devenir cinglée."
Elle se confie à son carnet, dans lequel elle fait part à un improbable lecteur de ses souffrances, de ses idées noires, de ce garçon qui l'obsède et qui ne la regarde même pas. 
"Respirer loin de lui me fait mal. Vivre sans lui me fait mal. le voir me fait mal."
Parallèlement, au sein d'une famille abîmée où les parents ne se supportent plus, Alban le jeune frère est aussi gros que bègue et il est la risée de ses camarades de classe, dans le même lycée qu'Aurore. 
"Un petit garçon fragile, empoté. Inadapté."
Comment tout cela va-t-il évoluer pour le frère et la soeur ? 
Un point de départ somme toute banal dans notre actuelle société ... pour un final cauchemardesque et tellement plausible. 

- La troisième histoire est la plus longue du recueil. Vous avez probablement entendu parler des petites annonces immobilières du type "loue appartement contre services intimes", "loue appartement à jeune fille non sérieuse. Maison mitoyenne dans quartier calme. Loyer à négocier, pour femme libertine. Joindre description et photo."
A se demander dans quelle France on vit pour que ces propositions de prostitution fleurissent de plus en plus nombreuses sur internet. 
C'est donc de ce point de départ on ne peut plus réél que partira "Ce que les blessures laissent au fond des yeux" où Delphine se verra contrainte d'accepter ce genre d'arrangement avec l'infect propriétaire, Laurent. 
"L'appeler maître, le supplier, l'admirer, lui lécher les pieds."
Delphine est une femme qui a déjà beaucoup souffert et qui, avec son modeste emploi de caissière dans un fast-food, a du se résoudre à accepter ce type d'arrangement afin d'avoir suffisamment d'argent pour que son fils adoré, Maxence, ait une vie d'adolescent la plus normale possible, pour qu'il ait accès tant à l'éducation qu'au dernier smartphone à la mode. 
"C'était ça ou continuer à dormir dans la voiture."
Dans cet existence glauque de sacrifices, une présence viendra cependant épauler Delphine : Celle de Kilia, une voisine africaine en situation irrégulière qui s'avérera rapidement devenir sa meilleure amie. Les deux femmes pourront tant s'entraider que confier leurs tourments respectifs. 
"Leurs angoisses qui persistent, les rêves qui s'effritent. le passé qu'on porte comme un fardeau."
Maintenant, la seule question qui reste est de savoir jusqu'où le sort va s'acharner sur elles. 

- Dans "J'ai appris le silence", on est dès les premières lignes dans une histoire aux accents de thriller avec un homme qui procède à l'enlèvement de Patricia Vernet, directrice d'un service de cardiologie. Elle reconnaît son agresseur et l'emmène, contrainte, dans sa voiture, jusqu'à un magnifique château. Elle y rejoindra à la cave neuf autres victimes de kidnapping, tous prisonniers. 
Qui est cet homme guidé par la haine, sans compassion ni empathie ? 
"Aujourd'hui, j'ai un anniversaire à fêter."
Et quel est le programme des réjouissances pour les dix personnes enfermées au sous-sol ? 

- Autre histoire de vengeance, celle de "L'homme en noir". David reconnaît à la gare un homme vêtu d'un manteau noir et se lance à sa poursuite, le suivant jusqu'à chez lui. 
"Parce que David venait de retrouver par hasard celui qu'il cherchait depuis si longtemps."
A nouveau, seule la haine semble le guider, il est bien décidé à être aujourd'hui le bourreau et non la victime. 
Jusqu'à la confrontation entre les deux hommes, et les révélations qui expliqueront les motivations de tant de colère. 

- "L'été se meurt" met en scène un homme qu'on soupçonne être soit un tueur en série, soit un ex-petit ami, totalement obsédé par une femme dont il se prétend amoureux. Alors qu'elle quitte son amant, il la suit en voiture, rongé par la rancoeur. 
Après tout, il n'y a souvent qu'un pas entre l'amour et la haine. 
"Elle m'a tout pris, m'a transformé en amoureux transi. Crédule et con.
Avant de me changer en bête féroce."
Il se promet d'être son cauchemar.
Jusqu'à l'ultime confrontation. 

