AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,08

sur 273 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je viens de terminer ce magnifique roman de Jean Michel Guenassia, une histoire qui se déroule sur 4 décennies, c'est l'histoire de de Thomas et Marie , jumeau, et de celle de Daniel et Arlene, Arlene est une jeune fille née dans une famille d'ouvrier et les autres avec une petite cuillère en argent, Une amitié, une sorte de fratrie, à la vie à la mort rien ne pourra briser leur amitié, Une histoire sur fond de guerre, Un roman où les femmes sont à l'honneur, des pères des maris absents, durant la guerre, les 4 amis grandissent, mes les aléas de la vie, font changer leurs idéaux. Ils grandissent trop vite, et leur amitié s'étiole , durant les années lycée, Arlene décide de braver les tabous et devenir la première femme ingénieur ,elle rejoint CNRS, puis le Commissariat à l'Énergie Atomique alors que sa mère voulait la faire entrer dans le monde du travail, Une amitié qui s'étiole, chacun prend un chemin différent, Daniel, issu d'un milieu militaire, suit sa destiné et rentre à Saint Cyr. Thomas est un rang rêveur et s'imagine de devenir poète, au gros dam de ses parents Marie déclare et revendique sa condition féministe, Une histoire intense sur l'amour, l'amitié, le courage , les premiers mois qui font disloquer leurs rêves d'enfants. C'est avec une grande finesse qui l'auteur signe cette merveilleuse saga, les descriptions, sont existentielles , pimentant le parcours et l'évolution des personnages dans l'histoire, La plume de l'auteur est subtile, sensible et un brin poétique, nous avons une sensation de faire partie du récit, la lecture est captivante, envoûtante, surprenante,
Une ode la vie, a l'amour à l'éternité
Un roman magistrale que je vous recommande ,Un gros coup de coeur,


