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Citations sur Voyage en Italie (44)

À quinze ans j'entrais dans la banque pour vingt francs par mois. J'avais sous les yeux le spectacle constamment renouvelé des passions humaines les plus communes. C'était une porte ouverte vers la vérité. Les autres m'étaient fermées. Malgré la très grande habileté à rêver que je tiens de mon père, je ne considérais pas cette invitation à raisonner comme une injustice ou une insolence.
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Pour l'anéantissement du gentilhomme et de l'aristocrate, l'automobile a plus fait que la guillotine. À cent vingt à l'heure, il ne peut plus être question de politesse ; les Droits de l'Homme eux-mêmes sont dépassés (quant à 500 ou 1000 kilomètres à l'heure, ou à ce qu'on appelle déjà les vitesses interplanétaires, elles ne peuvent plus transporter que des sortes d'insectes). Nous n'en sommes pas encore là avec ce clergé à roulettes. Toutefois, quand on le rencontre en train de foncer sur une route libre, sa soutane imite naturellement les ailes de la victoire de Samothrace. On se sent assez loin de Saint-Bonaventure. Ici où ils sont englués dans la foule, comme nous, j'ai le temps de regarder ces prêtres au visage. Je crois que, s'ils entendent jamais des voix, ce seront celles du garagiste et de la raison.
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Le complexe d’Icare, c’est bien beau, mais après un atterrissage parfait, on n’a pas prouvé grand-chose. […]
À mon avis, il faut plus de courage (et du plus beau) pour être maçon pendant cinquante ans que pour organiser et parfaire une expédition à l’Himalaya. (169)
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Je les comprend. Il ne faut pas croire que celui qui nous donne les renseignements (un horloger, je crois ; en tout cas il était assis devant une boutique d'horlogerie), via Trotta, ait fini sa sieste. Il dort debout ; il dort les yeux ouverts ; il parle en dormant, en continuant un petit rêve d'après-midi. A-t-on remarqué que les chambres des pays du Sud et par conséquent les chambres italiennes (je ne parle pas des chambres d'hôtel mais des chambres particulières, conjugales) sont meublées à la «va comme je te pousse» avec n'importe quoi (sauf le lit). Souvent, il n'y a que le lit et une chaise ou le lit et une table de nuit ou le lit et un vase.
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Une autre source de gaieté est que ces montagnes ne vous forcent jamais à l'exploit (où il faut s'alambiquer). Elles ne vous proposent que du bon sens. Si vous valez quelque chose, ici personne ne le saura mais le pays vous affirme que vous pouvez être heureux fort simplement. Je suis, en fin de compte, au moment où cette affirmation rassure. Le complexe d'Icare, c'est bien beau mais, même après un atterrissage parfait, on n'a pas prouvé grand-chose. Curieux comme on veut toujours pousser l'aventure humaine dans des chemins numérotés de mètre en mètre où chaque pas peut être ainsi porté à un crédit. Alors que dans la malédiction : « Tu feras ton chemin sur ton ventre et tu mangeras de la terre», il y a des ressources illimitées. À mon avis, il faut plus de courage (et du plus beau) pour être maçon pendant cinquante ans que pour organiser et parfaire une expédition à l'Himalaya. Et du courage plus probant. Il n'est pas question de jeunesse ou de vieillesse dans le fait de choisir l'une ou l'autre de ces formes de courage, mais de conformation de la tête. Les hommes qui ont de tout temps habité les petits caps occidentaux de l'Europe ont la tête conformée de façon à être heureux sans délires et sans prophètes.
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Oui: pour s'engager sur dix mètres d'une eau qui a à peine un mètre cinquante de profondeur, on est joué dans les hasards. On sent qu'on est sur une matière qui ne porte que par artifice ; ce n'est plus le pavé qui n'engoutit rien, sauf intervention du diable (et c'est très rare). Si l'on ne comprend pas ce que je dis, il faut observer les petits amoureux de Venise quand ils se séparent après le rendez-vous du soir. Je veux parler de l'ouvrier plombier, du manœuvre maçon ou du petit télégraphiste. C'est Paul et Virginie. C'est la mort dans l'âme. L'un est dans le bateau, l'autre est resté sur l'estacade. On peut vraiment parler de consternation peinte sur le visage. On ne sent jamais cette fin de tout à Paris ou à Londres, nulle part sur terre ferme où l'on ne sait qu'à défaut de moyens mécaniques, on aurait toujours, en dernier ressort, la ressource de courir pour rejoindre celle qu'on aime. Ici, il y a, tout le long du jour, cent petites séparations définitives de cette sorte. C'est une source de mélancolie pour tout le monde. Comme on craint le ridicule, on l'attribue à l'air des lagunes.