- "L'intérieur" est le nom d'une toile d'Edgar Degas, connue également sous le nom "Le viol". 
Le viol sera l'acte répugnant dont sera victime Virginia, un passage extrèmement difficile à lire par lequel commence la nouvelle. Malgré sa résistance, elle finira par céder aux assauts de son employeur et maître-chanteur : le directeur du musée répondant au doux nom de François Charmant. Musée dans lequel elle a fini par trouver un travail proche de l'exploitation, et qu'elle peut perdre à tout moment. 
"La vie continue, la sienne s'est arrêtée."
"Juste cette terrible nausée. Cette salissure, comme si on avait enduit son corps de boue. de merde."
Elle essaiera de faire bonne figure devant ses enfants, mais en sera incapable. le plus grand, Jonas, insistera pour savoir ce qu'elle a subi mais évidemment, elle se taira. 
Pour mettre fin à son calvaire, elle n'a que deux solutions, mourir ou le tuer. A moins qu'une opportunité inattendue se présente ? 

- Enfin, le recueil s'achève avec une nouvelle plus douce, même si tout aussi noire que les précédentes, parce que l'histoire d'amour y est sincère. Dans "Le printemps de Juliette", le mari assiste aux dernières semaines de son épouse, condamnée par un cancer. 
"La regarder dormir, la trouver belle."
Toujours aussi amoureux après quarante ans de vie commune, comment réagira-t-il quand elle lui demandera de l'aider à partir, parce qu'elle souffre trop ? 

Et les cauchemars s'arrêtent ici, mais beaucoup me poursuivront longtemps après leur lecture. 
Si vous appréciez les romans de Karine Giébel mais que vous n'appéciez pas trop les nouvelles, n'hésitez pas à laisser une chance à celles-ci : On y retrouve dans une version certes plus brève toutes les caractéristiques de ses grands thrillers, ses histoires ont pour la majorité autant de force que "Juste une ombre" ou "Meutres pour rédemption". 
Comme l'auteure le dit elle-même, "Ecrire une nouvelle, c'est tenter, en quelques lignes, de donner vie à un personnage, de faire passer au lecteur autant d'émotions qu'en plusieurs centaines de pages."
Eh bien, le pari est largement gagné ici dans la majorité des cas. 
C'est d'ailleurs juste après avoir lu "Aleyna" dans le second 13 à table ! que j'avais dévoré l'ensemble de la bibliographie de la Varoise en quelques semaines à peine. 
Et puis c'est une bonne façon de patienter jusqu'au prochain roman qui devrait être publié courant 2018. 

J'espère que vous prendrez autant de plaisir que moi à lire ou à relire ces histoires "feel bad" qui demandent certes d'avoir le coeur parfois bien accroché, mais dans lequel les ignominies qui s'y déroulent font toutes écho à une réalité qui existe bel et bien et que personne ne devrait ignorer. 
Mais si vous tenez à votre bonne humeur et à votre tranquillité d'esprit, alors faîtes plutôt l'impasse. 
On ne s'en relève que difficilement.

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Je suis une inconditionnelle de Karine Giebel, depuis la lecture du magistral « Meurtres pour rédemption », qui est pour moi le summum du roman noir.
Ce que j'aime, outre son écriture, c'est le soin qu'elle prend chaque fois à disséquer ses personnages, à les pousser dans leurs retranchements.
Rien n'est laissé au hasard.
Ce qui paraît facile dans un roman de plusieurs centaines de pages me semblait beaucoup plus périlleux dans des textes courts.
C'est donc avec curiosité et, je dois le dire, une légère crainte d'être déçue que j'ai entrepris cette lecture.
Eh bien, tout y est, tout est parfait.
Karine Giebel réussit pleinement à planter son scénario en quelques phrases,
l'angoisse s'installe peu à peu, jusqu'au dénouement final qui m'a comme chaque fois laissée sans voix.
J'ai eu ce texte grâce à la courtoisie des Editions Belfond via NetGalley, je les en remercie.

