Comme son titre l'indique, cet ouvrage veut retracer ce que fut la délation dans la France occupée de la Deuxième Guerre mondiale. le but est louable, d'autant que même si cette période et ces pratiques sont désormais bien connues du grand public les exemples de lettres ne sont pas légions.
Là où l'ouvrage m'a nettement moins plu, c'est dans sa forme. En effet, celui qui ne connaît rien à ce que fut l'occupation n'en saura guère plus après cette lecture qui est plus une compilation de lettres qu'autre chose. La mise en contexte n'est pas toujours faite et les exemples se multiplient là où un ou deux auraient suffi. Certes l'auteur a classé ces lettres par catégories, mais les chapitres s'enchaînent sans réelle cohérence et l'on se retrouve assommé par toutes ces lettres. Peut-être était-ce là le but ?
J'aurai pour ma part préféré un travail de recherche plus approfondi. Pourquoi pas un tableau de statistiques : combien l'auteur a-t-il lu de lettres ? Quelle part était rédigée en zone libre ? occupée ? Quel pourcentage était envoyé aux autorités françaises ? allemandes directement ? Les femmes prenaient-elles plus la plume que les hommes ? Les vieux que les jeunes ? Quelles part de ces lettres s'en prend à des juifs ? À des résistants ? … Ces questions restent sans réponse. On en vient donc à s'interroger sur la représentativité de ce volume de courrier : l'auteur a-t-il sélectionné des lettres représentatives parmi une masse importante (importante comment ?) ou est-il tombé sur un lot dans je ne sais quelles archives qu'il a décidé de publier en vrac pour arrondir ses fins de mois ?
Oui, faire oeuvre d'historien est compliqué, et l'auteur, un journaliste, même s'il a réussi à me replonger dans cette sombre période avec ses héros, mais aussi ses pourris, n'a pas réussi à dégrossir le sujet.
Mention spéciale tout de même pour le dernier chapitre qui lui m'a littéralement scotché, ne connaissant que très peu cette pratique : il regroupe des lettres de résistants qui « balancent » des anciens collaborateurs aux nouvelles autorités françaises. Faut-il y voir le fameux « arroseur arrosé » ou plutôt en déduire que, dans les deux camps, l'on trouve des lâches qui n'osent même pas signer leurs dénonciations ?
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A l'heure du repli, en 1944, la Gestapo ne se prive pas de la satisfaction vengeresse de laisser une part des dénonciations françaises reçues pendant l'Occupation au vu et au su de tous. Le geste en dit long sur le rapport ambivalent de l'occupant au mouchardage autochtone : dépendant de ce genre d'informations pour quadriller le pays, il ne s'en méfiait pas moins et, au fond, ne faisait que le mépriser.
Journal l'Appel. 12 Juin 1941
Les habitants du quartier, ainsi que les travailleurs qui y ont leurs occupations, vous demandent une bonne petite rafle [de juifs], s'il vous plaît, monsieur le préfet de police.
[lettre de lecteur] Il est rageant de faire la queue et de voir passer les premières ,leur carte de priorité à la main,les youpines dont les maris n'ont jamais été soldats et dont les enfants ne seront jamais français .
Extraits issus de « Françoise Sagan, l'air de ne pas y toucher » Entretiens avec André Halimi