Connaissez-vous Jack Kerouac ?
Sûrement me direz-vous, ou peut-être pas, tout dépendant de votre âge ou milieu culturel.
Pour ma part, je le connaissais vaguement, je n'ai jamais lu son oeuvre à fond. Lorsque
Pierre Glénat m'a invitée à lire sa pièce de théâtre, j'ai accepté avec plaisir. Une pièce de théâtre c'est le meilleur moyen pour susciter mon intérêt.
Je me suis plongée dans les articles le concernant et lu des pans de son histoire mais aussi celle de la génération qui a précédé la période hippie, la ‘'
beat génération''.
La pièce m'a laissée nostalgique. J'aurais aimé connaître le garnement, j'ai l'impression que nos chemins se seraient croisés à cette époque, si j'avais vécu dans cette communauté franco-américaine.
Le Jack Kerouac de la pièce est sûrement très proche de celui qui a foulé les routes du continent nord-américain. La relation avec sa mère est très plausible, j'ai récité les dialogues à haute voix et je les ai ressentis au plus profond de mon être.
Jack appelé Ti-Jean est l'enfant de Léo-Alcide Kirouac(Kerouac) et de Gabrielle-Ange Lévesque de la Côte Sud au Québec. Ils se sont mariés dans cette communauté franco-américaine des États-Unis. Plus d'un million de Québécois ont immigré là-bas pour aller travailler dans les manufactures.
L'héritage québécois de Jack Kerouac est un élément important, même si certains détracteurs disent que les Québécois mettent trop d'emphase sur ce point. Saviez-vous que son ouvrage ‘'On the road'' (
Sur la route) a d'abord été écrit en français du Québec. On a découvert des manuscrits après sa mort. Jack n'a pas appris l'anglais avant de fréquenter l'école. le milieu franco-américain de l'époque gardait ses racines : religion catholique et langue. Voilà en résumé le côté historique !
Pour vous parler de la pièce maintenant, elle s'adresse à un public français européen, ce n'est pas une critique mais une réalité. Lorsqu'un film américain sort en version française, il y a souvent une version européenne et une version québécoise ou nord-américaine. Dans le cas de Jack Kerouac, si la pièce était jouée ici, il faudrait définitivement la mettre à la saveur québécoise.
La pièce se déroule dans les derniers mois de vie de l'auteur, diminué physiquement et moralement. Il demeure chez sa mère avec sa conjointe Stella.
Les scènes se succèdent à l'intérieur, dans les différentes pièces de la maison d'enfance de Jack. Dans l'une des scènes, on rencontre la fan Jane, qui a parcouru des kilomètres de route. pour venir voir de ses yeux le personnage de roman. La plupart des gens voulaient rencontrer celui décrit dans les livres, l'intrépide aventurier. Jack n'en a que faire et n'eut été de sa mère hospitalière, cette Jane se serait vite retrouvée derrière une porte close.
Une autre scène intéressante est celle du journaliste qui veut à tout prix rencontrer notre auteur mais Jack ne veut pas discuter de ce qui ferait vendre le journal. Ça se termine de manière décevante.
Une rencontre avec un prêtre nous montre la profondeur de l'être et les tourments dans lequel Kerouac est plongé. le prêtre se veut des plus rassurants et lui révèle que sa poésie est un cadeau d'en haut pour le rapprocher de Dieu. Jack, à sa grande surprise, trouve l'ecclésiaste très ouvert.
Mes scènes préférées se déroulent entre la mère et le fils. Elle connaît son Jack par coeur et lui dit qu'il se compare trop aux autres, qu'il aime souffrir à outrance, investi de ce complexe de sacrifice. J'ajoute qu'il est sous l'emprise inconsciente de ce jansénisme catholique nord-américain qui persiste dans les mentalités encore aujourd'hui. Les conversations entre Gabrielle-Ange et son Ti-Jean sont plus que plausibles. Ce fils qui a mal grandi, la perte brusque de son frère, alors qu'il n'avait que 4 ans le hante et le paralyse jusqu'aux derniers jours de son existence.
Carolyn, la femme de son meilleur ami Neal le secoue, elle lui explique comment elle souffrait lorsque lui et son mari partaient pour leurs longs voyages la laissant seule. Elle lui laisse un cadeau lui permettant de s'évader de son triste quotidien.
Son frère Gérard descend vers lui pour l'aider à se pardonner. La conversation vient calmer son mal-être. Il est finalement assez en paix pour partir vers ce paradis décrit par son frère. Un paradis où il se dit qu'il a le droit d'entrer.
La mère ne reverra pas son fils en vie. Il s'est éteint sans elle…
C'était la première fois que je lisais un texte de
Pierre Glénat. La justesse des répliques et la profondeur des personnages m'incite à découvrir cet auteur davantage.