Le hasard a voulu que je me mette à lire "Soleil vert" deux jours avant la fameuse date "du dépassement", celle au delà de laquelle la consommation en ressources naturelles de l'humanité excède celles que la planète est capable de régénérer. Or, s'il a été écrit en 1966, jamais un bouquin ne m'aura paru aussi actuel...
Au début pourtant, Soleil vert a plutôt des allures de roman d'anticipation vaguement post-apocalyptique, sauf qu'il n'y a pas eu d'apocalypse. Dans un New-York où la surpopulation est devenue problématique, c'est l'été, il fait très chaud, l'eau et la nourriture sont rationnées. Nous y suivons plusieurs personnages, tentant chacun de survivre à leur façon: Andy, simple flic; Billy, jeune homme débrouillard; Shirl, compagne d'un riche homme d'affaires. Trois personnages issus de milieux différents donc, qui ne le savent pas, mais dont les destins vont être amenés à se croiser très vite.
Contrairement à ce que le résumé laissait penser, il n'y a pas réellement d'enquête dans Soleil Vert. Le meurtre n'est qu'un prétexte pour lier les protagonistes, que l'on suivra tout à tour, chacun de leur côté. La véritable intrigue, on s'en rend compte très vite, gravite plutôt autour de la pénurie de ressources et des conséquences (et dérives) qu'elle entraîne, avant d'évoquer de plus en plus profondément les causes de cet état de fait.
Et l'on se découvre, sans trop savoir comment, en plein discours écologique, sur la nécessité d'agir avant qu'il soit trop tard, sur ce qu'il aurait pu être fait, sur pourquoi rien n'est jamais fait ; laissant, encourageant même carrément, les hommes continuer à consommer toujours plus. A cet instant, le lecteur quitte la fiction et l'anticipation pour se retrouver dans un présent bien réel, et face à un futur peut-être plus proche qu'il ne le croit. Et ce ne sont pas les solutions proposées dans le livre qui vont le rassurer. A l'époque où il a été écrit, la question de la contraception était logiquement plus sensible qu'aujourd'hui, mais les arguments nauséabonds des manifestants anti-avortement sont globalement les mêmes que ceux de la "manif pour tous", preuve que si les choses progressent, elles progressent encore trop lentement... La bonne nouvelle, c'est que si Harry Harrisson s'est montré plutôt visionnaire, on en est pas encore au stade dépeint dans son roman. Reste qu'au train ou on va, on a l'air plutôt mal barrés.
Bref, on suit le quotidien d'Andy et son colocataire Sol, Billy, Shirl et son garde du corps, dans une ville qui part peu à peu en vrille au gré des privations, des émeutes qui s'ensuivent et du manque de logements. La misère est partout (sauf, naturellement, chez les riches, et encore même la fortune de ceux-ci ne peut les mettre à l'abri d'un revers changeant totalement la donne), l'auteur nous la décrit en permanence, en long, en large et en travers. Soleil vert n'est finalement qu'une plongée en apnée dans un monde fort peu reluisant, mais bien construit, cohérent, peuplé de personnages crédibles et très humains dans leurs imperfections. Et c'est ce qui rend la lecture plaisante, accrocheuse même, malgré le manque flagrant d'action.
Car, finalement, il ne se passe pas grand-chose.
Soleil vert, ce sont des tranches de vie, d'abord dans la canicule estivale puis sous les neiges hivernales, mais pas beaucoup plus. "L'enquête" qui sert de pseudo fil-rouge se résout pour ainsi dire toute seule, sans jamais avoir occupé de vraie place dans l'histoire, (et de façon d'ailleurs assez ridicule). La situation finale est exactement la même qu'au début. Le monde, et (la vie des personnages qui restent), n'ont pas changé.
C'est peut-être cette absence d'évolution (y compris et *SURTOUT* au niveau individuel) qui laisse une vague impression de "tout ça pour ça". Comme si l'auteur était parti au début sur un polar futuriste, et avait laissé en route le côté polar pour se concentrer sur le message qu'il voulait faire passer.
Au final, on lira surtout Soleil vert pour son contexte, son univers et ses personnages, plus que pour son histoire.
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Un roman qui fait partie des classiques à priori, surtout depuis la sortie du film adapté librement en 1973.
Réellement adapté, car comme il arrive assez souvent, seul le lieu et l'ambiance liée aux problèmes de surpopulation sont communs. le reste n'a vraiment rien à voir.
Je me suis assez ennuyé, je n'y ai pas trouvé grand intérêt si ce n'est peut-être légèrement sur la seconde partie arrivant après plus de 200 pages avec les réflexions de Sol, le colocataire du personnage principal sur la surpopulation et la contraception. Mais ceci ne représente qu'un passage d'une quarantaine de pages.
Bref, les films adaptés de livres sont souvent des déceptions, en voici l'exception qui en confirme la règle.
Nous sommes loin des chefs d'oeuvres de la science fiction.
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