« acté » (1839) est un des tous premiers romans historiques d'
Alexandre Dumas. Ceci explique les multiples imperfections de ce petit roman (on est loin des grandes fresques qu'il écrira plus tard). C'est pourquoi il faut être indulgent avec l'auteur : il se lance dans un genre qu'il ne maîtrise pas encore (jusque- là il a surtout écrit pour le théâtre, les rares incursions qu'il a faites en prose narratives n'abordent l'histoire que de loin, et font état de chroniques plus que de véritables romans), ensuite il aborde une période (l'Antiquité) qu'il ne connaît pas bien, et sur laquelle il ne reviendra quasiment pas.
A sa décharge, ajoutons aussi le fait que sa mère est décédée pendant la rédaction du roman, ce qui a quelque peu perturbé l'écrivain et l'a sans doute obligé de raccourcir son oeuvre.
Le sujet était original, pourtant :
acté, une jeune vierge de Corinthe, tombe sous le charme de Lucius un jeune et bel athlète venu pour disputer les jeux néméens (qu'il remporte haut la main). Il la ramène avec lui à Rome et la jeune fille s'aperçoit avec horreur que son beau prince charmant n'est autre que Néron l'empereur sanguinaire et dévoyé. Elle cherche du soutien auprès d'Agrippine, la mère de Néron, mais non seulement celle-ci ne vaut pas mieux que son fils, mais encore ce dernier s'empresse de la trucider… filialement. Finalement c'est l'apôtre Paul qui vient au secours d'acté. Elle devient chrétienne et essaye de défendre la cause de ses coreligionnaires auprès de son époux épouvantable. Mais les choses se gâtent, les persécutions s'intensifient, Rome est en feu, acté elle-même finit dans l'arène d'où elle s'en sort de justesse. Néron de son côté, trouve une mort piteuse plus que pitoyable, et devinez qui vient pour régler les funérailles ? acté, qui n'a jamais cessé de l'aimer.
Néron, Dumas l'a connu par Tacite et
Suétone, les deux plus grandes langues de vipère de l'Antiquité. A l'époque c'étaient les seules sources, et ce n'étaient pas les plus pures. acté, elle n'était qu'une esclave affranchie, Dumas en fait une jeune corinthienne libre. Licence de romancier, me direz-vous (ce coquin d'Alex en fera de pire par la suite) mais pourquoi pas, cela correspond bien au personnage qu'il veut nous décrire, une jeune fille de la Rome antique, particulièrement … romantique.
Parce que, ce qui est certain, c'est qu'on voit naître un romancier : dans la construction de l'histoire, dans l'élaboration des personnages, dans la mise en place d'un style à la fois fluide et alerte, avec en toile de fonds un tableau historique plausible même s'il n'est pas très crédible (de toutes façons, à l'époque les lecteurs et lectrices n'avaient pas les moyens de vérifier). Bien sûr il y a quelques maladresses, quelques scènes plus réussies que d'autres, mais l'ensemble donne un roman plutôt agréable, facile à lire (c'est du Dumas), certes mineur dans l'ensemble d'Alexandre le grand, mais somme toute, pas la peine de faire la fine bouche.
Et notons aussi qu'en choisissant ce sujet, Dumas prenait aussi un risque : c'est de raconter ces dépravations avec suffisamment de finesse pour ne choquer personne, et c'est bien ce qu'il réussit en évoquant la relation trouble de Néron et de son esclave Sporus (qu'il finit par épouser).
Vous voulez lire un honnête Dumas, à défaut d'un bon ou d'un très bon ? ça y est, c'est acté !