Qui a peur de Baby Love ?

Un professeur à Strasbourg, quelques bourgeois à Marseille, hommes d'affaires, avocat ou responsable municipal, en tout cinq "suicides" qui ont en commun quelques années d'étude à l'Institut Catholique Saint Nicolas, la parution de leur avis de décès dans le journal la veille de leur mort et le même pseudo dans la liste des parents annonceurs, Baby Love.
Elodie, la soeur du professeur, ne croit pas au suicide de son frère d'autant plus que chacune des victimes arbore un petit carré de tissu gris épinglé sur la veste et un bandeau de kamikaze sur le front, d'une couleur différente chaque fois. La belle sollicite donc Clovis pour faire la lumière sur cette macabre affaire. Alors que les policiers en charge de l'enquête sont plutôt invités à clôre le dossier au plus vite, Clovis et ses amis continuent à fouiller dans le passé de ces bourgeois afin de débusquer le tueur.
Encore un petit polar sympathique! Maurice Gouiran a dû bien s'amuser en l'écrivant ne serait-ce qu'avec cette litanie de prénoms plutôt pittoresques ayant tous la même initiale : Paterne, Pamphile, Passionis, Polycarpe, Philogène, Pancrace, Philémon, Priam, Pélagie... J'ai même pensé un moment que les meurtres étaient liés aux prénoms!!! Fausse piste! Mais les indices que le Columbo provençal sème dans ces pages nous permet de suspecter le coupable bien avant Clovis lui-même!

Maintenant que j'ai lu tous les "vieux" Gouiran, il ne me reste plus qu'à lire ceux qui sortent!
Il reste le seul auteur avec qui je m'amuse à ça. Il faut dire qu'il me permet de découvrir Marseille, puisque Gouiran aime ancrer ses histoires dans un environnement réel et qu'il connaît bien (et aime largement) et que, néo-habitant du 13 (Rhodanobuccaldien?) je souhaite apprendre.
Cet opus est bon, dans sa moyenne (que je situe à 4 étoiles qd même pour cet auteur alors que je peux descendre bas...).
L'intrigue, même si elle est substantielle et rigoureusement construite comme toujours, n'est pas l'essentiel chez cet auteur. On en comprend souvent vite le fond, mais on finit néanmoins le livre avec bonheur.
L'intérêt chez cet auteur est soit dans le fond de l'histoire, soit chez les personnages : selon l'importance du fond, il compense avec les personnages.
Ici les personnages sont plus importants (même si on y apprend, comme toujours, quelque chose). Gouiran est en effet profondément humain, et s'attache à faire des profils de personnages toujours plus complexes qu'on croit. Rares sont les complets salauds, ou les gens sans défauts. Et la mort n'est pas toujours morale. le voir jouer avec ses personnages est un bonheur simple dont je ne priverai pas au prochain opus.

Comme tous les Gouiran, celui-ci est peuplé d'hypocrites et de bien pensant donneurs de leçons, dont les actes sont loins de leurs discours. Politiciens et arrivistes vont prendre une leçon, et pour certains sous forme de balles de bon calibre. Mais dans ce roman plus polar noir que les autres, des éléments du charme marseillais truculent habituel sont en retrait, ce qui fait rend ce livre moins plaisant que les autres Gouiran.