« Et chaque fois, mourir un peu ». Au fil de ma lecture, j'ai eu le coeur lourd. Lourd parce que l'on se doute bien que dans notre triste et dure réalité, cette histoire est vécue au quotidien par des milliers d'aide-humanitaires.
Karine GIEBEL a raconté leur histoire par le biais du personnage de Grégory, un infirmier humanitaire du CICR incroyablement courageux et résilient. Un personnage fort et touchant. Ce livre est un véritable hommage pour toutes ces personnes extraordinaires qui dédient leur vie pour sauver celle des autres.
Contrairement aux autres livres de
Karine GIEBEL que j'ai généralement lus d'une seule traite, pour celui-ci, j'ai pris mon temps… Difficile de se replonger dans l'horreur de la guerre, décrite par des scènes très graphiques. J'appréhendais presque mes lectures. Mais une autre part de moi était tiraillée, il fallait que je sache pour Grégory comment il allait s'en sortir dans tout ça. J'ai ressenti énormément de compassion et d'admiration pour son personnage. Pour toutes ces personnes qui dédient leur vie à sauver celle des autres. Qui sacrifient leur santé mentale, et même jusqu'à leur vie, pour les autres. Une humanité absolument incroyable se percutant à une inhumanité sans nom. Une lumière tentant coûte que coûte de se frayer un chemin dans les ténèbres.
L'espoir, voilà ce que ces gens hors du commun incarnent pour toutes ces victimes de guerres.
Dans ce premier tome, on l'accompagne dans son quotidien de 1992, soit ses débuts dans l'humanitaire, jusqu'à 2010, la fin du livre, où un événement crucial annonce forcément une suite qu'il est impossible de manquer. On passe par de (trop) nombreuses zones de conflits, de Sarajevo à la République Démocratique du Congo, du Rwanda à Grozny de Tchétchénie, de la bande de Gaza à l'Afghanistan… Il faut souligner le gros travail de recherche de l'auteure, qui a su dépeindre dans ce livre toute la barbarie de ces guerres avec une précision effrayante. Accablant.
Durant ma lecture, je m'attendais à ce qu'un événement majeur vienne réellement perturber toute l'action, la fameuse touche de
Karine GIEBEL qui vient tout faire vriller. Mais il en est rien pour ce livre. Excepté à la toute fin (et quelle fin…). Nous partons sur un style différent de ce que l'autrice a l'habitude de proposer. Nous sommes plus dans un roman reportage et psychologique qu'un thriller (du moins pour ce tome 1) avec une critique forte de la société et de tous ces conflits géopolitiques.
J'ai personnellement apprécié cette tournure différente, j'ai accroché à l'histoire et surtout, impossible de lâcher le personnage de Grégory, tellement altruiste, aimant, humain. Il y a aussi un travail remarquable sur la psychologie de ce-dernier. Ce livre dénonce clairement les dégâts et séquelles psychologiques irréversibles que subissent ces femmes et ces hommes entièrement dévoués à leur métier, et qui doivent malheureusement « choisir » parmi les blessés qui sauver en priorité.
« Et chaque fois, mourir un peu »…
Comment est-il possible de tenir psychologiquement alors que ces héros des temps modernes sont confrontés tous les jours à des atrocités indescriptibles ? Ce questionnement est abordé tout au long du roman, à mesure que l'on perçoit l'évolution psychologique du personnage de Grégory dans ce parcours absolument éprouvant. On souffre et on enrage avec lui. Ce-dernier encaisse magnifiquement les épreuves de la vie et de la guerre. Il s'accroche éperdument à son travail car c'est véritablement sa raison de vivre, encore plus suite à un événement tragique… Il a ce besoin viscéral d'être utile, de retourner au front pour sauver autant de vies qu'il le peut malgré tous les risques que cela implique pour sa propre vie. Sans véritablement sombrer. Pas encore.
« Continuer de soigner sans relâche les blessures du monde. Pour essayer de panser ses propres plaies ».
On perçoit également tout au long du livre les traumatismes des victimes générés par toutes les horreurs qu'elles ont eu le malheur de subir. Comment se reconstruire après ça ? Comment aller de l'avant ? Comment vivre après l'irréparable, l'impensable, sans se sentir mort à l'intérieur ?
J'ai aussi été émue du clin d'oeil fait au Docteur congolais
Denis Mukwege qui consacre sa vie à reconstruire physiquement et psychologiquement les femmes victimes d'un sadisme absolu en RDC. Un bel hommage envers cet homme admirable et qui force le respect. « L'homme qui répare les femmes ».
Quelle histoire, quelles émotions… Un roman magistral à ne pas louper. Hâte de lire la suite, prévue à l'automne prochain.