A quelques semaines d'intervalle, j'ai lu deux romans traitant quasiment du même sujet: la vie d'un célèbre mathématicien. Quel contraste! Autant
François Henri Désérable m'avait enthousiasmé par son "Evariste" (Evariste Galois), autant
Yannick Grannec m'a ici plutôt ennuyé.
Kurt Gödel fut un mathématicien logicien autrichien (puis américain) (1906-1978). Sa discipline, très hermétique et proche de la philosophie, est incompréhensible pour le commun des mortels, même pour ceux qui ont une base scientifique solide. Sa vie nous est racontée, les chapitres pairs, par son épouse Adèle. On a du mal à imaginer cet homme obsédé par ses recherches, imperméable à toute chaleur humaine, tomber amoureux de cette danseuse de cabaret. On a plus de mal encore à comprendre qu'Adèle ait passé sa vie aux côtés de ce personnage hyper-égoïste qui ne montrait aucun sentiment pour elle. Elle le soigna au fil des ans, lui qui devenait de plus en plus maniaque, parano, hypocondriaque, dément même en fin de vie.
Gödel fréquentait de nombreuses sommités du monde scientifique, qui admirait ses recherches. Il fut ainsi un grand ami d'Einstein, et se réunissait souvent avec lui, Oppenheimer, Pauli et d'autres. Les relations de ces rencontres constituent les parties les plus intéressantes du roman, mais avec un bémol:
Yannick Grannec se limite aux discussions scientifiques et philosophiques, aussi théoriques et absconses que les travaux de Gödel. Seule la personnalité d'Einstein nous est dévoilée: bon vivant, aimant le bien-manger, les femmes, pacifiste aussi qui s'inquiétait des conséquences de leurs découvertes, en particulier de la bombe atomique.
Les chapitres impairs nous ramènent en 1980, après la mort de "Kurtele" . Adèle est en fin de vie dans un hôpital à Princeton. le monde scientifique craignait qu'elle ne brûle, avant de mourir, toutes les notes écrites par son mari. Anna, une documentaliste, est chargée par son institut d'essayer d'amadouer la vieille dame. Elle réussira à établir un véritable lien de tendresse avec Adèle, ce qui sauvera les archives. Cette histoire semble un peu artificielle, mais était sans doute nécessaire pour donner un peu d'air au lecteur entre les chapitres racontant la vie du couple.