AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,84

sur 496 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
- pépite !

Etats-Unis, 1948. Brownsburg est une bourgade paisible et modeste de Virginie, avec ses Blancs et ses Noirs qui ne se mélangent pas mais se côtoient sans heurts. La petite ville est peuplée de gens "sans histoires" : la famille sympathique du boucher, une couturière aux doigts de fée, aussi douée pour rendre les femmes lumineuses que les marraines de Peau-d'Âne et de Cendrillon. Et puis "arrive un vagabond", Charlie. Homme sage et doux, il est vite adopté, mais perturbe involontairement cette harmonie en tombant amoureux.

Les protagonistes et leurs interactions sont brillamment dépeints, exprimant les passions et les paradoxes humains. Rêver ou vivre, vouloir plus au détriment d'un équilibre précaire mais confortable, limites de ce qu'on peut montrer et demander à un enfant, menace de l'Enfer brandie par les prêtres lorsque les événements les dépassent... Autant de sujets intéressants que l'auteur expose avec talent et finesse.

Superbe histoire d'une passion ravageuse, destructrice, d'une grande tristesse. Dit ainsi, cela semble annoncer un roman à l'eau de rose. Pensez plutôt à 'Seul le silence', pour la beauté de la plume, l'atmosphère, les personnages et la subtilité, mais aussi à 'Portrait de l'artiste en hors la loi', 'Emma Bovary'...

Intense, douloureux, magnifique.
Commenter  J’apprécie          655
« Je crois à la bonté. Je crois que c'est la seule chose qui compte. La seule qui restera de nous après notre départ ».
Voilà une phrase que j'adore, à laquelle j'adhère absolument.
Je suis donc d'accord avec la femme de Will le boucher, et mère de Sam, 5 ans.

Nous sommes en 1948, et cette famille de la Virginie rurale accueille Charlie le vagabond, voulant l'intégrer à la communauté de la petite ville de Brownsburg.
Charlie est bon et ne peut provoquer que de la sympathie à son égard. Sam, en particulier, lui voue une adoration sans faille. Adoration mise à rude épreuve lors des mois qui suivent, à cause d'une certaine Sylvan, la belle blonde aux yeux verts malheureusement mariée au plus ignoble des individus…

Histoire d'amour et de bonté, sur fond de racisme, d'indifférence et de religion.
Histoire d'enfance et de confiance.
Histoire de vérité et de mensonges, de paradis et d'enfer.
Histoire tragique et belle à la fois.

Voici enfin, après deux lectures décevantes de cet auteur, le roman de Goolrick que j'apprécie énormément.
Des personnages ambivalents à la psychologie développée évoluent dans une nature apaisante.
A coup de phrases tantôt simples, tantôt poétiques, le drame se prépare à partir de rien, enfin, presque rien : un regard, une silhouette, deux rêves. Celui d'une toute jeune femme et celui d'un homme bon, du moins, qui croyait à la bonté…

Commenter  J’apprécie          5611
"Il y a dans cette vallée un coeur qui bat. Il est là, toujours" dit l'épilogue de cette histoire donnée pour vraie.

"Arrive un vagabond" est une tragédie -littéralement- "grecque"et transposée par l'écrivain dans la douce Virginie des années 47-50, dans ce "Deep South" du blues, des stars lointaines d'Hollywood et de la ségrégation raciale...

C'est une sorte d' apologue sur la condition humaine: comment les rêves que nous avons déterminent notre existence, et comment les secrets que nous gardons l'empoisonnent lentement mais sûrement.

Au début, il y a un homme en caravane, un bel homme, un homme seul, un vagabond au regard tranquille et franc. Charlie Beale. Un boucher, avec ses beaux couteaux bien aiguisés, le silence d'une autre vie, derrière lui et, devant lui, le désir bien ancré d'en recommencer une autre, plus chaude, plus vibrante, plus pleine.

