Matrix m'attirait au départ pour son intrigue. J'étais curieux de découvrir son univers en huis clos, et la façon dont Marie allait réussir à transformer l'abbaye en lieu prospère. Au final, j'ai surtout été séduit par le style de
Lauren Groff (sans doute grâce au travail de traduction de
Carine Chichereau).
L'autrice intègre, effectivement, des expressions et tournures archaïques, mais aussi de nombreuses références aux oeuvres de Marie de France.
J'ai également beaucoup été séduit par la vivacité des images et descriptions, la sensualité qui se dégage du roman et du personnage de Marie, que
Lauren Groff décrit de façon presque animale dans la première partie du roman. Les nombreuses répétitions rappellent la poésie, mais aussi le rythme de l'abbaye, marqué par les heures liturgiques et le passage des saisons.
Lauren Groff décrit un univers où les aléas de la nature, la faim, la mort et la maladie sont bien plus présent qu'à notre époque, et elle utilise pour cela une écriture parfois très crue.
La complexité du personnage de Marie de France est également un point fort du roman. L'abbaye autant que ses écrits semblent un moyen pour
Marie D exprimer sa vision et d'impressionner Aliénor d'Aquitaine, autant que de former une sorte d'utopie féminine et de protéger ses soeurs. Figure émancipée et protectrice, elle a toutefois du mal à supporter que d'autres visions s'expriment dans la communauté, et n'hésite pas à utiliser son habileté pour empêcher l'émergence de rivales. On suit également l'évolution de sa pensée tout au long du roman, et sa conversion mystique.
Mes seules critiques à l'égard de
Matrix seraient la frustration que j'ai parfois ressentie dans le traitement de certaines intrigues : le style du roman est assez elliptique, et on aimerait que l'autrice ralentisse un peu le rythme à certains passages, comme lorsqu'elle décrit les stratagèmes de Marie pour faire fructifier et protéger l'abbaye. Il en est de même pour certains personnages secondaires, que je trouve « écrasés » par la présence de Marie, et qu'on aimerait voir plus développés.
Ça reste un très bon roman, à conseiller en particulier si vous avez lu
les écrits de Marie de France.