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Quand ça va mal, que le moral est au plus bas, lisez Karine Giebel. Vraiment, vous verrez à quel point votre petite vie paisible est agréable. Elle est parmi ce qui se fait de plus glauque dans le « thriller du quotidien ». On pourrait croiser ses personnages à n'importe quel coin de rue. Ils pourraient être vos voisins ou vos collègues. C'est ce qui fait, je crois, la force de ses récits. Une réalité brute et noire.
Dans ce recueil de nouvelles paru en octobre, Karine Giebel nous invite à partager un petit bout de la vie d'êtres en souffrance, plongés dans un Enfer quotidien dont ils ne parviennent pas à s'extraire. Quand ils essaient, le Destin cruel n'hésite pas à se rappeler à eux… Il y a Aleyna, innocente prisonnière de conventions culturelles aussi absurdes qu'inhumaines, Aurore, amoureuse éperdue au mal-être irrémédiable, Delphine, mère-courage se sacrifiant sur l'autel du déshonneur pour offrir à son fils une vie digne de ce nom, et tant d'autres… Son histoire est à rapprocher de celle de Virginie dans « L'Intérieur », sans doute la fin qui m'a le plus plu. Quoique… J'hésite avec celle de « Aurore »… Brillante illustration de ce qu'est le harcèlement scolaire. « L'Été se meurt » est très courte, mais assez efficace… En ce qui concerne les points négatifs : je pense qu'il n'aurait pas fallu de nouvelle supplémentaire car j'ai ressenti un peu de lassitude sur la fin, peut-être parce que j'ai enchaîné les récits, alors que j'aurais pu les lire séparément, en les espaçant, pourquoi pas, de quelques jours. De plus, toutes ces nouvelles ne sont pas de qualité égale. J'ai trouvé « L'Homme en noir » un peu bancale, alors que l'idée de départ me semble très bonne, et « le Printemps de Juliette » un peu facile, voire bâclée.
Voilà, j'ai lu tout Giebel ! À quand la suite ?

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Je découvre mon premier thriller, de Karine Giebel, dans «La morsure de l'ombre», avec lequel je fais une belle découverte, de cette auteure. C'est toujours dans mon intention de lire ses livres et je repars à la découverte, dans un autre registre.
Je choisis donc avec mon amie Colette, son recueil de nouvelles : «D'ombre et de silence». Je peux, que confirmer, qu'elle respecte sa ligne de conduite, du début, jusqu'à la fin. Je fais donc un petit retour, afin de partager mes impressions :

- Aleyna :

- C'est une nouvelle qui bouleverse, à cause de l'actualité, ainsi au niveau de la culture. Aleyna est un personnage de force et de fragilité. Elle sait m'émouvoir par le désespoir, la tristesse, et la fatalité, qui s'y dégagent.
* Elle fait partie de mes nouvelles préférées, à cause que le sujet est bien véridique, elle dénonce bien son enjeu. Il reste que c'est une terrible tragédie pour bien des familles, même encore aujourd'hui. 5/5


- Aurore :

- C'est une nouvelle, qui déstabilise, à cause de l'actualité et c'est un phénomène très préoccupant, à l'heure actuelle. Aurore et Alban, ce sont des personnages vulnérables et fragiles. Ils vivent ce que bien des élèves subissent, à l'école.
* Elle est une nouvelle, qui m'émeut à cause du sujet qu'elle aborde et c'est un enjeu très fréquent, qui touche la population et qui arrive encore bien trop souvent. 4.5/5


- Ce que les blessures laissent au fond des yeux :

- C'est une nouvelle, qui chavire, à cause, de la pauvreté, qu'elle mentionne, au coeur du contexte familial. Les personnages de Delphine et de Kilia, sont deux exemples. Elles sont amies et elles sont confrontées, à une situation désespérée et souvent à elles-mêmes.
* Elle est une nouvelle, qui me bouleverse, à cause du sujet, qu'elle invoque et la violence inouïe me touche au coeur. Elle me laisse des images choquantes, dans ma tête. 4/5


- J'ai appris le silence :

- C'est une nouvelle, qui dérange, à cause de la justice, ce qu'elle peut causer comme dommage collatéral. On retrouve un personnage, qui cherche à survivre, après une erreur fatale.
* Elle est une nouvelle, qui me démoralise, pour le sujet, qu'elle évoque et que chaque décision, peut basculer une vie. Elle est bien mais elle me laisse un peu indifférente même si elle transmet bien son enjeu ici. 3/5


- L'été se meurt :