Au début, il y a l'envie de trouver sa place, sa juste place, toute sa place. Il y a donc beaucoup d'observation, pas mal de réserve, un peu d'hésitation, et du respect.

Puis surgit l'envie d'être aimé, d'être accepté, d'être apprécié. Il y a alors autour de Charlie Beale plus de chaleur, d'échanges, de confiance et d'amitié. Il a des amis, Will et Alma, l'épicier qui l'emploie, et l'institutrice qui le devine et l'entoure de sa prévenance, il a surtout un enfant d'adoption, le petit Sam, fils de Will et Alma, qui l'appelle Beebo et le choisit pour héros,

C'est alors, alors seulement, que Charlie Beale peut faire la place aux rêves, leur donner corps: un chien fidèle qui a le nom d'un joueur de base-ball noir, une maison pleine de vieilles choses et des terres, un peu partout, parce que le Sud c'est beau, plein de bonne terre, sillonné de rivières à truites.

Choisir sa place, choisir sa vie. On pourrait s'en contenter. On pourrait s'arrêter là.

Mais choisir sa vie, tous en rêvent.

Willie et Alma, couple modèle, qui rêvent d'un monde d'accueil et d'amour où les enfants ne mentent pas et où on a toujours toujours, en bons parents, la bonne réponse à la mauvaise question.

Claudie Wiley, la petite black aux doigts de fée qui rêve d'habiller les stars, et même l'affreux Harrison Glass qui s'achète une femme sur mesure pour aller avec sa belle Cadillac et habiller sa solitude.

Et enfin Sylvan Glass, elle-même, la belle qui rêvait d'être Mary Pickford ou Lauren Bacall, et qui en voulait la garde-robe, comme on choisit un cadeau à cause de l'emballage.

Et voilà: Charlie s'est mis à rêver de Sylvan - et seulement d'elle, au point de lui sacrifier ses autres rêves - et l'enfance si tendre et confiante du petit Sam.

Le petit Sam qui rêvait, lui, de ne pas casser le rêve de Charlie.

Une chaîne de rêves qui se croisent et se marchent parfois sur les pieds, déchirés et détricotés par la réalité..

Une chaîne de secrets portés dans l'ombre impénétrable des coeurs.

Et beaucoup d'amour. Mais que peut l'amour quand les rêves, cruellement, se déchirent? Quand les secrets pèsent si lourd qu'ils ravagent et qu'ils tuent?

"Place-moi comme un sceau sur ton coeur, comme un sceau sur ton bras, car l'amour est fort comme la mort..."disent sombrement les Ecritures.

Une belle fable plus vaste, plus universelle, plus intemporelle qu'il n' y paraît. Qui fait mouche et qui bouleverse.

J'y ai retrouvé l'incroyable don de Goolrick pour parler de l'enfance, car si Charlie Beale , ce boucher sincère et passionné, m'a touchée, c'est Sam, ce petit enfant fidèle, confiant, obstinément muet, attaché à lui comme un chien à son maître, marqué dans sa vie et dans sa chair par son amitié indéfectible pour cette figure de père spirituel, qui m'a profondément bouleversée.

C'est lui, le premier et dernier narrateur de la fable, et dans sa voix, dans ses souvenirs on retrouve le narrateur de Féroces.

L'histoire n'est pas la même, et il y a indubitablement de la tendresse et beaucop de bonté dans l'amour de Charlie pour Sam, mais c'est encore une histoire d'enfance malmenée, massacrée par les passions adultes...même avec les meilleures intentions du monde.

"Oui, l'enfance est l'endroit le plus dangereux qui soit. Si l'on devait y rester toujours, on ne vivrait plus très vieux" dit Goolrick, cet éternel enfant abusé.

