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Roger Maridort (Préfacier, etc.)
EAN : 9782070727490
160 pages
Gallimard (23/06/1992)
4.24/5   21 notes
Résumé :
Ce livre réunit un certain nombre d'études que René Guénon a consacrées au Çufisme. Il y montre que celui-ci n'est nullement une secte, mais le cœur, le noyau de la tradition islamique. Il s'agit là, bien entendu, du Çufisme orthodoxe qui implique une transmission initiale remontant au Prophète et non de pseudo-organisations qui ne peuvent revendiquer une filiation valable.
Le dernier chapitre est consacré au Taoïsme et au Confucianisme de même qu'à la perman... >Voir plus
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Nous avons eu souvent l’occasion de faire remarquer combien la conception des « sciences traditionnelles » est, dans les temps modernes, devenue étrangère aux Occidentaux, et combien il leur est difficile d’en comprendre la véritable nature. Récemment encore, nous avions un exemple de cette incompréhension dans une étude consacrée à Mohyiddin ibn Arabi, et dont l’auteur s’étonnait de trouver chez celui-ci, à côté de la doctrine purement spirituelle, de nombreuses considérations sur l’astrologie, sur la science des lettres et des nombres, sur la géométrie symbolique, et sur beaucoup d’autres choses du même ordre, qu’il semblait regarder comme n’ayant aucun lien avec cette doctrine. Il y avait d’ailleurs là une double méprise, car la partie proprement spirituelle de l’enseignement de Mohyiddin était elle-même présentée comme « mystique », alors qu’elle est essentiellement métaphysique et initiatique ; et, s’il s’agissait de « mystique », cela ne pourrait effectivement avoir aucun rapport avec des sciences quelles qu’elles soient. Au contraire, dès lors qu’il s’agit de doctrine métaphysique, ces sciences traditionnelles dont le même auteur méconnaissait d’ailleurs totalement la valeur, suivant l’ordinaire préjugé moderne, en découlent normalement en tant qu’applications, comme les conséquences découlent du principe, et, à ce titre, bien loin de représenter des éléments en quelque sorte adventices et hétérogènes, elles font partie intégrante d’et-taçawwuf, c'est-à-dire de l’ensemble des connaissances initiatiques.

De ces sciences traditionnelles, la plupart sont aujourd’hui complètement perdues pour les Occidentaux, et ils ne connaissent des autres que des débris plus ou moins informes, souvent dégénérés au point d’avoir pris le caractère de recettes empiriques ou de simples « arts divinatoires », évidemment dépourvus de toute valeur doctrinale. Pour faire comprendre par un exemple combien une telle façon de les envisager est loin de la réalité, nous donnerons ici quelques indications sur ce qu’est, dans l’ésotérisme islamique, la chirologie (ilm el-kaff), qui ne constitue d’ailleurs qu’une des nombreuses branches de ce que nous pouvons appeler, faute d’un meilleur terme, la « physiognomonie », bien que ce mot ne rende pas exactement toute l’étendue du terme arabe qui désigne cet ensemble de connaissances (ilm el-firâsah).

La chirologie ["expression des pensées par des mouvements et des figures faits avec les mains"], si étrange que cela puisse sembler à ceux qui n’ont aucune notion de ces choses, se rattache directement, sous sa forme islamique, à la science des noms divins : la disposition des lignes principales trace dans la main gauche le nombre 81 et dans la main droite le nombre 18, soit au total 99, le nombre des noms attributifs (çifûtiyah). Quant au nom d’Allah lui-même, il est formé par les doigts, de la façon suivante : l’auriculaire correspond à l’alif, l’annulaire au premier lam, le médius et l’index au second lam, qui est double, et le pouce au he (qui, régulièrement, doit être tracé sous sa forme « ouverte ») ; et c’est là la raison principale de l’usage de la main comme symbole, si répandu dans tous les pays islamique (une raison secondaire se référant au nombre 5, d’où le noms de khoms donné parfois à cette main symbolique). On peut comprendre par là la signification de cette parole du Sifr Seyidna Ayûb (Livre de Job, XXXVII, 7) : « Il a mis un sceau (khâtim) dans la main de tout homme, afin que tous puissent connaître Son œuvre » ; et nous ajouterons que ceci n’est pas sans rapport avec le rôle essentiel de la main dans les rites de bénédiction et de consécration.

