De bonnes pistes à suivre pour "mieux" connaitre cet illustre inconnu!
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Ce qui montre peut-être le plus nettement la signification essentielle du Graal, c’est ce qui est dit de son origine: cette coupe aurait été taillée par les Anges dans une émeraude tombée du front de Lucifer lors de sa chute. Cette émeraude rappelle d’une façon très frappante l’urnâ, la perle frontale qui, dans le symbolisme hindou (d’où elle est passée dans le Bouddhisme), tient souvent la place du troisième œil de Shiva, représentant ce qu’on peut appeler le « sens de l’éternité » (…)
Du reste, il est dit ensuite que le Graal fut confié à Adam dans le Paradis terrestre, mais que, lors de sa chute, Adam le perdit à son tour, car il ne put l’emporter avec lui lorsqu’il fut chassé de l’Eden; et, avec la signification que nous venons d’indiquer, cela devient fort clair. En effet, l’homme, écarté de son centre originel, se trouvait dès lors enfermé dans la sphère temporelle; il ne pouvait plus rejoindre le point unique d’où toutes choses sont contemplées sous l’aspect de l’éternité. En d’autres termes, la possession du « sens de l’éternité » est liée à ce que toutes les traditions nomment, comme nous l’avons rappelé plus haut, l’« état primordial », dont la restauration constitue le premier stade de la véritable initiation (…)
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Le Graal représente en même temps deux choses qui sont étroitement solidaires l’une de l’autre: celui qui possède intégralement la « tradition primordiale », qui est parvenu au degré de connaissance effective qu’implique essentiellement cette possession, est en effet, par là même, réintégré dans la plénitude de l’« état primordial ». A ces deux choses, « état primordial » et « tradition primordiale », se rapporte le double sens qui est inhérent au mot Graal lui-même, car, par une de ces assimilations verbales qui jouent souvent dans le symbolisme un rôle non négligeable, et qui ont d’ailleurs des raisons beaucoup plus profondes qu’on ne se l’imaginerait à première vue, le Graal est à la fois un vase (grasale) et un livre (gradale ou graduale), ce dernier aspect désigne manifestement la tradition, tandis que l’autre concerne plus directement l’état lui-même.
La «Terre Sainte» est aussi la «Terre des Saints», la «Terre des Bienheureux», la «Terre des Vivants», la «Terre d’immortalité»; toutes ces expressions sont équivalentes, et il faut y joindre encore celle de «Terre Pure», que Platon applique précisément au «séjour des Bienheureux». On situe habituellement ce séjour dans un «monde invisible»; mais, si l’on veut comprendre ce dont il s’agit, il ne faut pas oublier qu’il en est de même des «hiérarchies spirituelles» dont parlent aussi toutes les traditions, et qui représentent en réalité des degrés d’initiation.
Il est dit dans les traditions orientales que le Soma, à une certaine époque, devint inconnu, de sorte qu’il fallut, dans les rites sacrificiels, lui substituer un autre breuvage, qui n’était plus qu’une figure de ce Soma primitif; ce rôle fut joué principalement par le vin, et c’est à quoi se rapporte, chez les Grecs, une grande partie de la légende de Dionysos. Or le vin est pris souvent pour représenter la vraie tradition initiatique: en hébreu, les mots iaïn, «vin», et sod, «mystère», se substituent l’un à l’autre comme ayant le même nombre; chez les Sûfîs, le vin symbolise la connaissance ésotérique, la doctrine réservée à l’élite et qui ne convient pas à tous les hommes, de même que tous ne peuvent pas boire le vin impunément.
D’ailleurs, le terme arabe Sakînah, qui est évidemment identique à l’hébreu Shekinah, se traduit par «Grande Paix», ce qui est l’exact équivalent de la Pax Profunda des Rose-Croix; et, par là, on pourrait sans doute expliquer ce que ceux-ci entendaient par le «Temple du Saint-Esprit», comme on pourrait aussi interpréter d’une façon précise les nombreux textes évangéliques dans lesquels il est parlé de la «Paix», d’autant plus que «la tradition secrète concernant la Shekinah aurait quelque rapport à la lumière du Messie».
...nous citerons aussi la montagne de Qâf des Arabes, et même l’Olympe des Grecs, qui, à bien des égards, a la même signification. Il s’agit toujours d’une région qui, comme le Paradis terrestre, est devenue inaccessible à l’humanité ordinaire, et qui est située hors de l’atteinte de tous les cataclysmes qui bouleversent le monde humain à la fin de certaines périodes cycliques.
Présentation du livre par Thomas Sibille de la Librairie al-Bayyinah "La Crise du Monde Moderne" de René Guénon aux Editions Héritage.