Cher peuple de Karia, vous n'avez plus de soleil parce que cette ville est bourrée de conspirateurs. Ils veulent vous faire croire que je suis responsable de votre nuit. Mensonge ! Ceux qui le diront, et même ceux qui le penseront, seront jugés et condamnés pour complicité avec les faiseurs de nuit. Leurs yeux seront crevés ici même, sur cette place !
Mais il arrive aussi que, dans la Grande Histoire, la nuit veuille enfouir tous les mots et brûler tous les livres. L'obscurité veut recouvrir les peuples. Les mots, dans cette nuit, gardent seuls leur lumière, et souvent ils annoncent et préparent son retour, quand tous encore désespèrent. Et c'est alors un grand bonheur que d'être le plus petit colporteur de cette lueur, de cette parole qu'on n'attendait plus.
Pour se moquer de la nuit, nos enfants n'étudieront que sur des livres aussi noirs qu'elle ! (Il s'était toujours méfié des écoles, où il arrive qu'on apprenne à être libre.)
Ils réunirent de plus en plus de curieux sur la place et ils leur tinrent des discours qui devaient être beaux car personne n'y comprenait rien.
Un homme est couché sur la place,
son sang sur le pavé comme un coquelicot
même les chiens rasent les murs.
L’œil du fusil l'a fixé,
et la mort est entrée dans son corps.
Bonne nuit, Genia ...