D’autre part, on connaît généralement la correspondance des diverses parties de la main avec les planètes (kawâkib), que la chiromancie occidentale elle-même a conservée, mais de telle façon qu’elle ne peut plus guère y voir autre chose que des sortes de désignations conventionnelles, tandis que, en réalité, cette correspondance établit un lien effectif entre la chirologie et l’astrologie.

De plus, à chacun des sept cieux planétaires préside une des principaux prophètes, qui en est le « Pôle » (El-Qutb) ; et les qualités et les sciences qui sont rapportées plus spécialement à chacun de ces prophètes sont en relation avec l’influence astrale correspondante. La liste des sept Aqtâb célestes est la suivante :

Ciel de la Lune (El-Qamar) : Seyidna Adam.
Ciel de Mercure (El-Utârid) : Seyidna Aïssa.
Ciel de Vénus (Ez-Zohrah) : Seyidna Yûsif.
Ciel du Soleil (Es-Shams) : Seyidna Idris.
Ciel de Mars (El-Mirrîkh) : Seyidna Dâwud.
Ciel de Jupiter (El-Barjîs) : Seyidna Mûsa.
Ciel de Saturne (El-Kaywân) : Seyidna Ibrahîm.

A Seyidna Adam se rapporte la culture de la terre (Cf. Genèse, II, 15 : « Dieu prit l’homme et le plaça dans le jardin d’Eden pour le cultiver et le garder ») ; à Seyidna Aïssa, les connaissances d’ordre purement spirituel ; à Seyidna Yûsif, la beauté et les arts ; à Seyidna Idris, les sciences « intermédiaires », c'est-à-dire celles de l’ordre cosmologique et psychique ; à Seyidna Dâwud, le gouvernement ; à Seyidna Mûsa, auquel est inséparablement associé son frère Seyidna Harûn, les choses de la religion sous le double aspect de la législation et du culte ; à Seyidna Ibrahîm, la foi (pour laquelle cette correspondance avec le septième ciel doit être rapprochée de ce que nous rappelions récemment à propos de Dante, quant à sa situation au plus haut des sept échelons de l’échelle initiatique).

En outre, autour des prophètes principaux se répartissent, dans les sept cieux planétaires, les autres prophètes connus (c'est-à-dire ceux qui sont nommément désignés dans le Qorân, au nombre de 25) et inconnus (c'est-à-dire tous les autres, le nombre des prophètes étant de 124 000 d’après la tradition).

Les 99 noms qui expriment les attributs divins sont également répartis suivant ce septénaire : 15 pour le ciel du Soleil, en raison de sa position centrale, et 14 pour chacun des six autres cieux (15+6x14 = 99). L’examen des signes qui se trouvent sur la partie de la main correspondant à chacune des planètes indique dans quelle proportion (s/14 et s/15) le sujet possède les qualités qui s’y rapportent ; cette proportion correspond elle-même à un même nombre(s) de noms divins parmi ceux qui appartiennent au ciel planétaire considéré ; et ces noms peuvent être déterminés ensuite, au moyen d’un calcul d’ailleurs très long et très compliqué.

Ajoutons que dans la région du poignet, au-delà de la main proprement dite, se localise la correspondance des deux cieux supérieurs, ciel des étoiles fixes et ciel empyrée, qui, avec les sept cieux planétaires, complètent le nombre 9.

De plus, dans les différentes parties de la main se situent les douze signes zodiacaux (burûj), en rapport avec les planètes dont ils sont les domiciles respectifs (un pour le Soleil et la Lune, deux pour chacune des cinq autres planètes), et aussi les seize figures de la géomancie (ilm er-raml), car toutes les sciences traditionnelles sont étroitement liées entre elles.