Un grand livre, plein de force et de profondeur.
Commenter  J’apprécie          444
Un des plus beaux romans de début d'année!
L'histoire d'une communauté digne et paisible, des femmes et des hommes ordinaires, bons et conciliants mais tous dominés par la peur du péché! Tous hantés par la crainte insupportable de Dieu et des prêches tonitruants, vengeurs, inflexibles de ces révérends respectés et craints!
Nous sommes à Brownsburg en Virginie, en 1948! Petite ville calme où l'on ne verrouillait jamais sa porte! Des blancs et des noirs y vivaient: chacun avait son église, sa religion,ses fidéles, il ne s'y passait presque rien.....au cours de cet été, débarque un homme ouvert et doux chargé de deux valises, dans l'une quelques affaires et des couteaux de boucher- c'est son métier- dans l'autre une importante somme d'argent. Son nom est Charlie Beale dit "Beebo",il tombe amoureux de cette région dont les paysages sont décrits avec fougue , sensualitê et réalisme.....il tombe aussi amoureux de la femme d'un autre, une femme à la beauté parfaite, qu'il va aimer du plus profond de lui même, à qui il va offrir bien plus que sa personne, son corps, son âme, lui offrir la liberté !
Quand la passion chasse la raison, oú l'amour interdit est dangereux et destructeur , comment parvient- on à s'abandonner autant? À se délester de tout pour l'être aimé?
A en oublier la bienséance, et le regard de Sam, le petit garçon .....voyeur de scénes qu'il ne comprend pas....., à s'oublier soi - même juste pour vivre cet amour?
Une intrigue amère, toute en tension, comme sur un fil, comment Charlie est entré dans la vie de Brownsburg,?comment en est - il sorti par la petite porte?la fulgurance de son passage ajoute à cette fresque splendide sur fond d'amour et d'amitiés et descriptions minutieuses .....les habitants l'acceptent , s'attachent à lui mais lorsque le scandale éclate.....la Peur du Jugement de Dieu est la plus forte ....ces gens au coeur simple sont dépassés par la force de l'amour de Charlie envers Sylvan, la femme aimée, envers Sam, le petit garçon de ses amis Will le boucher et sa femme Alma, l'institutrice....
Les dernières pages de ce roman sont marquantes, violentes et bouleversantes à l'image d'une montée en puissance ressentie dés les premières pages....l'écriture est absolument magnifique, une plume débordante d'humanité qui nous transporte dans cette histoire émouvante et triste ....un récit rude, vibrant, fort, déroulé comme les images d'un film, constamment sous tension! Jusqu'au drame final que le lecteur redoute depuis le début! Qui nous laisse sans voix!
Une oeuvre remarquable , une tragédie en marche....j'avais lu " Une femme simple et honnête" du même auteur , cette fois encore, je n'ai pas été déçue!


Commenter  J’apprécie          427
Dans les années 50 on tendait naturellement à penser qu'aux fins fonds de la campagne américaine ou les communautés Noire et Blanche vivaient en bonne intelligence, chacun chez soi cependant, la vie se passait sereinement au rythme du temps sans grand événement.
C'était souvent vrai jusqu'au jour où, comme à Brownsburg , petite ville tranquille de Virginie, le trouble surgit de l'extérieur pour en bouleverser la quiétude.
Il aura les apparences de Charlie, ses airs de vagabond en quête d'un job avec ses deux valises au contenu pour le moins bizarre …
Faisant des pieds et des mains, Charlie sera embauché par le boucher local chez lequel par son professionnalisme il fera sensation tant auprès de son patron qu'auprès des clients, sans compter Sam son très jeune fils qui va lui vouer une admiration et une fidélité sans faille.
Mais voilà, il y aura aussi … la belle Sylvan obnibulée par ses rêves Hollywoodiens qui seront à l'origine d'une liaison dangereuse!

Voilà le cadre d'une histoire d'un genre assez sordide dans lequel les bonnes âmes survivent rarement.

Le style éblouissant de Robert Goolrick nous entraine dans une atmosphère de sensualité, de violence et de confrontation du monde de l'enfance à celui des adultes.
A lire absolument.