- C'est une nouvelle, qui désenchante, à cause du désespoir, qu'elle réussit bien à transcrire. On fait la rencontre d'un homme seul, qui est très désespéré, de sa situation affligée.
* Elle fait partie de mes nouvelles préférées, à cause de l'originalité de l'histoire, du sujet bien défini, et de l'intensité d'une cause perdue, à travers le récit. 5/5


- L'homme en noir :

- C'est une nouvelle, qui désappointe, parce que l'apparence est souvent trompeuse. Ici c'est le personnage David qui est dans sa quête. Elle comporte une plus grande part d'ombre, qui ne le pense.
* Elle fait partie aussi de mes nouvelles préférées, car l'histoire est bien construite, le sujet est bien dirigé et parfois la vérité fait plus mal, qu'on ne le croit. 5/5


- L'Intérieur :

- C'est une nouvelle qui dégoute, à cause, qu'elle exploite, un enjeu très important, qui est le pouvoir. On va à la rencontre de Virginie, qui vit du désespoir, à cause de sa situation pauvre.
* Elle est une nouvelle, qui me blesse, car elle manie très bien le sujet, dans son histoire. Elle vient te toucher, en plein coeur, car c'est un phénomène qui est moins tabou maintenant et qui préoccupe aussi la société. Elle te laisse un drôle de goût, qui te marque et c'est la plus longue du recueil. 4/5


- Le printemps de Juliette :

- C'est une nouvelle, qui trouble, à cause de la mélancolie qui ressort et dont les médias divulguent un peu plus. C'est la solitude, qui arrive à un moment redouté.
* Elle est une nouvelle, qui me remue car c'est un sujet délicat et elle sait très bien démontrer son enjeu, à travers son histoire. Elle souligne bien ici les décors, les jeux de mots et la grande détresse, que je retiens. 4/5


En trois mots : Saisissant, Déstabilisant, Révoltant. C'est des nouvelles, qui te touche à cause des sujets qu'elle expose mais surtout le malaise qui ressort, au fil de ta lecture.

Je remercie dont mon amie Colette, pour nos beaux partages et surtout pour notre belle amitié. Je déclare que l'auteure Karine Giebel possède plusieurs cordes à son arc et elle le prouve également dans son recueil de nouvelles. Elle parvient très bien à te faire ressortir toutes sortes d'émotions et elle me laisse dans une sorte de désarroi, après chaque nouvelle. Elle réussit à te faire une prise de conscience, avec les enjeux, qu'elle soulève, à travers son recueil de nouvelles.

C'est à lire mais en toute modération et ce recueil de nouvelles est surtout pour les amateurs de ce genre.

Ps : Vous pouvez aller lire la très bonne chronique, de mon amie Colette ! Je remercie mon amie Srafina qui me guide à travers ma critique et à mes autres amies (Nadou aussi) qui m'y encouragent.

Siabelle
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Karine Giebel est très connue pour ses thrillers haletants mais elle excelle aussi dans le genre de la nouvelle "noire", "de société" dans la ligne des "romans durs" de Simenon.
En témoigne ce livre réunissant 8 nouvelles qui se lisent d'une traite.

Des nouvelles qui ont pour point commun pour la plupart d'entre elles, la violence dont peuvent être victimes les femmes, thème d'actualité qui rejoint les préoccupations des mouvements comme MeToo.

Les trois premières nouvelles m'ont particulièrement marquée; dans la première "Aleyna" il s'agit ici d'un "crime d'honneur" qui a lieu au sein de la communauté turque, la famille d'Aleyna n'acceptant pas que la jeune fille puisse aimer librement un jeune garçon de son choix.

Deuxième nouvelle "Aurore"; il s'agit ici de la violence dont peuvent être victimes les jeunes filles au lycée: moqueries, comportement non respectueux des garçons, violence sur les réseaux sociaux...

La violence n'a pas d'âge: ainsi dans la nouvelle "Ce que les blessures laissent au fond des yeux", une femme de trente ans est victime d'un propriétaire de logement malhonnête qui exige "des services" en complément de loyer..Delphine sera soumise au bon vouloir de son implacable propriétaire à laquelle elle pense ne rien pouvoir refuser, étant dans un position précaire du fait de son veuvage et de ses charges de famille.

On est happé par l'histoire de ces héroïnes malheureuses et on ne peut que se révolter devant ces situations choquantes, reflet de la dureté d'une époque?
Un beau témoignage sur nos sociétés modernes.
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