L'historien Peter Hammerschmidt fait un portrait précis et étayé de Klaus Barbie, un homme qui, bien que célèbre pour avoir démantelé la résistance lyonnaise dont il fait arrêter et tuer le chef, Jean Moulin, a un parcours assez méconnu.
Si celui que l'on surnomme « le boucher de Lyon » bénéficie pendant de très nombreuses années d'une immunité, qu'en dépit de son inscription sur liste des criminels de guerre, il reste en liberté, c'est que les services secrets américains (CIC), estimant que son anticommunisme acharné peut servir dans leur lutte contre l'URSS, l'intègrent secrètement dans leurs équipes. Une collaboration qu'ils arrêtent après quelques années, redoutant que son passé chargé leur crée des ennuis.
Pour autant cette décision ne met pas fin à la carrière de l'agent Klaus Barbie. Exfiltré avec sa famille par ses mêmes anciens employeurs (craignant des révélations de sa part), avec la complicité du Vatican il quitte l'Europe pour l'Amérique latine - son expertise dans la répression des opposants sert au maintien des dictatures soutenues par les États-Unis. Plus tard, Barbie est engagé sous le nom de code Adler par le BND (les services secrets de la jeune RFA) qui le considère aussi comme une source excellente.
Devenu citoyen bolivien, Klaus Barbie prospère, notamment dans le trafic d'armes, et reste dans son pays d'adoption jusqu'à son extradition demandée par les Français qui, malgré les années et les difficultés, n'ont pas abandonné l'idée de le juger à Lyon, sur le lieu même de ses crimes. Extradé vers la France en 1983 avec l'aide du couple Klarsfeld, quarante ans après les faits son procès peut enfin s'ouvrir.
Menée tambour battant, cette enquête rigoureuse, absolument passionnante, nous éclaire sur la vie d'un criminel de guerre recruté et protégé pendant la guerre froide par des services de renseignements occidentaux aux pratiques pour le moins étonnantes. Elle montre aussi que le procès du chef de la Gestapo de Lyon a eu pour vertu de donner la parole à ses victimes. L'envoyé de l'hebdomadaire Die Zeit écrit : « Quiconque avait vu et entendu les anciennes victimes de Barbie, quiconque avait pu mesurer leurs souffrances, ne doutait pas que ce procès était nécessaire pour analyser l'Histoire et l'assumer pour le présent ».
Peter Hammerschmidt a soutenu sa thèse sur Klaus Barbie à l'université de Mayence en 2014.
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L'anticommunisme (...), son expérience du renseignement (...) ont ouvert à Barbie les portes du CIC (service de renseignement militaire américain). Barbie, recruté par le CIC, devient alors un symbole de la partition croissante de l'Europe : le rideau de fer est tombé sur l'Europe, la guerre froide a commencé, et avec elle, et " la guerre chaude " des services de renseignement.