Commenter  J’apprécie          390
"C'était une ville dans laquelle on n'avait jamais commis aucun crime (…) le péché, il y en avait, oui. D'envie et de gourmandise, de convoitise et d'orgueil. Un orgueil redoutable. Mais pas de crime."
Lorsque Charlie Beale arrive avec sa panoplie de couteaux, une pleine valise d'argent liquide et un passé inconnu, au volant de son vieux pick-up dans cette toute petite ville de Virginie (548 habitants), il va s'y intégrer et y trouver sa place.
C'est une communauté paisible - "même si chaque soir, deux ou trois hommes se saoulaient et giflaient femme et enfants", une communauté unie, soudée par sa foi religieuse ; les Noirs ont leur propre quartier en périphérie, leur propre lieu de culte.
Charlie y apporte sa dextérité professionnelle, ses performances au base-ball et sa respectueuse courtoisie envers tous, Blancs et Noirs. On le respecte lui aussi, malgré ses curieuses manières – dont celle de ne pas fréquenter l'église.
D'emblée Charlie m'est apparu comme un personnage attachant, dans son besoin de reconnaissance mais aussi de liberté. Attachantes aussi sont les femmes fortes qui gravitent dans son entourage : Alma la généreuse qui l'accueille en membre de la famille ; les vieilles jumelles, piliers de la communauté ; Claudie la couturière de génie, noire, farouchement jalouse de son indépendance.
Et puis il y a le merveilleux petit Sam, enfant curieux de tout, ami des chiens et amateur d'illustrés, qui adopte Charlie comme son héros personnel.
Mais celle qui va changer le destin de Charlie et de toute la ville, c'est Sylvan la midinette, épouse de l'homme le plus riche du coin.
Celle à qui le puritanisme ambiant ne pardonne pas ses tenues hollywoodiennes et son parler raffiné – appris à la radio, alors qu'elle grandissait dans une ferme isolée.
Celle qui veut sortir de sa condition, se démarquer de la communauté.
Des personnages très forts, dans une ambiance de drame inéluctable, presque de tragédie grecque : une belle révélation pour moi que ce romancier, hélas décédé l'an dernier.
Traduction impeccable de Marie de Prémonville.
Challenge USA : un livre, un État (Virginie)
LC thématique juin 2023 : "L'auteur est un homme"
Commenter  J’apprécie          296
Un auteur dont j'apprécie beaucoup le travail m'a suggéré ce livre il y a quelques mois.
Merci à lui...
Goolrick fait partie de ces auteurs dont certains ouvrages patientent dans mon énorme PAL avec un autre titre.
Arrive un vagabond est un roman noir, enfin, pas tout à fait noir, enfin si quand même...
En fait, il commence comme un conte, une histoire qu'on se raconterait au coin du feu.
D'ailleurs, c'est un peu le sentiment qu'on a dans cette lecture, on s'imagine assis au pied d'une cheminée où notre grand-père nous raconte....
Il était une fois, il y a bien longtemps, en 1948 pour être précis, à Brownsburg, petite ville de Virginie, arrive un vagabond. Un homme à peine quarantenaire, il vient de nulle part, s'installe sur un bout de terrain au bord de la rivière et.... la vie de cette petite bourgade va changer.
Marginal discret, il s'intègre bientôt grâce à son travail et son charisme naturel. Charlie Beale devient "Beebo" dans la bouche de Sam, petit bonhomme de cinq ans qui s'attache bien vite à lui et qui le suit partout, la vie s'écoule paisible et soudain... tout bascule.
Tout devient noir. Jusqu'à une fin terrible comme on en rencontre parfois dans ce genre de roman.
Ce roman est magnifique.
Goolrick vous envoûte par son style détaché.
C'est par les yeux et les oreilles de l'enfant que l'on vit l'histoire.
Il y a des scènes magnifiques justement parce qu'elles sont vécues  a travers l'innocence et la naïveté du petit garçon.
Ce que l'auteur a réussi, c'est que, quoi que fassent les adultes de son roman, Sam ne les juge pas,  il s'interroge, il s'imagine, il craint, il est curieux, il a peur même parfois mais sait garder ses distances et surtout, il sait garder les secrets.
À mon tour de vous conseiller fortement cette lecture, vous ne le regretterez pas.
Commenter  J’apprécie          280
« Il y a tant de beauté à être jeune et vagabond. Une telle splendeur, dans la passion incontrôlable. » (p. 10) Charlie Beale, récemment installé à Brownsburg, s'éprend au premier regard de la superbe Sylvan Glass. Cette beauté blonde a été achetée par son mari, le richissime et vulgaire Boaty Glass. Tout se déroule comme dans un film des années 40, à l'image de ceux qui obsèdent Sylvan. Entre mélo américain et tragédie grecque, tout est écrit dès le premier moment : Charlie et Sylvan vont vivre une passion secrète, interdite, un adultère tout simplement. Charlie est prêt à tout donner à cette femme qui a déjà saisi l'entièreté de son âme.« Il avait l'air d'un gamin de dix-huit ans. Dans cette envolée impétueuse de l'amour, son coeur s'élançait en chute libre. » (p. 200) Mais le vrai drame se passe à la hauteur de vue d'un petit garçon qui ne comprend pas tout. le jeune Sam, passionné de baseball, s'est pris d'amitié pour Charlie et le suit partout. Il devient le témoin silencieux et le complice innocent de l'amour des deux adultes. Dans la chaleur étouffante de la Virginie en plein été, ce qui se noue est irrémédiable et impossible à arrêter.