L’examen de la main gauche indique la « nature » (et-tabiyah) du sujet, c'est-à-dire l’ensemble des tendances, dispositions ou aptitudes qui constituent en quelque sorte ses caractères innés. Celui de la main droite fait connaître les caractères acquis (el-istiksâb) ; ceux-ci se modifient d’ailleurs continuellement, de telle sorte que, pour une étude suivie, cet examen doit être renouvelé tous les quatre mois. Cette période de quatre mois constitue, en effet, un cycle complet, en ce sens qu’elle amène le retour à un signe zodiacal correspondant au même élément que celui du point de départ ; on sait que cette correspondance avec les éléments se fait dans l’ordre de succession suivant : feu (nâr), terre (turâb), air (hawâ), eau (mâ). C’est donc une erreur de penser, comme l’ont fait certains, que la période en question ne devrait être que de trois mois, car la période de trois mois correspond seulement à une saison, c'est-à-dire à une partie du cycle annuel, et n’est pas en elle-même un cycle complet.

Ces quelques indications, si sommaires qu’elles soient, montreront comment une science traditionnelle régulièrement constituée se rattache aux principes d’ordre doctrinal et en dépend entièrement ; et elles feront en même temps comprendre ce que nous avons déjà dit souvent, qu’une telle science est strictement liée à une forme traditionnelle définie, de telle sorte qu’elle serait tout à fait inutilisable en dehors de la civilisation pour laquelle elle a été constituée selon cette forme. Ici, par exemple, les considérations qui se réfèrent aux noms divins et aux prophètes, et qui sont précisément celles sur lesquelles tout le reste se base, seraient inapplicables en dehors du monde islamique, de même que, pour prendre un autre exemple, le calcul onomantique, employé soit isolément, soit comme élément de l’établissement de l’horoscope dans certaines méthodes astrologiques, ne saurait être valable que pour les noms arabes, dont les lettres possèdent des valeurs numériques déterminées. Il y a toujours, dans cet ordre des applications contingentes, une question d’adaptation qui rend impossible le transport de ces sciences telles quelles d’une forme traditionnelle à une autre ; et là est aussi, sans doute, une des principales raisons de la difficulté qu’ont à les comprendre ceux qui, comme les Occidentaux modernes, n’en ont pas l’équivalent dans leur propre civilisation. (chapitre VII)
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Le « Trône » divin qui entoure tous les mondes (El-Arsh El-Muhît) est représenté, comme il est facile de le comprendre, par une figure circulaire ; au centre est Er-Rûh, ainsi que nous l’expliquons par ailleurs ; et le « Trône » est soutenu par huit anges qui sont placés à la circonférence, les quatre premiers aux quatre points cardinaux, et les quatre autres aux quatre points intermédiaires. Les noms de ces huit anges sont formés par autant de groupes de lettres, prises en suivant l’ordre de leurs valeurs numériques, de telle sorte que l’ensemble de ces noms comprend la totalité des lettres de l’alphabet.

Il y a lieu de faire ici une remarque : il s’agit naturellement de l’alphabet de 28 lettres ; mais on dit que l’alphabet arabe n’avait tout d’abord que 22 lettres, correspondant exactement à celles de l’alphabet hébraïque ; de là la distinction qui est faite entre le petit Jafr, qui n’emploie que ces 22 lettres, et le grand Jafr, qui emploi les 28 en les prenant toutes avec des valeurs numériques distinctes. On peut d’ailleurs dire que les 28 (2 + 8 =10) sont contenues dans les 22 (2 + 2 = 4) comme 10 est contenu dans 4, suivant la formule de la Tétraktys pythagoricienne : 1 + 2 + 3 + 4 = 10 ; et, en fait, les six lettres supplémentaires ne sont que des modifications d’autant de lettres primitives, dont elles sont formées par la simple adjonction d’un point, et auxquelles elles se ramènent immédiatement par la suppression de ce même point. Ces six lettres supplémentaires sont celles qui composent les deux derniers des huit groupes dont nous venons de parler ; il est évident que, si on ne les considérait pas comme des lettres distinctes, ces groupes se trouveraient modifiés, soit quant à leur nombre, soit quant à leur composition. Par conséquent, le passage de l’alphabet de 22 lettres à l’alphabet de 28 a dû nécessairement amener un changement dans les noms angéliques dont il s’agit, donc dans les « entités » que ces noms désignent ; mais, si étrange que cela puisse sembler à certains, il est en réalité normal qu’il en soit ainsi, car toutes les modifications des formes traditionnelles, et en particulier celles qui affectent la constitution de leurs langues sacrées, doivent avoir effectivement leurs « archétypes » dans le monde céleste.