Commenter  J’apprécie          16215
En juillet 1924, dans l'euphorie d'un monde à reconstruire, dans une guinguette en bord de Marne, une jeune serveuse Irène va rapidement s'éprendre d'un superbe danseur, Georges, ressemblant à s'y méprendre à Rudolph Valentino. Ce beau jeune homme est menuisier aux studios de cinéma Pathé.
Il trouve pour sa belle un travail de couturière aux studios et ils se marient bientôt à la mairie de Joinville. Avec la crise, la production à Joinville diminue et, heureusement, Irène fait de la couture à domicile, notamment chez Madeleine Jansen dans son immense maison de Saint-Maur. Elle fait connaissance également avec l'amie de Madeleine, Jeanne, héritière de la moitié de la banque Schmidt Frères et mariée avec un Virel d'Epernay dont la maison de champagne est renommée.
Irène, Madeleine et Jeanne se retrouvent enceintes. La première accouche d'une fille, Arlène. le même jour, le 17 juillet 1928, avec dix minutes de retard, Madeleine donne naissance à un garçon, Daniel. Un mois plus tard, Jeanne mettra au monde des jumeaux Thomas et Marie.
Dans À Dieu vat, Jean-Michel Guenassia nous fait partager les vies aux destins emmêlés de ce quatuor, sur quatre décennies. Ce carré magique d'amis grandit entre la région parisienne et Dinard, où tous passent leurs vacances d'été dans la propriété des Virel qui domine la baie depuis la pointe de la Malouine.
À Dieu vat, est un véritable roman choral et sociétal, chassé-croisé d'amours éperdues, de destinées funestes et de rendez-vous manqués sur fond de bouleversements sociaux et politiques, une saga qui traverse les années, où vies intimes et grande Histoire s'entremêlent.
À travers le personnage d'Arlène, l'héroïne du roman, cette enfant surdouée, aînée d'une famille modeste, qui devra lutter encore et encore pour s'émanciper et tenter de devenir l'une des premières femmes ingénieurs atomiques en France, l'auteur raconte à la fois les combats des femmes et la fabrication de la première bombe atomique française.
Arlène, féministe dans l'âme, est dotée d'une force de caractère hors du commun !
On ne peut qu'être admiratif devant les efforts qu'elle fournit, dans un premier temps pour échapper à sa condition sociale et poursuivre ses études, puis pour s'imposer en tant que femme à une époque, pas si lointaine, où certains métiers, notamment scientifiques étaient réservés uniquement aux hommes. Il faut dire qu'Arlène, toute jeune ado, a trouvé près des gravats d'un immeuble éventré par une bombe, un livre gisant dans le caniveau : Calcul des probabilités, d'Henri Poincaré. Après l'avoir lu et avoir décodé ce qu'elle peut, elle se dit que c'est dans cette voie qu'elle doit aller. Elle n'en dérogera pas !
La vie des trois autres amis est également loin d'être linéaire. Daniel veut être soldat comme son père, Marie a une âme d'artiste et Thomas ne rêve que de poésie. Eux aussi devront se frotter aux conditions de l'époque et aux exigences de la société et des parents. Pour l'un d'entre eux ce sera fatal et la vie des autres en sera perturbée à jamais.
C'est ainsi qu'à plusieurs reprises, dans des situations critiques, la seule solution semblant possible est de s'en remettre à la Providence après que le nécessaire a été fait et qu'advienne que pourra : À Dieu vat…
Dans la même veine que le club des incorrigibles optimistes, Prix Goncourt des Lycéens en 2009, ou Les terres promises, avec À Dieu vat, Jean-Michel Guenassia, en nous contant les péripéties de ces quatre jeunes gens aux destins emmêlés, nous fait traverser les années.
Dans ce dernier roman, nous découvrons une jeunesse fracassée par trois guerres successives, des filles et des gens modestes voulant échapper à leur condition, mais aussi et c'est à mon avis ce qui fait la grande valeur et la puissance de ce roman, nous suivons un pan de notre histoire plutôt méconnu, peut-être volontairement. Il s'agit tout d'abord, du premier essai de bombe atomique française le 13 février 1960, dans le sud du Sahara algérien sur la base de Reggane. le statut de colonisateur de la France expliquant la possibilité de telles expériences dans le sud du pays. La bombe avait une puissance trois fois supérieure à celle d'Hiroshima. Je n'ai pu m'empêcher de penser à ce film impressionnant de Christopher Nolan, Oppenheimer...
Suivront d'autres essais nucléaires sur le même site ou celui d'In Ekker pour une expérimentation d'essais souterrains. Celui du 1er mai 1962 ne se passera pas comme prévu… le problème des contaminations radioactives est soulevé et aiguisera l'imagination de l'auteur, lui permettant de terminer sa saga en un véritable thriller aussi angoissant que palpitant.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          940
À Dieu vat, à la grâce de Dieu, ce que les marins se disaient après un virement de bord face au vent. Une manoeuvre particulièrement périlleuse qui faisait qu'ils s'en remettaient à Dieu, comme auraient pu le faire souvent Arlène, Thomas, Daniel et Marie. Non au temps de leur enfance alors qu'ils sont amis et que rien ne semble pouvoir les séparer, mais plus tard à l'adolescence puis à l'âge adulte, à l'heure des choix, lorsque la réalité a fait changer les priorités de certains et a anéanti l'un d'eux. Cette réalité qui est qu'ils se sont lancés dans des amours hasardeuses, que le métier qu'ils se sont choisi et pour lequel ils ont sacrifié beaucoup n'est qu'un miroir aux alouettes, ou que les lignes de leurs idéaux politiques, spirituels intellectuels, familiaux ont bougé… La vie en somme avec ses petits plaisirs et ses grandes peines, ses déceptions, ses peurs, ses mauvaises pioches, ses regrets et ses renoncements, mais aussi ses passions stimulantes et euphorisantes qui les ont façonnés différents de ceux qu'ils étaient dans leur jeunesse.
Aucun doute qu'à la lecture de ce formidable livre de Jean-Michel Guenassia chacun retrouve un peu de lui-même et ressente intimement qu'« on accomplit toujours ce que l'on est ».
Commenter  J’apprécie          600
Comment ne pas succomber aux avances de ce danseur qui cultive sa ressemblance avec Rudolf Valentino ? Il ne faudra pas beaucoup d'insistance pour que le couple se forme et que la jeunesse se fasse oublier devant les responsabilités de parents.

