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EAN : 9782711602834
446 pages
Vrin (01/02/1989)
4.12/5   4 notes
Résumé :
“Essayer de dégager l’esprit de la philosophie médiévale c’était se condamner à fournir la preuve de son existence ou à avouer qu’elle n’a jamais existé. C’est en cherchant à la définir dans son essence propre que je me suis vu conduit à la présenter comme la « philosophie chrétienne » par excellence. Il se trouve donc que cet ouvrage converge vers cette conclusion, que le Moyen Age a produit, outre une littérature chrétienne et un art chrétien, une philosophie chré... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Gilson s'attache ici à montrer que la philosophie médiévale n'est pas un simple commentateurisme par rapport à la philosophie antique, que si elle lui doit beaucoup, elle lui a aussi beaucoup donné : philosophes, les penseurs médiévaux l'ont été avec leur originalité propre. Se basant sur les Grecs pour la déduction alors que ceux-ci ne pouvaient pas atteindre, malgré leurs principes, les justes et transcendantes conclusions, les philosophes médiévaux auraient parfaitement saisi le sens philosophique de la révélation chrétienne, même s'il a fallu attendre Saint Thomas d'Aquin ou Duns Scot pour le formuler définitivement. Gilson vise donc à montrer que la philosophie chrétienne est bien spécifique et que la révélation chrétienne a permis à la philosophie d'évoluer, qu'elle informe encore la philosophie moderne privée des fondements métaphysiques qui la justifiaient, dans une espèce de remplacement des fins transcendantes chrétiennes par des forces immanentes (en éthique, c'est particulièrement vrai). Bien entendu, la philosophie chrétienne dont on parle, c'est la philosophie catholique du moyen âge : plus tard, le luthérianisme se devra de mépriser la philosophie scolastique et même, pour tout dire, la philosophie en général, en ce qu'elle traite de la nature que le moyen âge n'a jamais méprisé. Il y a donc plusieurs thèses dans ce livre. Parmi les plus significatives :
- Les modernes s'inspirent, sans toujours le savoir et sans en avoir toute la métaphysique, de la philosophie médiévale, en sorte qu'il y a eu un évènement philosophique spécifiquement chrétien
- La nature n'est pas méprisée, au contraire, puisqu'il s'agit de l'oeuvre de Dieu ; elle est déterminée, en sorte que le hasard n'est pas autre chose que l'intersection de deux plans causaux parfaitement prévus par Dieu, mais la liberté humaine, qui ne se confond pas avec le libre-arbitre (en ce qu'elle vise le bien), est préservée en tant que l'homme peut ce qu'il veut, c'est-à-dire le salut dans la collaboration avec Dieu, dans une contingence sauvegardée pour l'homme
- La révélation chrétienne a permis à la philosophie de saisir la véritable cause efficiente et, en tant que telle, il y a une différence entre le premier moteur grec, qui peut être multiple, et le Dieu chrétien ; il y aussi une prise en compte de la question de l'existence, là où le premier moteur se contente d'être posé. Saint Thomas d'Aquin distingue essence et existence, après des siècles de patiente réflexion chrétienne. En outre, la causalité chrétienne n'est pas la causalité finaliste grecque, car il y a efficience, et c'est Dieu qui est à l'origine de celle-ci, et non les astres qui se contentent de tendre vers une fin purement formelle
- Grâce à la philosophie chrétienne, il est possible de considérer « positivement » l'infini
- le bien est un aspect de l'être, qui n'est rien d'autre que Dieu (on pourrait dire que l'éthique se remplace par une morale)
- etc
Gilson a réhabilité la philosophie médiévale si on entend par là la philosophie chrétienne du moyen âge (il est vrai que la philosophie musulmane n'est pas beaucoup étudiée dans cet écrit). On lui reconnaîtra ce fait, et on lui reconnaîtra la pertinence générale de son discours, qui atteint tout à fait son objectif.
Il s'agit d'un livre d'histoire de la philosophie mais, pour autant, il ne s'agit pas d'un commentaire de textes. Il s'agit davantage d'une réflexion propre sur le sens de la philosophie médiévale chrétienne. Gilson, et il a raison, dira que son livre est avant tout un livre d'histoire. Pourtant, c'est une histoire philosophiquement traitée, bien que les conclusions soient doxographiques plus que doctrinales.
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Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
Nul ne songerait aujourd'hui à parler d'une mathématique chrétienne, ou d'une biologie chrétienne, ou d'une médecine chrétienne. Pourquoi ? Parce que la mathématique, la biologie et la médecine sont des sciences et que la science est radicalement indépendante de la religion dans ses conclusions comme dans ses principes. L'expression de "philosophie chrétienne", dont on use, n'est cependant en rien moins absurde et la seule chose à faire est donc de l'abandonner.
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Il semble donc que, pour emprunter une expression de W. James, l'univers mental chrétien se distingue de l'univers mental grec par des différences de structure de plus en plus profondes. D'une part, un dieu qui se définit par la perfection dans l'ordre de la qualité : le Bien de Platon, ou par la perfection dans un ordre de l'être : la Pensée d'Aristote; d'autre part, le Dieu chrétien qui est premier dans l'ordre de l'être et dont la transcendance est telle que, selon la forte parole de Duns Scot, lorsqu'il s'agit d'un premier moteur de ce genre, il faut être plus métaphysicien pour prouver qu'il est le premier que physicien pour prouver qu'il est moteur. Du côté grec, un dieu qui peut être cause de tout l'être, y compris son intelligibilité, son efficience et sa finalité, sauf de son existence même; du côté chrétien, un Dieu qui cause l'existence même de l'être. Du côté grec, un univers éternellement informé ou éternellement mû; du côté chrétien, un univers qui commence par une création. Du côté grec, un univers contingent dans l'ordre de l'intelligibilité ou du devenir; du côté chrétien un univers contingent dans l'ordre de l'existence. Du côté grec, la finalité immanente d'un ordre intérieur aux êtres; du côté chrétien, la finalité transcendante d'une Provi- dence qui crée l'être de l'ordre avec celui des choses ordonnées.