Oh que j'ai aimé cette lecture, cette façon de raconter de manière douce et dodelinante, mais pas soporifique. Il y a quelque chose de la nostalgie dans ce récit, et on comprend pourquoi quand on découvre finalement qui est le narrateur de ce drame américain de la fin des années 1940. Je me suis laissé porter par chaque page, chaque épisode de l'histoire. Je me suis attaché à tous les personnages, avec un intérêt puissant pour les secondaires, absolument indispensables à la mécanique implacable de l'intrigue. Sans savoir vraiment l'expliquer, cette lecture m'a fait du bien, m'a rappelé le pouvoir imbattable d'évasion qu'offre la littérature et l'imagination. J'ai refermé ce roman infiniment triste, mais surtout profondément reconnaissante. « À chaque tournant de la route, la campagne enchantait son coeur. Elle le brisait et le réparait dans un même élan. Elle était à la fois sauvage et douce. Elle réconfortait son âme. » (p. 139) du même Robert Goolrick, je vous recommande le premier roman, Une femme simple et honnête, que j'avais tout autant apprécié. J'ai laissé passer trop de temps entre ces deux textes, je vais m'empresser de trouver le reste des livres de cet auteur !
Commenter  J’apprécie          273
Arrive un Vagabond et, très vite, se forme un triangle amoureux peu conventionnel. Une femme enfant, un homme bon et sympathique qui, à peine son sac posé, tombe sous le charme, et un innocent petit gamin qui, s'attachant à ce nouvel ami, va être témoin de choses qu'il n'aurait pas du voir.
Il y a aussi le mari, mais il ne joue qu'un rôle secondaire :
« le cinéma lui coûta sa femme, car une fois éteintes les lumières dans le State Theater, dès que la première image se mit à clignoter sur l'écran, dès qu'elle vit ces images énormes et magnifiques et qu'elle entendit ces voix parler comme dans aucun autre pays que celui du cinéma, Sylvan cessa instantanément et définitivement de lui appartenir. A partir de cette première séance, elle appartint corps et âme au cinéma. »
La femme fatale rêvait donc d'une vie en cinémascope, se prenant pour Lauren Bacall aux côtés de Bogart. L'enfant croyait avoir trouvé, avant l'heure des Marvel, son super-héros. Charlie, le héros, croyait vivre le grand amour mais n'était qu'un figurant.
« C'était la fin de l'après-midi, et la deuxième fois qu'il la voyait. Mais cela avait suffi. le film avait démarré. »
Dans la Virginie rurale de la fin des années 40, voici que se met en place un fatal engrenage sur fond de tradition, de résignation, de ségrégation raciale assumée et acceptée, mais aussi de convoitise, de secrets, de prêches et de sermons enflammés. Cela sent très fort la tragédie grecque même si tout commence de façon bucolique, en musique et au cinéma dont les jeunes générations ont du mal à imaginer la féérie qu'il représentait au lendemain de la guerre.
« Toute cette musique country était une découverte pour lui, et il aimait ça. Il se sentait chez lui parmi ces voix de montagne fluettes qui racontaient le paradis et l'enfer, la trahison et le deuil. Parfois les chansons parlaient d'amour et de meurtre… quelque chose qui rappelait à Charlie ce qu'on ressentait quand on était amoureux, et qui lui donnait l'envie de l'être de nouveau. »