Aux quatre points cardinaux :

A l’Est : A B J a D ;
A l’Ouest : H a W a Z;
Au Nord : H a T a Y ;
Au Sud : K a L M a N.

Aux quatre points intermédiaires :
Au Nord-Est : S a A F a C ;
Au Nord-Ouest : Q a R S h a T ;
Au Sud-Est : T h a K h a D h ;
Au Sud-Ouest : D a Z a G h.

On remarquera que chacun de ces deux ensembles de quatre noms contient exactement la moitié de l’alphabet, soit 14 lettres qui sont réparties respectivement de la façon suivante :

Dans la première moitié :

4+3+3+4 = 14 ;

Dans la seconde moitié :

4+4+3+3 = 14.

Les valeurs numériques des huit noms, formées de la somme de celles de leurs lettres, sont, en les prenant naturellement dans le même ordre que ci-dessous :

1+2+3+4 = 10 ;
5+6+7 = 18 ;
8+9+10 = 27 ;
20+30+40+50 = 140 ;
60+70+80+90 = 300 ;
100+200+300+400 = 1000 ;
500+600+700 = 1800 ;
800+900+1 000 = 2700,

Les valeurs des trois derniers noms sont égales à celles des trois premiers multipliées par 100, ce qui est d’ailleurs évident, si l’on remarque que les trois premiers contiennent les nombres de 1 à 10 et les trois derniers les centaines de 100 à 1000 ; les uns et les autres y étant également répartis en 4+3+3.

La valeur de la première moitié de l’alphabet est la somme de celles des quatre premiers noms :

10+18+27+140 = 195.

De même, celle de la seconde moitié est la somme de celles des quatre premiers noms :

300+1 000+1 800+2 700 = 5 800.

Enfin, la valeur totale de l’alphabet entier est :

195+5 800 = 5 995.

Ce nombre 5 995 est remarquable par sa symétrie : sa partie centrale est 99, nombre des noms « attributifs » d’Allah ; ses chiffres extrêmes forment 55, somme des dix premiers nombres, où le dénaire se retrouve d’ailleurs divisé en ses deux moitiés (5+5 =10) ; de plus, 5+5 = 10 et 9+9 = 18 sont les valeurs numériques des deux premiers noms.

On peut mieux se rendre compte de la façon dont le nombre 5 995 est obtenu en partageant l’alphabet suivant une autre division, en trois séries de neuf lettres plus une lettre isolée : la somme des neuf premiers nombres est 45, valeur numérique du nom d’Adam (1+4+40 = 45, c'est-à-dire, au point de vue de la hiérarchie ésotérique, El-Qutb El-Ghawth au centre, les quatre Awtâd aux quatre points cardinaux, et les quarante Anjâb sur la circonférence) ; celle des dizaines, de 10 à 90, est 45 x 10, et celle des centaines, de 100 à 900, 45 x 100 ; l’ensemble des sommes de ces trois séries novénaires est donc le produit de 45 par 111, le nombre « polaire » qui est celui de l’Alif « développé » : 45 x 111 = 4 995 ; il faut y ajouter le nombre de la dernière lettre, 1 000, unité du quatrième degré qui termine l’alphabet comme l’unité du premier degré le commence, et ainsi on a finalement 5 995.

Enfin, la somme des chiffres de ce nombre est 5+9+9+5 = 28, c'est-à-dire le nombre même des lettres de l’alphabet dont il représente la valeur totale.

On pourrait assurément développer encore beaucoup d’autres considérations en partant de ces données, mais ces quelques indications suffiront pour qu’on puissent tout au moins avoir un aperçu de certains procédés de la science des lettres et des nombres dans la tradition islamique. (chapitre VI)
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ÉMILE DERMENGHEM. Contes Kabyles (Charlot, Alger).

