La primauté accordée à l'organisation structurelle risque, selon Adorno, de prendre un "côté mécanique", donnant lieu à des "formes vides", où les relations "ont déjà dégénéré en patterns, en modèles abstraits" (Adorno, Quasi una fantasia, p. 323). Il n'est sans doute pas fortuit de noter ici que le US Copyright Office a refusé de consigner 1+1 de Glass (1968) en tant qu’œuvre musicale, considérant la pièce comme un "modèle théorique", et non une composition. Cette partition pour tapotements de doigts sur une table amplifiée n'est pas écrite dans son intégralité, mais offre deux blocs rythmiques de base, accompagnés d'une règle arithmétique de progression à laquelle Glass adjoint quelques exemples. Le fétichisme de la règle se traduit ici par une volonté de "transparence": la règle sert moins des intérêts esthétiques (auquel cas elle chercherait sans doute à ne pas se faire entendre /note 1) qu'elle ne se donne comme telle, dans sa simplicité revendiquée. La dimension esthétique se reportera sur les effets imprévus de l'application de la règle sur le matériau, réduisant l’efficace de l’œuvre au niveau physico-phénomélnal.
/note 1: Adorno, ibid.: "Sans doute les compositeurs authentiques des siècles précédents, jusqu'au seuil de la nouvelle musique, doivent-ils moins leur grandeur au fait qu'ils se seraient passés de formules toutes faites, qu'à la manière dont ils ont su les faire oublier, ou leur insuffler un sens".
Robert Cowan établit un lien entre les choix poïetiques de Reich et la pensée du second Wittgenstein (note)
note: Cette corrélation n'est pas tout à fait fortuite: le compositeur a consacré un mémoire universitaire au philosophe, cité fréquemment des aphorismes du Tractatus dans ses entretiens et a mis en musique, dans Proverb (1995), un court texte de Wittgenstein. Cependant, l'aspect que Cowan met en évidence dans la citation est plus bien plus clairement relié au "premier" Wittgenstein qu'au "second".