Avoir la possibilité de lire un récit de
Julien Gracq, découvert plus de quatre-vingts ans après sa rédaction, me semble une très grande chance. Cela m'a donné l'envie de lire d'autres oeuvres de ce grand écrivain que j'ai à tort laissées de côté.
Ce petit recueil offre une écriture exceptionnelle, à des milliers de lieues de tout ce qui est publié aujourd'hui par les écrivains français, même si quelques pépites émergent, écrites par les valeurs sûres comme
JMG le Clézio,
Sylvain Tesson, ou par de rares jeunes auteurs qu'il faut dénicher après de multiples lectures infructueuses.
Chez
Julien Gracq, on trouve d'abord un style éblouissant, l'écrivain mettant en ordre de marche des mots simples dont l'harmonie dégage immédiatement la sensation de se trouver immergé dans les lacis broussailleux de la campagne angevine, au point que la découverte de
la maison, partagée avec la patience observatrice de l'auteur, génère tout un environnement de mystère à l'intérieur duquel le lecteur désire se fondre pour explorer au plus profond toute la poésie de l'écrivain.
Et dans
la maison, il y aura, inévitablement, une femme, un pied nu, une chevelure blonde, l'ensemble entrevu au travers d'un vitrage presque opaque,
Julien Gracq mettant en scène toute la sensualité que peut exprimer pareil spectacle inattendu, espéré probablement.
Chaque mot de Gracq paraît pesé, choisi, remplacé, à nouveau mis en place, ainsi qu'en témoignent les si nombreuses ratures du premier manuscrit, malheureusement peu lisible.
J'ai retrouvé en lisant
La maison "cette voie forestière perdue" évoquée dans
La presqu'île et savouré toutes les descriptions des bois, des arbres, des milans, entendu le chant de la femme, au point de presque toucher ses pieds nus et percevoir le frôlement de sa chevelure blonde.