- Ce qui fait surtout l'intérêt de ce recueil de « contes populaires » de l'Afrique du Nord, à notre point de vue, c'est l'introduction et les notes qui les accompagnent, et où sont exposées des vues générales sur la nature du « folklore universel ». L'auteur fait remarquer très justement que « le véritable intérêt des littératures populaires est ailleurs que dans les filiations, les influences et les dépendances externes », qu'il réside surtout en ce qu'elles témoignent « en faveur de l'unité des traditions ». Il fait ressortir l'insuffisance du point de vue « rationaliste et évolutionniste > auquel s'en tiennent la plupart des folkloristes et des ethnologues, avec leurs théories sur les « rites saisonniers » et autres choses du même ordre ; et il rappelle, au sujet de la signification proprement symboliques des contes et du caractère véritablement « transcendant » de leur contenu, certaines des considérations que nous-même et quelques-uns de nos collaborateurs avons exposées ici même. Toutefois, il est à regretter qu'il ait cru devoir malgré tout faire une part plus ou moins large à des conceptions fort peu compatibles avec celles-là : entre les prétendus « rites saisonniers » et les rites initiatiques, entre la soi-disant « initiation tribale » des ethnologues et la véritable initiation, il faut nécessairement choisir ; même s'il est vrai et normal que l'ésotérisme ait son reflet et sa correspondance dans le côté exotérique des traditions, il faut en tout cas se garder de mettre sur le même plan le principe et ses applications secondaires, et, en ce qui concerne celles-ci, il faudrait aussi, dans le cas présent, les envisager entièrement en dehors des idées antitraditionnelles de nos contemporains sur les « sociétés primitives » ; et que dire d'autre part de l'interprétation psychanalytique, qui, en réalité, aboutit tout simplement à nier le « superconscient » en le confondant avec le « subconscient » ? Ajoutons encore que l'initiation, entendue dans son véritable sens, n'a et ne saurait avoir absolument rien de « mystique » ; il est particulièrement fâcheux de voir cette équivoque se perpétuer en dépit de toutes les explications que nous avons pu donner à ce sujet.. Les notes et les commentaires montrent surtout les multiples similitudes qui existent entre les contes kabyles et ceux d’autres pays très divers, et il est à peine besoin de dire que ces rapprochements présentent un intérêt particulier comme «illustrations » de l’universalité du folklore. Une dernière note traite des formules initiales et finales des contes, correspondant manifestement à celles qui marquent, d'une façon générale, le début et la fin de l'accomplissement d'un rite, et qui sont en rapport, ainsi que nous l'avons expliqué ailleurs, avec la « coagulation » et la « solution » hermétiques. Quant aux contes eux-mêmes, ils semblent rendus aussi fidèlement que le permet une traduction, et, de plus, ils se lisent fort agréablement.
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L’être contingent peut être défini comme celui qui n’a pas en lui-même sa raison suffisante ; un tel être, par conséquent, n’est rien par lui-même, et rien de ce qu’il est ne lui appartient en propre. Tel est le cas de l’être humain, en tant qu’individu, ainsi que de tous les êtres manifestés, en quelque état que ce soit, car, quelle que soit la différence entre les degrés de l’Existence universelle, elle est toujours nulle au regard du Principe. Ces êtres, humains ou autres, sont donc, en tout ce qu’ils sont, dans une dépendance complète vis-à-vis du Principe « hors duquel il n’y a rien, absolument rien qui existe » ; c’est dans la conscience de cette dépendance que consiste proprement ce que plusieurs traditions désignent comme la « pauvreté spirituelle »
(…)
Par-là, l’être sort donc de la multiplicité ; il échappe, suivant les expressions employées par la doctrine taoïste, aux vicissitudes du « courant des formes », à l’alternance des états de « vie » et de « mort », de « condensation » et de « dissipation », passant de la circonférence de la « roue cosmique » à son centre, qui est désigné lui-même comme « le vide (le non-manifesté) qui unit les rayons et en fait une roue ».
