" Ce roman va tout balayer sur son passage, comme le firent ceux de
Tolkien dans les années 60." Voilà ce qu'on peut lire sur la page couverture du livre.
J'ai lu les livres de
Tolkien. Après avoir lu celui-ci, de
Terry Goodkind, j'affirme sans l'ombre d'une hésitation que ce livre n'atteint pas le degré de qualité ainsi annoncé. Voilà entre autres quelques-unes des raisons justifiant ma constatation:
1) Les personnages de
Goodkind passent TRÈS fréquemment leurs émotions en sanglotant: de la fillette sans défense au plus puissant sorcier tout en passant par le chef d'une tribu d'indigènes, ils pleurent. Toutes les nuances y passent: des larmes refoulées à la crise de sanglots hystérique (en position foetale par terre).
2) le choix des noms pour les personnages d'un récit fantastique manque pour le moins d'uniformité. Pour les personnages principaux, on a droit à Zeddicus Zu'l Zorander (un magicien de haut niveau), Kahlan Amnell (« Mère Inquisitrice »; personnage de puissante magie), Darken Rahl (l'ennemi suprême qui veut conquérir le monde avec ses pouvoirs magiques) et le principal héros (un guide forestier doté d'un grand potentiel magique), « Richard Cypher». Impossible de croire que personne n'ait fait remarquer à l'auteur que ce dernier nom fait « tache dans le décor »!
3) le comportement des personnages de Goodking obéit parfois à une logique douteuse. Par exemple, dans l'esprit du héros, il faut se placer « derrière » la personne à qui on veut montrer un chemin; « histoire de garder un oeil sur elle et de s'assurer qu'elle ne s'écartait pas de la piste». Heureusement qu'il ne devait pas montrer le chemin à un groupe de cent personnes…
Mais on n'en est pas à une étrangeté près avec les personnages de
Goodkind : « Méfiants, les deux soldats baissèrent les armes » (ben voyons…) ou encore : « Pour se détendre, il s'emplit les poumons d'air, laissa retomber les bras le long de son torse et plia plusieurs fois les poignets »… C'est quoi ce dernier mouvement? La technique du chat qui gratte sa litière derrière lui du bout des pattes ?!
Par ailleurs, la logique de l'auteur lui-même, dans l'écriture de l'histoire, est également surprenante. À un moment où deux personnages se font poursuivre par des mercenaires à travers les bois, l'auteur oblige le lecteur à quitter l'action pour s'attarder lourdement à la lecture d'un long paragraphe descriptif de la nature environnante : « La pente devint bientôt plus raide et un sol rocheux succéda à la terre meuble. Les arbres, effectivement moins luxuriants, offraient une vue plus dégagée. le sentier serpentait sur un terrain accidenté et traversait parfois de petits ravins jonchés de feuilles mortes qui crissaient sous leurs pieds. Les pins et les épicéas disparurent, remplacés par des bouleaux dont les branches, moins serrés, laissaient filtrer la lumière du soleil en une myriade de petites lucioles qui dansaient sur les pierres. Avec leurs troncs blancs constellés de points noirs, on aurait cru que des centaines d'yeux observaient les deux fuyards. N'étaient les croassements de quelques corbeaux, un silence rassurant les enveloppait ».
Autre exemple : un loup géant doté d'intelligence humaine arrive facilement à tuer des « gains » (créatures maléfiques féroces), mais ne résiste pas cinq secondes devant un humain armé d'un poignard et dépourvu de tout pouvoir magique.
Nouvel exemple : les personnages fuient et désirent éviter qu'on puisse retrouver leurs traces. Tout au long du trajet, l'un d'eux, Zedd, lance nonchalamment des os de poulet par-dessus son épaule étonnamment sans aucune conséquence (dans le cas surprenant où l'auteur ignore l'histoire du Petit Poucet qui retrouve sa route en semant des miettes de pain, la simple déduction logique aurait dû l'éclairer sur l'absurde de ce geste).