p81
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On parle pourtant fort souvent d'idéalisme chrétien et il se peut,
en effet, que l'expression ait un sens, mais c'est qu'il s'agit alors d'un christianisme bien différent du catholicisme médiéval. Pour le luthéranisme, que sa théologie invite à se désintéresser d'une nature irrémédiablement corrompue, l'idéalisme est une issue philosophique toute trouvée. Il serait peut-être plus exact de dire qu'il est naturel que ce soit lui qui l'ait trouvée. Réduisant l'histoire du cosmos au drame intime du salut individuel, le vrai luthérien n'a que faire de chercher Dieu dans la nature : il le sent à l'œuvre dans son âme, et cela suffit. Le catholicisme médiéval n'a certes pas ignoré que la nature est aux prises avec le péché et en urgent besoin de grâce; il a dit et répété que le monde matériel est fait pour l'homme et l'homme pour Dieu. Cet anthropocentrisme et le géocentrisme qu'il semblait appeler lui ont été assez reprochés pour qu'on ne l'accuse pas aujourd'hui d'avoir méconnu l'importance du point de vue humain. Pourtant, il reste vrai de dire qu'en un sens profond le moyen âge s'est toujours tenu à l'écart de l'anthropocentrisme où se complaît l'idéalisme de nos contemporains.

p246
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l est vrai de dire que toute conception chrétienne de l'univers, quelle qu'elle soit, est théocentrique. Telle doctrine pourra souligner le trait avec plus d'insistance que telle autre, mais aucune ne pourrait l'effacer sans perdre du même coup son caractère chrétien et sans devenir en outre métaphysiquement contradictoire par le fait même. Pour qui réduit en effet le bien à l'être, c'est à l'être, à travers le bien, que se réduit la finalité. En d'autres termes, le bien n'est autre chose que la désirabilité de l'être, de telle sorte que le souverain désirable, du fait même qu'il est le souverain bien, se confond par définition avec le souverain être. Si donc nous posons, comme requise pour l'intelligibilité de l'univers, une cause créatrice, la cause finale de cette cause créatrice ne peut être qu'elle-même. Supposer que Dieu puisse trouver hors de soi la fin de son acte, c'est limiter son actualité, et puisque la création est l'action propre de l’Être pur, c'est rendre la création impossible. Ainsi, le bien en vue duquel Dieu crée ne peut être que l’Être même que sa parfaite actualité rend créateur: universa propter semetipsum operatus est Dominus.

p104
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Pour dépasser la physique, il faut qu'il y ait une physique. Pour s'élever au-dessus de l'ordre de la nature, il faut qu'il y ait une nature. Dès là que l'univers se réduit aux lois de l'esprit, ce nouveau créateur n'a plus rien à sa disposition qui lui permette de se dépasser. Législateur d'un monde auquel sa propre pensée donne naissance, l'homme est désormais prisonnier de son œuvre et ne réussira plus à s'en évader.

p247
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Hommage à Gilson, historien philosophe.
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