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EAN : 9782711602841
388 pages
Vrin (07/10/2002)
4.4/5   5 notes
Résumé :
C'est avec la publication de L'être et de l'essence (1948) que Gilson fit véritablement irruption dans le débat philosophique contemporain, contraignant beaucoup de ceux qui n'avaient jamais entendu parler de l'être autrement qu'à travers L'Etre et le Néant ou le premier chapitre de la Wissenschaft der Logik, à admettre que ce petit mot " être ", qu'une certaine tradition idéaliste avait vainement tenté de bannir du vocabulaire philosophique, abritait, sinon peut-êt... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Un essai d'une qualité exceptionnelle. Gilson reprend ici l'histoire des rapports de l'être à l'existence et à l'essence, mais il ne se contente pas d'exposer des doctrines, même de manière critique : son travail mêle l'analyse historique et l'analyse conceptuelle d'une manière très intégrée, et permet ainsi d'apporter un point de vue très pertinent dans le débat de l'existentialisme qui se pose à son époque. On comprend que la philosophie médiévale a non seulement encore son mot à dire, mais que les concepts du débat se posent déjà en elle, même si les problèmes eux-mêmes ont du subir une longue constitution. La lecture des auteurs modernes est elle-même comprise par cette analyse conceptuolo-historique de l'être et de l'essence, de telle sorte que s'ouvre une perspective féconde et spéculativement différente de leurs concepts. L'histoire de l'être, de l'ousia, c'est une histoire de la dexistentialisation de l'être et de l'essence. L'être est posé dans la substance même chez Aristote de telle sorte que l'essence et l'acte d'existence ne soient qu'un, mais celui-là néglige par là la question propre de l'existence (on se contente, en effet, des essences, des êtres actés dans un monde où la question de l'origine ne se pose pas). La distinction entre l'acte d'existence et l'essence se retrouve chez Saint Thomas d'Aquin, qui doit poser la question de l'origine du monde. Seul Dieu confond ces deux actes (rapport nuancé à l'argument ontologique, insuffisant pour Thomas). Mais pour les autres êtres, la cause de l'existence est différence que l'actualisation de l'essence, et il ne suffit ainsi pas de poser celle-ci. Chez Scot et Avicenne, l'existence est un accident de l'essence (tandis que Saint Thomas pointait davantage une nécessité) : la critique de l'argument ontologique chez Kant (l'existence n'est pas un prédicable et n'appartient pas à l'essence prédicable) ne ferra in fine que reprendre ce principe. Chez Suárez, pourtant, une telle distinction entre l'acte d'existence et l'essence ne se pose plus, et Gilson montre bien son influence dans l'image qu'il a alors laissé de la scolastique : Suárez n'admet qu'une distinction formelle, mais, en voulant poser l'identité de ces deux actes, il a contribué à stériliser la pratique aux yeux des cartésiens, qui reprendront sur le point de la distinction Saint Thomas sans forcément s'en rendre compte, du fait de l'essentialisation de l'existence et, in fine, sa paradoxale neutralisation, par la mise hors-circuit de sa question propre. Les modernes neutraliseront l'existence d'une manière différente. C'est chez Wolff que l'on retrouve le premier usage "populaire" de la notion d'ontologie en tant que science de l'être dexistentialisé, indépendante de tout jugement existentiel, car il y traite une métaphysique des compossibles plutôt que de la substance au sens scolastique (Wolff essaye de trouver une essence suffisante à ce qu'il y a, dans une espèce de quête intégralement rationaliste, d'où la vision de la métaphysique comme étant la recherche de la raison suffisante, un tel rationalisme wolffien, qui se rattache au principe ontologique d'identité, ne pose déjà plus la question de l'existence dans l'ontologie elle-même). Chez Kant, qui connaissait davantage Wolff que la philosophie médiévale et qui ignorait donc certains de ses arguments, il se montre sans doute toute la neutralisation critique de l'existence, et chez Hegel, sa déduction, avant la réaction existentialiste (Kierkegaard). Bref, l'essence et l'existence, si elles composent l'acte d'être, ne se sont exclus qu'au nom d'une longue formation philosophique, et leur rapport n'a jamais été aussi simple que le laisse entendre la formule de Sartre, pour qui l'une précède l'autre. Dans un tel débat, Saint Thomas d'Aquin, de par sa position (l'un des seuls à avoir distinguer esse et essence de manière pertinente), est revenu au premier plan. C'est donc à bon droit que l'on dira que Gilson a participé au thomisme contemporain. Pourtant, l'idéalisme pointera une distinction complètement oubliée ici, et fondamentale pour sa défense : la distinction du phénomène et du fait, fait traduit par l'acte d'existence qu'en vertu de l'acte d'apparition.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Tous les interprètes d'Aristote et d'Averroès qui, eux aussi, identifient l'être à la substance, ont jadis conclu, et concluent encore aujourd'hui que le Dieu d'Aristote est un créateur. En effet, qu'est-ce que créer, sinon causer l'être ? On argumentera donc correctement ainsi : l'être, c'est la substance ; le dieu d'Aristote causait les substances ; donc il cause les êtres, et, par conséquent aussi, c'est un créateur. Mais il en va tout autrement pour qui la substantialité n'est pas le tout de l'être. Si l'existence est un acte constitutif de la substance réelle, la cause première des substances ne sera tenue pour créatrice que si son efficace tombe aussi, et, en un sens, d'abord, sur l'acte premier par lequel la substance existe. Le problème de l'éternité du monde reprend ici son importance, car la notion de création n'implique pas que le monde n'ait pas toujours existé, mais exige que le monde puisse ne pas avoir toujours existé. Cette "possibilité" de ne pas être est précisément ce qu'il manque au monde d'Aristote et de ses disciples authentiques, pour que le problème de son origine radicale puisse se poser.