En fait, c'est surtout la jeune mère qui endossera ce rôle et tachera de faire bouillir la marmite en mettant à profit ses talents de cousette. C'est ainsi qu'elle proposera ses services à Madeleine, dont l'aisance financière lui permet de s'offrir les services d'une couturière personnelle et avec qui elle deviendra amie. Arlène, sa première fille est née à quelques heures près en même temps que Thomas et Marie, les jumeaux de Madeleine. tout comme le petit Daniel, issu d'une famille de militaires. Les quatre enfants grandiront ensemble et aux histoires d'amitié succèderont d'autres troublantes émotions. Des jours heureux mais aussi des drames émailleront ce parcours qui débute peu avant la seconde guerre mondiale, avec au coeur de l'histoire le destin exceptionnel d'Ariène qui malgré ses origines modestes et le fait qu'elle soit une femme parvient à se faire une place dans le monde scientifique.

Une fresque comme sait si bien nous les compter Jean-Michel Guenassia, qui nous plonge avec bonheur dans notre histoire nationale tout en illustrant le propos par le destin de personnages que l'on adore suivre le long de leur parcours.

En saura-t-on plus sur leur avenir, eux que l'on quitte alors qu'ils arrivent à leur troisième décennie ?

Lien : https://kittylamouette.blogs..
Commenter  J’apprécie          494
En 1924, Irène rencontre Georges, un beau jeune homme, aux airs de Rudolph Valentino. Les dimanches, il vient danser dans la guinguette où elle est serveuse. Lui est menuisier aux studios de cinéma. Une danse, quelques rencontres, des baisers de cinéma, puis la demande en mariage : tout va très vite entre eux. Irène quitte son emploi et devient couturière ; d'abord pour le cinéma, puis chez des particuliers. C'est ainsi qu'elle rencontre Madeleine. Sa nouvelle patronne et elle sont nées le même jour. Leurs ressemblances se poursuivent dans la maternité : elles accouchent, toutes les deux, le 17 juillet 1928, à dix minutes d'intervalle. Leurs enfants, Daniel et Arlène sont indubitablement liés. Un mois plus tard, naissent Thomas et Marie, les jumeaux de Jeanne, une amie de Madeleine.

Les petits grandissent ensemble et forment le quatuor de Saint-Maur. Puis, la vie les sépare. Ils se retrouvent lors de leur entrée au lycée. Leur scolarité est marquée par les bombes et l'absence de leurs pères : c'est la Seconde Guerre mondiale. Alors que ses amis sont issus d'un milieu aisé, Arlène doit se battre pour poursuivre ses études. Élève brillante, elle veut être une des premières femmes ingénieures. Daniel se destine à Saint-Cyr. Les jumeaux sont des artistes : l'une est passionnée par l'art relatif aux vitraux, son frère est un poète maudit. Leurs conditions et leurs choix, parfois terribles, les séparent à nouveau.

A Dieu vat est une magnifique fresque romanesque et sociétale qui se déroule des années 1920 aux années 1960. Nous suivons trois générations, mais le destin d'Arlène est le fil conducteur. Cette jeune femme ambitieuse et tenace se bat pour réaliser son rêve : faire partie des 1 % de femmes ingénieures, à une époque pendant laquelle les écoles étaient réservées aux hommes ; la seule carrière scientifique proposée aux filles était le professorat. Déterminée, Arlène parvient à intégrer le CEA (commissariat d'énergie atomique).

Auprès d'elle, nous assistons à la course à l'armement nucléaire. Au début de son récit, j'ai pensé que, quelques années plus tôt, mon opinion sur l'arme de dissuasion aurait certainement été autre. Ce livre rappelle l'importance du contexte et de l'évolution de la société. Puis, Jean-Michel Guenassia relate les risques insensés que l'Armée française a imposés aux militaires et à la population saharienne. Ce roman très documenté décrypte un scandale d'Etat, dans le climat sanglant de la Guerre d'Algérie.