Également, le fait de révéler au lecteur ce qu'est une « Inquisitrice » après la 600e page du livre, alors qu'il fait grand cas de ce titre dès le premier chapitre ne rend pas pour autant la chose intrigante, mais plutôt agaçante.
4) Les valeurs morales qui ressortent de l'histoire sont contestables. Ainsi, au niveau disciplinaire, le héros adore un père défunt qui lui donnait des corrections à coup de ceinture lorsqu'il était enfant ( il combattait son frère avec une épée de bois lorsque sa mère est entrée dans la pièce et a récolté un des coups par mégarde, ce qui a valu la « correction » du père). La même discipline s'est appliquée à un enfant d'une autre famille qui est arrivé plus tard que prévu à sa maison. le héros s'attache également à sa tortionnaire, une « Mord Sith », à qui il pardonne l'extrême brutalité qu'elle exerce à son égard car elle a elle-même été victime de ces abus antérieurement. La barbarerie de couper à froid les testicules d'un pédophile meurtrier pour l'obliger à les manger est nommée « justice » par le groupe composant les « héros » de l'histoire.
Dans le même ordre d'idée, l'auteur glorifie la colère et en fait la pierre angulaire du récit...
5) du côté émotif, plusieurs aspects de l'histoire manquent de réalisme. Ainsi, Richard tombe éperdument amoureux d'une femme (Kahlan) au premier regard et lui voue dès cet instant une loyauté et une dévotion profonde, car il « voit » dans ses yeux à quel point elle est intelligente : « Dans ses prunelles, il lut une chose qui l'attirait plus que tout. L'intelligence! Oui, l'intelligence brûlait dans ses yeux et dans tout son corps, glorieuse figure de proue de son intégrité ». Fort de cette fixation sur ses yeux, il commente « (…) ses yeux- d'une nuance de bleu douloureuse à force d'être belle- (…)». Qui d'autre que
Goodkind aurait pu penser qu'on peut avoir « mal » à regarder une belle couleur (le cas reste sans doute sans précédent)…
Peu après sa rencontre avec Kahlan, les deux personnages survivent à l'attaque de quatre mercenaires. Immédiatement après les faits, Richard appelle l'inconnue « mon amie » et celle-ci, au lieu d'être concentrée sur l'action qui vient d'avoir lieu, devient toute émue devant le mot « amie ». Ce que Richard ne trouve pas du tout étrange :
« -Kalan, mon amie, peux-tu me dire pourquoi nous sommes en vie? Et pourquoi ces quatre tueurs ne le sont plus?
-Tu penses ce que tu dis? Demanda la jeune femme, surprise.
-Quoi donc?
-Eh bien… « mon amie »…
-Évidemment! Tu l'as dit toi-même : j'ai choisi de rester avec toi. »
Ainsi, dans l'ordre de priorité démontrée, il est bien plus captivant de se faire des amis plutôt que d'avoir échappé de justesse à la tentative de meurtre de quatre assassins...
Beaucoup plus tard dans l'histoire, cette même femme, décrite par l'auteur comme étant dotée de ressources importantes, ne trouve rien de mieux que de tenter plusieurs fois d'atteindre à ses jours. Voilà un beau pied de nez à l'étoffe du héros de légende!
N'oublions pas, également, de mentionner que pour
Goodkind, il est tout à fait plausible qu'une flèche (n'ayant rien de magique) « ricocha sur la boue » (la boue non plus n'avait pourtant rien de magique) et que l'haleine d'un personnage « évoquait un bouquet de roses »… Mais ce ne sont que des détails comparativement à cette petite fille martyrisée par sa maîtresse et dont les gardes du château ne relèvent pas incongru qu'en guise de punition, elle passe la nuit à l'extérieur du château avec sous le bras une superbe poupée et un sac rempli de victuailles (dont une miche de pain entière)!
6) Les choix des mots et l'utilisation du point d'exclamation sont contestables : « Sale comme un peigne » ( je n'ai jamais entendu dire qu'il était de notoriété publique qu'un peigne soit sale) ; « Leurs doigts étalaient de la boue blanche et noire sur sa poitrine – des lignes brisées – et sur ses biceps- des cercles! »