Pour que ce problème puisse se poser, il faut que l'existence soit autre chose que la simple actualisation de l'essence comme telle [...] Suffit-il d'actualiser au maximum l'essence en tant que tel pour que, sous la pression interne de sa propre perfection, elle éclate pour ainsi dire à l'existence ? S'il en était ainsi, la notion de substance s'ouvrira comme adéquate à la notion d'être et suffira par conséquent à fonder complètement l'ontologie ; mais il faudra renoncer alors à poser le problème de l'existence même des substances. Pour y parvenir il faut concevoir l'existence comme un acte radicalement distinct de l'actualité de l'essence, c'est-à-dire tel qu'il ne suffise pas de porter l'essence au maximum de son actualité propre, pour l'en voir en quelque sorte jaillir. Bref, il faut aller jusqu'à poser l'essence comme "en puissance" à l'égard de son acte d'exister. Si l'on va jusque-là, on dépasse franchement le plan de l'ontologie aristotélicienne de la substance pour atteindre une ontologie de l'existence proprement dite. C'est peut-être là l'effort suprême de la philosophie première, et c'est celui qui a tenté, au 13e siècle, saint Thomas d'Aquin.

p80
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Tous les échecs de la métaphysique viennent de ce que les métaphysiciens ont substitué à l'être comme premier principe de leur science, l'un des aspects particuliers de l'être étudiés par les diverses sciences de la nature.
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La cosmogonie plotinienne traduit, sous une forme presque tangible, l'inconcevabilité dont souffre l'être lui-même, lorsqu'on le réduit à l'état d'essence pure. L'intellect ne trouve plus alors en lui de quoi le justifier. Il le faut donc en prononcer la déchéance au bénéfice de quelques autres dont il se déduise ; d'où ce paradoxe d'une ontologie où l'être n'est plus l'étoffe dont le réel est fait, puisque au-delà de l'être, et comme à sa source même, il y a ce non-être qu'est l'Un.

p48
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L'inconvénient qu'il y a pour un historien des idées à mettre en cause ses contemporains, c'est qu'ils ne sont pas encore morts.

p354
(Appendices)
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Vidéo de Étienne Gilson
Hommage à Gilson, historien philosophe.
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