Ce roman s'inscrit dans son siècle. C'est un panorama exhaustif de la France, bouleversée par trois guerres (Seconde Guerre mondiale, Algérie et Indochine), par des crises politiques, des avancées scientifiques et des transformations de la société. Au début, le quatuor évoque une bande de copains. Puis, les sentiments amoureux, les haines et les discordances rapprochent et éloignent les amis. J'ai été captivée par leur vie, leurs sentiments, leurs joies, leurs peines, leurs émotions, leurs choix, etc. Leurs destinées sont insérées dans des faits historiques, cela m'a donné la sensation que les personnages existaient réellement. J'ai partagé leurs inquiétudes, leurs dilemmes, leurs interrogations ; j'ai été projetée dans leur époque. J'ai eu l'impression de voyager dans deux pans parallèles : celui dans lequel me plongeait l'auteur et celui d'une femme contemporaine des années 2020. J'ai adoré cette double lecture que l'auteur a éveillée.

J'ai eu un coup de coeur pour cette superbe saga.

Lien : https://valmyvoyoulit.com/20..
Commenter  J’apprécie          465
En 1924, dans l'euphorie qui suit la première guerre mondiale et où tout est à reconstruire, Irène, serveuse, fait la connaissance de Georges, menuisier aux studios de cinéma. Georges est beau, cultive sa ressemblance avec Rudolf Valentino et s'offre un succès immense auprès des femmes.

C'est Irène qui va le conquérir, l'épouser et ils auront une fille Arlène, mais Georges est tout sauf un homme fidèle, passe son temps à batifoler, mais revient toujours. A chaque retour au bercail, une nouvelle grossesse se profile, mais toujours une fille au grand désespoir de Georges qui rêvait d'un rejeton mâle qu'il aurait appelé… Rudolf bien sûr.

Arlène va faire la connaissance de trois autres enfants : Daniel, et les jumeaux Thomas et Marie, ils formeront ce que l'auteur appelle le carré magique. A la différence d'Arlène, les trois autres sont nés dans des familles bourgeoises, très riches avec l'esprit de classe bien chevillé au corps.

Arlène grandit le nez dans les livres et les études, elle veut s'en sortir, au grand dam de sa mère qui préfèrerait qu'elle aille travailler pour nourrir la famille, car Georges a disparu, pendant la seconde guerre mondiale, mais Irène refuse de l'admettre…

On va suivre le carré magique qui rivalise pour avoir les meilleurs notes, Arlène pouvant continuer grâce à l'aide de sa grand-mère (et il ira même jusqu'à demander une bourse en tant qu'orpheline de guerre dans le dos de sa mère) mais un drame va séparer leurs existences ainsi que les dogmes de l'époque : pas de mésalliance, quitte à faire des choix de vie de couples catastrophiques… Hors de question d'être un artiste, on doit viser des hautes fonctions comme papa…

Jean-Michel Guenassia nous propose une traversée du XXe siècle, à partir de 1924, les guerres qui vont suivre, Indochine, Algérie, sur fond de politique du général De Gaulle qui souhaite « se débarrasser des colonies » et ceux qui tiennent à l'Algérie française, OAS, attentats règlements de compte, pendant qu'Arlène finit par entrer au CEA et participe aux travaux permettant d'accéder à la bombe, au grand dam de son époux pacifiste.

L'auteur décrit très bien le milieu machiste de l'époque, les préjugés, les carrières scientifiques étant réservées aux hommes, c'est bien connu, elles ne sont pas capables de donner des ordres à des hommes qui de toute façon de ne leur obéiront pas, autant se lancer dans l'enseignement… Arlène devra composer constamment entre carrière et vie familiale, mari, enfant…

Les choses ont changé, certes, mais ce n'est pas si vieux et ce récit fait beaucoup réfléchir sur cette évolution et se rendre compte que tout n'est pas forcément acquis en ce qui concerne les droits des femmes.

J'ai bien aimé ce roman, qui se dévore, comme toujours avec l'auteur et s'achève de manière un peu étrange, laissant supposer qu'on peut s'attendre à une suite. Je mettrais un petit bémol, toutefois, une frustration, car je n'ai pas réussi à aimer Arlène, certes je l'ai admiré pour son opiniâtreté, mais sa personnalité m'a irritée et l'autre personnage féminin, Marie m'a encore plus déconcertée, les personnages masculins, tel Daniel, Saint-cyrien comme papa, sont mieux campés mais sans plus, car ils n'arrivent pas à s'affirmer et à faire le choix de vie auxquels ils aspirent. Sous le poids des normes de l'époque, on plie ou on se suicide si le sacrifice exigé par les parents est trop grand.