« Ce soir-là, on donnait le Grand Sommeil. Les subtilités de l'intrigue (lui) échappèrent totalement …, mais il y avait Lauren Bacall, une fille pratiquement du même âge qu'elle,… et elle tombait amoureuse de Bogart, un homme qui … ne jouait même pas la comédie ; il était cette façon de parler et de fumer ses cigarettes. A l'évidence, il était assez vieux pour être son père. Elle sut immédiatement qu'elle était Bacall,... Et si une chose était bien certaine, c'est que Boaty (son mari) n'était pas Bogart. »
On apprécie la description de la société rurale et traditionnelle de la Virginie dont est issu l'auteur et qu'il pare, au fil de son récit, de vertus touristiques assez peu inattendues. Les personnages sont attachants, y compris les seconds rôles (les parents de l'enfant, le frère du « vagabond », la couturière), il y a beaucoup de bons sentiments ce qui, d'ordinaire donne des récits ennuyeux. Ici, nous avons l'exception qui confirme la règle. La lecture est très agréable, l'intrigue captivante et le récit très cinématographique, ce qui est bien naturel eu égard à l'un des thèmes du roman, mais pas si facile que ça à réussir.
Ce livre a eu beaucoup de succès. Si vous ne l'avez pas encore lu, allez-y. Remontez le temps et partez pour Brownsburg, vous ne le regretterez pas. Et surtout, ne pensez pas qu'il s'agit d'une histoire à l'eau de rose. Charlie avait pourtant été prévenu :
« Monsieur Beale, je ne vois pas vraiment quelle différence cela peut faire que je sois mariée. En outre, sachez … que je fais toujours très attention à mon coeur. Faites-en autant. »
Commenter  J’apprécie          243
Robert Goolrick signe avec « Arrive un vagabond » un roman d'une force singulière sur l'amour et ses démons. Dans cette Amérique ségrégationniste de l'immédiat après guerre, où le poids du regard de la communauté est encore au coeur des relations humaines, l'histoire contée ne peut laisser indifférente. Jamais mièvre, l'auteur insiste sur ce qui peut nous construire ou nous détruire, dans un même élan, avec la pulsion amoureuse qui est toujours ou presque adversaire de la raison. Tragédie grecque où l'amour est placé au dessus de tout, réflexion sous-jacente sur le destin et ses jeux d'ombre et de lumière, quête rédemptrice sans Sauveur, il y a quelque chose de l'ordre de l'universel dans cet ouvrage. Une bien belle réussite.
Lien : https://thedude524.com/2014/..
Commenter  J’apprécie          240




Lecteurs (1009) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Amants de la Littérature

Grâce à Shakespeare, ils sont certainement les plus célèbres, les plus appréciés et les plus ancrés dans les mémoires depuis des siècles...

Hercule Poirot & Miss Marple
Pyrame & Thisbé
Roméo & Juliette
Sherlock Holmes & John Watson

10 questions
5270 lecteurs ont répondu
Thèmes : amants , amour , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}