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Ce qui m'ennuie quand je parle d'un tableau, c'est qu'il m'est impossible d'exprimer la couleur. C'est cependant l'essentiel. J'ai beau dire rouge, vert, bleu, jaune, ces mots ne font rien voir. J'ai remarqué que les habiles font alors intervenir des métaphores. Cela fait croire à tout le monde qu'on a réussi. Mais qui peut affirmer qu'il a vu un tableau quand on le lui a décrit avec des mots ? Le décrire avec des sentiments (ce qui, au premier abord, paraît mieux) ne sert finalement qu'à brouiller les cartes. C'est que, pour exprimer, il faut un alphabet commun. La Madone de Stephano me fait penser aux prairies du mont Viso en pleine floraison de juillet (me donne une joie semblable). Mais qui est arrivé exactement à la même heure que moi, dans la même lumière que moi, dans le même état d'esprit que moi, dans le même angle de vision que moi aux prairies du Viso, le 6 juillet 1915 ? Il y faudrait aussi avoir vingt ans, être soldat au 159e régiment d'infanterie alpine, dans une compagnie qui a un bon sergent, faire grand-halte avec une faim de loup, entamer un casse-croûte de sardines à l'huile, aimer les sardines à l'huile, sentir qu'on a toute une bonne heure pour reposer ses pieds et savoir qu'on a encore tout un bon mois avant de partir pour la guerre. Je ne parle pas de la lettre de la maison que j'avais reçue la veille, et du mandat qu'elle contenait. J'avais aussi un très bon copain près de moi. Enfin, il était dix heures juste. (À dix heures et demie, c'était déjà différent à cause du vin de mon bidon qui avait tourné pendant la marche.)
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L'établissement, sur la terrasse duquel nous avons passé la soirée précédente, a une fort jolie machine à faire le café. La mécanicienne est une jeune femme charmante. Elle me dit que le boulanger n'a pas encore livré les croissants. Il faut qu'Il signor Cavalliere attende un petit moment. Je suis très honoré du titre qu'elle me donne.
Une autre jeune femme qui est derrière un inventaire de corbeillons à pâtisserie vient la rejoindre et, pour me faire passer le temps, elles font un peu de coquetterie. Je les félicite de leur magnifique percolateur. Aussitôt, elles le font jouer pour moi. C'est un tel concert de sifflements, de hoquets et de jets de vapeur que nous prenons peur tous les trois. Le garçon qui répandait la sciure vient et rétablit l'ordre, ou, plus exactement, donne au désordre un sens plus profond. Il m'explique que cet ustensile n'est pas spécialement destiné à distribuer des jets de vapeur et que, convenablement manié, il est capable de produire sept ou huit sortes de café. Il me laisse entendre qu'il est, lui, en particulier, expert en la matière. Là-dessus, les deux jeunes femmes le prennent à partie et me font juge. Nous décidons de mettre ce garçon au pied du mur. C'est un endroit où il va volontiers. On aligne quatre tasses sur le comptoir car, de tout évidence, nous sommes quatre copains engagés dans une affaire qui ne porte pas à rigoler. Après une première manipulation, et qui me semble à moi fort habile, nous avons une rasade. Le garçon me demande ce que j'en pense. C'est de l'excellent café. Tourné vers les dames, il triomphe. De l'excellent café ! disent-elles. Et après. Tout le monde sait qu'on fait ici le meilleur café de Brescia. Qu'à cela ne tienne, voici une deuxième manipulation. Celle-là, j'avoue qu'elle me laisse un tantinet pantois. Il faut à la fois soulever un couvercle, abaisser un levier, tourner une roue, fermer un robinet et donner un fort coup de poing sur une pédale. La machine rue comme un cheval de rodéo. Les jeunes femmes s'écartent. Le garçon les rassure avec un bon sourire et, d'une voix de capitaine courageux, il leur dit d'approcher les tasses. Nous avons une deuxième rasade. C'est de l'excellent café. Non, non, non; on me fait remarquer le léger cerne doré qui reste sur la tasse. Suit une conversation animée en termes techniques où j'ai un rôle muet. Les jeunes dames ont l'air complètement subjuguées. Le garçon a ce triomphe modeste si insupportable à celui qui ne triomphe pas.
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Elle me caressait littéralement du plumeau avec ses longs cils depuis un bon moment.
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A Padoue, il y a Giotto. Je le vois avec plaisir. Je n’entends rien à la peinture (on s’en sera aperçu) comme d’ailleurs la plupart des gens qui ne l’avouent pas.[…]
J’aime par exemple les accords de bleus et de verts comme on aime les choux-fleurs ou les asperges. Si, à point nommé, je trouve cet accord chez Tartempion, me voilà content. (141)
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