J'ai adoré « le cercle des incorrigibles optimistes », ainsi que la suite « Les terres promises » que j'ai dévoré l'hiver dernier et pas encore chroniqué (c'était ma pire période sur le plan santé) alors… J'ai comparé et je n'aurais probablement pas dû… car c'est un bon livre quand même et je lirai sûrement la suite.

J'aime la plume de Jean-Michel Guenassia, que j'ai découverte avec « La valse des arbres et du ciel » consacré à Vincent van Gogh et il me reste encore dans ma PAL, « La vie rêvée d'Ernesto G »
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
Commenter  J’apprécie          381
L'avenir est dans les mains de Dieu… tout droit vent arrière ou virement de bord avec des choix de vie en «advienne que pourra »

C'est d'abord une histoire de femmes dans tous leurs états d'épouses et de mères, une sorte de gynécée intime où s'élèvent les enfants et où les pères passent furtivement.
De ce cocon maternel se constitue le Quatuor de Saint-Maur, une bande de quatre jeunes de l'après-guerre, de l'enfance jusqu'à l'âge adulte.
Aspirations intimes, certitudes ou hésitations, émois amoureux, réussite ou échec académique … leur parcours d'apprentissage est fait de choix, et s'inscrit dans une thématique que Jean-Michel Guenassia a souvent exprimée dans ses romans.

En arrière-plan, la France se relève d'abord difficilement des années de privations, la vie quotidienne est laborieuse, confrontée à la rigueur et aux difficultés sociales.
Peu à peu, les mentalités s'ouvrent à d'autres références sur le statut des femmes, les études supérieures, la perte des valeurs patriarcales. Les Trente Glorieuses portent l'essor économique et social des lendemains de guerre, et la jeune génération s'inscrit dans cette période de progrès, côtoie les dernières guerres de décolonisation, les turbulences de l'Algérie et la genèse de la bombe atomique française.

Un livre chorale, très romanesque et attachant par ses personnages travaillés, aux destins intimement liés, s'en remettant parfois à la providence, s'aimant, se détestant, se perdant, se retrouvant et se trahissant.
Commenter  J’apprécie          301
Dans « À Dieu vat », nous sommes dans l'euphorie de l'après-guerre sur les bords de Marne où les gens se rencontrent, dansent et s'aiment. La Première Guerre est terminée, on pense à vivre, au moment présent où aucun nuage ne doit assombrir le ciel bleu. C'est ici que Georges Chardin et Irène Marchand se rencontrent en 1924, une véritable rencontre de cinéma. Elle est serveuse, il ressemble à Rudolph Valentino. Elle tombe sous son charme, pleine d'espoir en l'avenir. « C'est ça qu'on doit appeler l'amour, pense-t-elle, quand il n'y a pas d'explication et que ça ressemble à un miracle. » Rapidement naît Arlène, leur première fille qui aura un rôle majeur dans le roman. Par divers truchements que je ne développerais pas ici, d'autres enfants viennent au monde. Daniel, le même jour qu'Arlène et les jumeaux Thomas et Marie un mois plus tard. « À Dieu vat » est le récit de ce quatuor.

Il y a dans « À Dieu vat » tout ce que j'aime en littérature. C'est une fresque romanesque où l'on suit avec passion les destins de plusieurs personnages à travers les années, les embûches de la vie, l'évolution des caractères et des ambitions, les contrariétés et les petits bonheurs. Les histoires de chacun sont englobées dans la grande Histoire, ici une génération qui connaît trois guerres successives, des bouleversements économiques et sociaux, des luttes, la recherche d'un idéal dans des mouvements politiques émergents ou des ambitions qui dépassent le milieu de sa naissance. Jean-Michel Guenassia m'avait déjà procuré un immense plaisir de lecture avec « le club des incorrigibles optimistes » et « Les terres promises », une plume romanesque à souhait où le lecteur plonge au coeur de l'histoire et la fait sienne.

