D'autre part, autant que les scolastiques qu'ils détrônent, les humanistes sont souvent esclaves de la lettre, du précédent. Ils parlent des Anciens comme jadis on parlait des Pères de l'Eglise. La paroles des Anciens est littéralement devenue parole d'Evangile. Comme dit Albert Maison, il est évidemment plus commode de recevoir des matériaux tout préparés que d'aller extraire le bloc de la carrière. Ainsi conçu l'humanisme peut être une régression. Il arrive qu'il dispense de penser. Il arrive qu'il paralyse la recherche et assoupisse l'évolution.
J'ouvrirai ici une parenthèse pour rappeler combien la civilisation est un arbre délicat qui exige des ménagements infinis. Une tempête (guerre ou révolution) peut déraciner et abattre l'arbre. Et pour le replanter, pour le faire repousser, pour en retrouver l'équivalent, il faut ensuite des siècles. La grande civilisation en Occident avait sombré dans les années 400 de notre ère. Or, ce n'est qu'à partir de l'an 1000, avec l'essor des cathédrales romanes, que la civilisation, au sens plein du mot, commence à refleurir. Il a fallu six cents ans de siècles obscurs pour que la lumière reparût à l'horizon!
Ajouterai-je qu'effectivement ce rappel de la mentalité primitive, ce rappel de l'homme à la modestie, au pêché de ses origines, ne doit jamais être oublié? Les crises collectives, les mystiques raciales ou sociales, qui viennent de ravager et ravagent encore le monde sur de si vastes secteurs, nous montre à quel point l'animalité humaine peut encore comme la lave d'un volcan mal éteint, faire irruption à travers le décor de surface de l'intellectualité humaine. Contrairement à ce que nous avons cru, l'histoire, hélas, n'est pas close.