Tout d'abord merci aux éditions
Thierry Magnier et à Babélio !
Malheureusement ma lecture de «
Jeanne, Dieu, le diable et les autres » a plutôt mal commencé. Je n'ai pas aimé le déchaînement de cruauté gratuite des nonnes envers Jeanne (il est d'ailleurs peu crédible envers une fille d'échevin parisien même dévoyée). Et je n'ai pas non plus aimé la personnalité de cette dernière, ce qui m'a empêché d'éprouver la moindre empathie à son égard. C'était mal parti, et ça ne s'est pas arrangé par la suite.
Le livre plaira certainement aux amateurs de
Tarantino et des « Trois mousquetaires » de
Paul Anderson, les bateaux volants en moins. de fait le roman a un côté très cinématographique : c'est presque une seule longue didascalie, où sont inscrits les ralentis, et à l'inverse le montage dynamique des joutes verbales et des combats chorégraphiés avec panache, tandis que les morts s'affaissent avec juste ce qu'il faut d'hésitation. L'effet hollywoodien se poursuit d'ailleurs dans les dialogues pleins de réparties jetées souvent de façon volontaire mais intempestive dans les moments critiques. Moi aussi je rigole tous les jours avec le bourreau, et je commande tous les jours des tapis d'Aubusson parce que ça tache de trouer le bide des méchants. Cela donne une progression et des scènes d'action qui passeraient à l'écran mais qui sont ici poussives et surjouées, avec des enjeux dans lesquels on ne voit pas pourquoi il faudrait s'investir, puisque les issues sont globalement très prévisibles et dénuées de véritable imp
act émotionnel.
J'ai eu beaucoup de mal avec les personnages principaux, les gentils taillés tout d'une pièce avec bien peu de subtilité. Jeanne m'a insupporté du début à la fin : condescendante, teigneuse, perpétuellement insolente et d'une absence de scrupule remarquable. A ce sujet j'ai été choquée par sa façon de se venger des nonnes ; je me suis dit que pour une héroïne, elle n'avait rien à leur envier. Elle fait aussi preuve d'un profond mépris en plusieurs occasions (crachat à l'appui) envers des inconnus qui n'ont parfois que le tort d'avoir croisé son chemin. L'auteur excuse son personnage en faisant de Jeanne une sorte d'incarnation d'une volonté de liberté totale, radicale et intransigeante, qui a mieux à faire qu'avoir des regrets ou des remords. Pour quelqu'un qui prétend apprendre à son fils ce qu'est la vie (parce qu'à dix-sept ans on sait), elle se montre bien dispendieuse de celle d'autrui. Et comme ses acolytes sont des copies conformes niveau caractère, jamais on ne souffle. Résultat : j'ai passé tout le roman à lever les yeux au ciel.
Un autre problème du roman à mon sens, c'est l'accumulation d'éléments pas du tout crédibles. Une intrigue improbable, je ne dis pas non ;
Conan Doyle en a fait son fonds de commerce et je chéris mon exemplaire du « Chien des Baskerville ». Mais on est ici dans un roman historique et j'imagine que c'est pour exploiter à bon escient la grande époque du règne de
Louis XIV. Ah non, pardon, c'est juste pour pratiquer un anticléricalisme primaire et mettre des duels à l'épée.
Le plus gênant à ce niveau, c'est le personnage japonais. le règne de
Louis XIV s'inscrit en plein dans la période d'Edo au Japon, qui se caractérise par une politique isolationniste intransigeante. Personne ne sort, et seuls quelques Hollandais peuvent débarquer sans être passés par les armes. Alors un Japonais mutique tout seul en France – qui plus est un samouraï – ça ne tient pas la route. En tout cas, le paragraphe de background qui est dédié à You, jeté au début d'un chapitre parce qu'il fallait bien le mettre quelque part, n'est pas du tout suffisant pour justifier sa présence. En plus un samouraï n'utiliserait pas son sabre pour faire le bucheron ou un barbecue. C'est dommage, c'est le seul personnage dont la personnalité ne m'a pas déplu (un rapport avec le fait qu'il ne parle pas ? peut-être).
Un dernier problème que j'ai relevé, ce sont les fréquentes ruptures de ton, en dehors des dialogues et donc sans grande justification. Ça m'a particulièrement déplu dans deux paragraphes consécutifs relatifs à un péril auquel est confronté Pierre, l'amoureux de Jeanne : le premier paragraphe m'offre enfin une occasion de ressentir un peu d'empathie pour lui avec des phrases bien tournées qui font mouche (« il pleure d'un désespoir indicible et vertigineux »), et le second démolit tout avec des détails inutiles énoncés crûment (« car [ils] éjaculent et chient, c'est comme ça »).
La plume de
Hervé Giraud est plutôt agréable en soi, mais elle pâtit de tout le reste. Peut-être qu'un peu plus de simplicité aurait sauvé cette intrigue rocambolesque à la
Alexandre Dumas, plutôt que tous ces efforts trop visibles pour obtenir un effet de film hollywoodien de capes et d'épées fun des années 2010.
Le résumé de l'éditeur et la couverture catchy me faisaient très envie, mais la promesse n'a pas été tenue pour moi.