Au fond, les personnages de « À Dieu vat » font partie de nous tellement on a l'impression de les connaître au fil des pages. On les aime, on les admire, on les défend. On rit quand ils rient, on pleure quand ils sont tristes et que la vie ne les épargne pas. Ils sont inséparables « À Dieu vat » même face aux désaccords, aux drames ou aux divergences d'opinions. Même dans le silence, ils sont reliés par la vie. « Finalement, les pièces éparses se sont rassemblées, ils ont quasiment le même puzzle dans la tête. Les quatre sont noués les uns aux autres comme les membres d'une famille soudée. » En grandissant, les caractères s'affirment. Marie est une révoltée dans l'âme. Impossible de se satisfaire de l'éducation reçue ou des choix qu'on tente de faire pour elle. Elle rend les coups, a la rancune tenace, pardonne difficilement. Indépendante, elle est profondément libre. Thomas est comme déconnecté du réel, la tête dans les nuages et l'esprit débranché des vicissitudes du réel. Il aime écrire de la poésie, laisser son esprit vagabonder au grand désespoir de son père qui attendait tellement plus, tellement mieux, au fond, qui attendait un autre. L'existence de Daniel semble toute tracée, Saint-Cyr puis l'armée pour servir son pays. Il sait ce qu'il veut, mais la vie, parfois, lui met des bâtons dans les roues. Enfin, Arlène est la seule à ne pas être née dans un milieu « favorisé ». Et pourtant, même si elle est née femme, de condition humble, ses aspirations sont énormes pour l'époque : elle deviendra la première femme ingénieure. Ambitieuse, indépendante, libre, refusant la destinée des femmes de son époque, elle devra braver les conventions de son époque. « On ne choisit rien, on ne fait que mettre ses pas dans le chemin tracé, on accomplit toujours ce que l'on est. » le quatuor ne cessera de nous montrer que cette citation vaut pour chacun d'entre eux. Ils n'en seront que plus attachants, luttant contre les injonctions de la société, ou les injonctions familiales.

Fresque romanesque je vous le disais, « À Dieu vat » nous emporte des années 20 aux années 60. La Première Guerre mondiale est terminée, une seconde va suivre, puis l'Indochine et l'Algérie qui emporteront nos personnages dans de nouvelles turbulences. Durant ces années, les destins se profilent, les chemins pris deviendront plus ardus. Un drame va frapper le quatuor et redistribuer les cartes de l'avenir. de jeunes adultes, ils vont devenir adultes en assumant les décisions qui y sont inhérentes… La vie se charge de leur apprendre déceptions, amertume, rancune et colère. le lecteur, lui, continue de les aimer, inconditionnellement, et reste accroché aux pages pour appréhender leurs destins.

Si l'on parle de poésie dans « À Dieu vat », on parle aussi de la naissance de l'énergie nucléaire, à travers le personnage d'Arlène qui va travailler pour le commissariat d'énergie atomique. C'est sans doute ce qui en fait un personnage aussi intéressant. D'une part, elle va travailler dans un domaine où aucune femme n'a jamais pénétré. D'autre part, elle incarne une nouvelle génération de femmes qui ne veulent plus de la protection du mariage, donc d'un homme pour exister. Elle refuse ce fil à la patte qui pourrait lui faire renoncer à ses ambitions. Pourtant, elle tombera amoureuse, mais pour différentes raisons, l'amour la confortera dans ses choix. Il y a un grand débat autour de l'énergie nucléaire dans « À Dieu vat » que j'ai trouvé passionnant, car j'en savais finalement peu de choses. « (….) Si un jour cette opportunité se présentait, j'accepterais sans hésiter, il faut comprendre que travailler dans la recherche atomique ne veut pas dire être belliqueux, c'est le contraire, on veut construire une bombe pour garantir la paix. Pour ne pas avoir à s'en servir. C'est une idée qui s'appelle la dissuasion. Aucun ennemi de nous attaquera parce qu'il saura que nous pourrons le détruire immédiatement. Avoir la bombe, c'est la meilleure des protections. » Autour de cette idée, se développeront plusieurs échanges passionnants entre deux protagonistes : les idées fluctuent, les avis changent, et les discussions peuvent être musclées en cas de désaccord.

