Des poèmes très sombres, parfois trois vers, parfois trois pages, qui suivent le fil de la vie de l'auteur, de Bagdad où il est né, à Paris où il vit en exil.
Il a connu l'enfermement : c'est en prison, à l'âge de 20 ans, qu'il commence à écrire.
Il a connu la guerre, ses généraux, "leurs têtes, leurs habits/leurs drapeaux et leurs salaires/et leur dévouement/quand ils égorgent les innocents."
Et il parle pour les victimes, pour dénoncer la guerre, dénoncer aussi l'intégrisme religieux : "Nous, nous connaissons les assassins/alors que les victimes seront toujours anonymes."
Mais pour beaucoup, ces poèmes chantent l'exil, le regret de sa ville et de son lumineux passé historique ; l'impossible retour et la nostalgie du pays perdu. "Si je rencontrais Bagdad au coin d'une ruelle/j'en mourrais de chagrin."
Et puis, ça et là, un poème d'amour : à sa mère, "regret de ne plus revoir ton châle/suspendu aux années de l'exil" et à sa femme, "rivière/où mes blessures apaisent leurs souvenirs".
C'est beau, c'est puissant, c'est poignant.
"On peut déraciner un homme sans l'abattre."
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(Madinat Al-Salam : cité de la paix, ancien nom de Bagdad)
Madinat Al-Salam
je te veux porte ouverte
sur le soir assis dans ces champs de blé
Fil tendu sur la fenêtre de l'enfance
parfum d'amour au-delà des frontières.
Nuage après nuage
le soleil s’éteint
Guerre après guerre
l'homme se désamorce
Feuille après feuille
l'arbre tombe
Chaque fois que je pense à Bagdad
je tente un cri
un peu plus haut que ma vie.
Puis reviennent
les jours d'hiver
et ce palmier qui meurt en silence
au bord de la page.
Ne faut-il pas dépeupler notre planète
de ceux qui assassinent
foudroyer la croyance
quand il s'agit de liberté ?
Personne ne connait
le chemin qui guide
la mémoire
vers l'oubli.
"Bagdad, c'est une ville qui produit des poètes, depuis des siècles. Ce n'est pas par hasard si on a des poètes qui ont bouleversé la poésie arabe."
Salah al Hamdani, qui a notamment publié deux recueils aux Éditions Bruno Doucey, évoque son rapport à son pays d'origine et à l'écriture poétique dans cette conférence menée à l'Université permanente de Nantes. Il revient notamment sur la genèse du livre "Bagdad-Jérusalem, à la lisière de l'incendie", écrit avec le poète israélien Ronny Someck et publié en 2012 aux Éditions Bruno Doucey.
Toutes les infos ici : https://bit.ly/2yxRLDD
Réalisation © Thibault Grasset.
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