Je dois confesser une passion pour la littérature médiévale née à l'université entre spécialité et cours d'anglo-normand. Ce qui fait que dans mon panthéon personnel (j'al
lais écrire petit, mais un panthéon ne peut être petit) il y a
Marie de France dont les
Lais tiennent une place importante dans ma construction littéraire. D'où la Pléiade en photo.
Alors imaginez ma stupeur et ma joie à la vue de
Matrix, cette biographie romancée d'une femme que je pensais être l'une des rares à célébrer encore.
Lauren Groff, sous cette magnifique couverture bleue, offre un texte prenant qui suit cette abbesse à nulle autre pareil. Une jeune fille arrachée à la lumière d'Aliénor qui se retrouve dans l'humidité et l'austérité d'une abbaye ang
laise où rien ne lui appartient. Une communauté de femmes pouilleuses ne vivant que dans l'espoir du salut divin. Mais Marie dont le sang royal bat sûrement plus fort a une autre ambition. Et pas à pas, elle fera de ce lieu son chef d'oeuvre labyrinthique. Pierre après pierre, elle monte son royaume espérant le regard de sa reine. Celle dont l'image n'a jamais quitté sa rétine.
Créatrice, elle le sera aussi par les mots, noircissant des feuillets entiers. Femme de lettres avant que l'on puisse imaginer que cela existe.
Marie de France s'élève. Au point de faire de l'ombre à la si grande et si belle Aliénor.
Ma crainte en commençant ce roman, c'était de lire une histoire un peu forcée de féminisme à la sauce médiévale. A grand renfort de sororité. Alors, on n'échappe pas tout à fait à cet écueil mais j'ai pris un réel p
laisir à intégrer sur 300 pages cette communauté monastique où se mêle des femmes si différentes, souvent arrivées là par hasard, enfin surtout sans avoir entendu l'appel divin. On se fait nonne pour bien des raisons qui ne concernent pas Dieu.
Et plus j'avançais dans ma lecture, plus j'appréciais ce côté mystique qui s'ajoutait au rythme immuable de la vie de la communauté religieuse.
Je dois vous avouer que les mots latins non traduits, les vêpres et les laudes, tout ça réjouit mon coeur de latiniste et de bibliothécaire patrimoniale. Donnez-moi un livre d'heures en latin et enluminé, ça suffira à mon bonheur !
Après des jours de disette littéraire, ce roman, pas parfait mais audacieux, a su me captiver. Et je ressors de ma lecture heureuse d'avoir retrouvé
Marie de France et curieuse du reste de l'oeuvre de
Lauren Groff.