(…)
La « simplicité », expression de l’unification de toutes les puissances de l’être, caractérise le retour à l’« état primordial » ; et l’on voit ici toute la différence qui sépare la connaissance transcendante du sage, du savoir ordinaire et « profane ». Cette « simplicité », c’est aussi ce qui est désigné ailleurs comme l’état d’« enfance » (en sanscrit bâlya), entendu naturellement au sens spirituel, et qui, dans la doctrine hindoue, est considéré comme une condition préalable pour l’acquisition de la connaissance par excellence. Ceci rappelle les paroles similaires qui se trouvent dans l’Évangile : « Quiconque ne recevra point le Royaume de Dieu comme un enfant, n’y entrera point. » « Tandis que vous avez caché ces choses aux savants et aux prudents, vous les avez révélées aux simples et aux petits. »
(…)
Cette « pauvreté » (en arabe El-faqru) conduit, suivant l’ésotérisme musulman, à El-fanâ, c’est-à-dire à l’« extinction » du « moi » ; et, par cette « extinction », on atteint la « station divine » (El-maqâmul-ilahi), qui est le point central où toutes les distinctions inhérentes aux points de vue extérieurs sont dépassées, où toutes les oppositions ont disparu et sont résolues dans un parfait équilibre.
(…)
« Pauvreté », « simplicité », « enfance », ce n’est là qu’une seule et même chose, et le dépouillement que tous ces mots expriment aboutit à une « extinction » qui est, en réalité, la plénitude de l’être, de même que le « non-agir » (wou-wei) est la plénitude de l’activité, puisque c’est de là que sont dérivées toutes les activités particulières : « Le Principe est toujours non-agissant, et cependant tout est fait par lui ». L’être qui est ainsi arrivé au point central a réalisé par là même l’intégralité de l’état humain : c’est l’« homme véritable » (tchenn-jen) du Taoïsme, et lorsque, partant de ce point pour s’élever aux états supérieurs, il aura accompli la totalisation parfaite de ses possibilités, il sera devenu l’« homme divin » (cheun-jen), qui est l’« Homme Universel » (El-Insânul-Kâmil) de l’ésotérisme musulman. Ainsi, on peut dire que ce sont les « riches » au point de vue de la manifestation qui sont véritablement les « pauvres » au regard du Principe, et inversement ; c’est ce qu’exprime encore très nettement cette parole de l’Évangile : « Les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers » ; et nous devons constater à cet égard, une fois de plus, le parfait accord de toutes les doctrines traditionnelles, qui ne sont que les expressions diverses de la Vérité une. (pp. 44-53)
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Aussi n’est-ce point à l’action extérieure que le Taoïsme accorde de l’importance ; il la tient en somme pour indifférente en elle-même, et il enseigne expressément la doctrine du « non-agir », dont les Occidentaux ont en général quelque peine à comprendre la véritable signification, bien qu’ils puissent y être aidés par la théorie aristotélicienne du « moteur immobile », dont le sens est le même au fond, mais dont ils ne semblent pas s’être jamais appliqués à développer les conséquences.

Le « non-agir » n’est point l’inertie, il est au contraire la plénitude de l’activité, mais c’est une activité transcendante et tout intérieure, non-manifestée, en union avec le Principe, donc au-delà de toutes les distinctions et de toutes les apparences que le vulgaire prend à tort pour la réalité même, alors qu’elles n’en sont qu’un reflet plus ou moins lointain. Il est d’ailleurs à remarquer que le Confucianisme lui-même, dont le point de vue est cependant celui de l’action, n’en parle pas moins de l’« invariable milieu », c’est-à-dire de l’état d’équilibre parfait, soustrait aux incessantes vicissitudes du monde extérieur ; mais, pour lui, ce ne peut être là que l’expression d’un idéal purement théorique, il ne peut saisir au plus, dans son domaine contingent, qu’une simple image du véritable « non-agir », tandis que, pour le Taoïsme, il est question de tout autre chose, d’une réalisation pleinement effective de cet état transcendant. (pp. 114-115)
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