L'écrivain aborde également une thématique qui m'a rappelé, à titre personnel, bien des souvenirs. J'avais un père qui ne s'excusait jamais. Pour lui, s'excuser était un aveu de faiblesse. À travers le personnage de Marie, Jean Michel Guenassia interroge la notion de pardon, et de colère qui va de pair. « le pardon est un piège, quand tu pardonnes, c'est que tu as tort (… X) m'a légué sa haine, je dois en faire bon usage. » Marie est un personnage que j'ai trouvé tout à fait fascinant. Elle refuse toute convention, ne fait rien que son milieu demande. Elle crie, elle jure, elle dit tout haut ce qu'elle pense, et cela sur tous les sujets, elle est têtue, intransigeante, peu accommodante, sans concession, excessive, elle ne se conforme pas aux désirs des autres, elle définit à elle seule l'adjectif « entière ». Mais, elle est devenue ce qu'elle est à cause de blessures profondes… Elle est un symbole de la fidélité la plus pure. Je l'ai follement aimée.

Vous l'aurez compris, « À Dieu vat » est un énorme coup de coeur que je vous recommande vivement de découvrir. J'aime beaucoup la plume de Jean-Michel Guenassia, sa façon de raconter l'Histoire de manière très vivante, et de narrer les vies de ses personnages de manière très réaliste et poétique (l'un n'empêchant pas l'autre). Il a la particularité d'insérer les dialogues dans la narration, ce qui rend les échanges percutants et expressifs. Ainsi, il crée des images dans l'esprit du lecteur, il parvient à faire naître des sensations, puis des émotions intenses. Les descriptions des atmosphères vous transportent complètement, à la fois dans les années, mais aussi dans l'existence des personnages. Mention spéciale pour la fin que j'ai trouvé particulièrement réussie, notamment dans une transmission que je n'avais pas escomptée. En quelque sorte, il clôt plusieurs thématiques restées ouvertes, et il le fait formidablement bien. « Quand on n'a pas forcément le choix entre une bonne et une mauvaise solutions, il faut sauter dans l'eau glacée, nager et survivre. La vérité, c'est que nous ne prenons jamais de décision contraire à ce que nous sommes, la décision, on la connaît depuis le début, parce que la décision, c'est notre histoire. » À Dieu vat !

Lien : https://aude-bouquine.com/20..
Commenter  J’apprécie          290
Ce n'est pas sérieux d'abandonner ses lecteurs à bout de souffle en rase campagne après 490p!Et de ne pas avoir l'intention (du moins pour l'instant)d'y donner une suite.
Ce roman traverse le siècle dernier ,celui des guerres mondiales,des explosions nucléaires au Sahara pour la France en cachant soigneusement les conséquences de celles ci sur les chercheurs et les populations.Les femmes qui veulent accéder à des postes d'ingénieurs par exemple, ce siècle où tout est à réinventer.
En 1924 commence une histoire d'amour qui donnera naissance à Arlène , sa mère ira travailler chez les Virel dans les beaux quartiers ; ces familles lieront leur destin ,des années 30 aux années 70.
A Dieu vat comme disent les marins qui changent de cap au milieu de la tourmente ,
Arlène, Thomas, Daniel, Marie, nous entraînent dans leurs amours et leurs études contrariés dans ce siècle bouleversé. Chacun essaiera de trouver sa voie avec plus ou moins de bonheur ou de chance.
Magnifique saga comme on les aime !
Commenter  J’apprécie          2710
J'ai littéralement plongé dans l'histoire de ses 4 destins liés par l'enfance et l'adolescence. de leur naissance dans les années 30 à leur installation dans la vie adulte dans les années 60, Arlène, Daniel, Thomas et Marie ne vont cesser d'orienter leur vies. Leurs choix seront parfois dictés par la raison, le déterminisme social ou... A Dieu vat, vaille que vaille, il faudra continuer sur le chemin de la vie. Je recommande !
Commenter  J’apprécie          210





Lecteurs (789) Voir plus



Quiz Voir plus

Le club des incorrigibles optimistes

Comment se nomme le chat du héros ?

Mistigri
Neron
Moustache
Maurice

10 questions
1 lecteurs ont répondu
Thème : Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel GuenassiaCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..