Qu'il est dur, le chemin de l'exil. Même lorsque l'intégration (la fameuse) semble faite. Tout, à un moment ou un autre, rappelle le pays des origines. Même ses enfants, qui ont pourtant plus vécu en France qu'en Iran.
Entre souvenirs, réflexions et maintenant, Habibi revient sur 40 ans d'histoire iranienne. Plus, si l'on prend en compte les mouvements contestataires qui sont nés à la suite de Mai 68 et qui ont contribué à renverser le Shah, puis à installer Khomeini et la République islamique.
Elle ne reste pas centrée sur elle, essaie de donner une vision plus large, notamment de ce qu'est être émigré, exilé, des difficultés que cela engendrent. Et ses regrets aussi : celui des pistaches (must-have des émigrés iraniens visiblement) mais surtout de ne pouvoir accompagné les changements sociétaux qui sont à l'oeuvre depuis quelques années et qui se sont un peu accélérés.
Et surtout la question de la langue. Comment naviguer entre deux langues, comment faire sienne (ou non) une langue étrangère dans laquelle on vit, malgré soi. Des difficultés et des surprises que cela réserve, d'avoir deux langue pour dire une chose.
Merci à Babelio et aux éditions Stock pour l'envoi de ce livre.
Commenter  J’apprécie         110
Une collection nommée " Puissance des Femmes ", qui plus est dirigée par Laure Adler, c'est assurément un gage de qualité. C'est tout à fait le cas avec le livre de Faranguis Habibi. Cette franco-iranienne parle de la révolution islamique, du régime des ayatollahs qui sévit en Iran depuis 1979, de la guerre entre l'Iran et l'Irak, de son attachement à son pays natal, et également de l'exil, de son implantation en France dans un récit très personnel, pas larmoyant. Elle a opté pour rapporter ses souvenirs de moments de sa vie, en Iran, en France avant et après la révolution. Arrivée en France en 1966 à 19 ans pour faire ses études, elle est plongée dans les mouvements de mai 68, puis devient militante contre le régime du Chah. Elle rentre à Téhéran, en 1979 chargée d'espoirs qui seront rapidement déçus. Par de courts chapitres, elle rapporte des faits qui ont marqué pour elle les 40 ans qui se sont écoulés depuis le retour de l'ayatollah Khomeini, comme: sa tante qui portait de robes colorées, qui chantait, qui s'est enthousiasmée pour la révolution islamique et qui ne chante plus, qui ne porte plus de robes colorées. Elle fait entendre le bruit des bombes qui vous traumatise à vie. Par de menus détails elle fait ressentir le vide de perdre son pays et son attachement profond à celui-ci, elle montre l'importance de la filiation qu'elle décrit par le contact des mains, celles de sa mère, puis de son petit fils pour garder la force de résister. Elle est touchante lorsqu'elle parle de la lettre de son père qu'elle découvre au décès de sa mère, lorsqu'elle reçoit des amandes d'Iran, lorsqu'elle décrit les rites culinaires pour le nouvel an Iranien, comme des madeleines de Proust qu'elle essaie de reproduire en France, lorsqu'elle évoque les adieux aux amis, et au pays. Elle nous fait partager également sa vie en France, les subtilités de la langue, ses réflexions et observations dans le RER. Elle est forte lorsque qu'elle aborde les départs à la guerre, l'inquiétude lors des passages à l'aéroport de Téhéran, le souvenir des exilés qui ont tout perdu avec la dictature islamique, les tracasseries qu'elle a rencontré pour passer les frontières en Europe. On ressent bien que Faranguis Habibi est éprise de liberté. Personnellement,j'y retrouve sous une autre forme, la même force que chez Shirin Ebadi, l'avocate iranienne, Prix Nobel de la Paix. Bien sûr, une chronique n'est pas faite pour parler de soi, mais je ne résiste pas à dire que je suis allé en Iran, pour des raisons professionnelles en 1998, que j'y ai rencontré des gens très attachants qu'il me semble retrouver dans ce livre que j'ai beaucoup aimé.
Merci à Babelio et aux éditions Stock de m'avoir permis de lire ce livre!
Commenter  J’apprécie         10
Pendant ces premières semaines de la Révolution, je voyais l'Iran comme un matin de printemps, fleuri, festif et plein de promesses....
La post-Révolution s'accompagnait de journées d'angoisse où nous apprenions que tel ami venait d'être dénoncé et arrêté, tel autre fusillé, que beaucoup d'autres avaient pris la fuite, que certains brisés sous la torture, se sont métamorphosés en adeptes du pouvoir islamique.
A peine deux ans après la Révolution et quelques mois après le début de la guerre Iran-Irak, je me retrouve à l'aéroport de Téhéran, dans une queue ressemblant fort à un triste bal masqué, de fuyards qui portent sous leur cape leur peur, leur haine, leur déception...
Les grands-parents sont morts. Ils avaient fui la Révolution d'octobre et immigré en Iran. Les parents ont quittés l'Iran après la Révolution islamique et ont immigré en Allemagne. En fait, la migration est un trait de famille chez eux.
Le déplacé, qui doit voyager léger, met la grande Histoire dans les petites, une guerre dans une égratignures, un amour dans un poème et un pays dans une brosse à dents