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Robert Dickson (Traducteur)
EAN : 9782902039302
350 pages
Editions Dépaysage (09/09/2022)
4.23/5   13 notes
Résumé :
Les frères Okimasis sont des enfants de la toundra. Nés nomades dans l'extrême nord du Manitoba, arrachés à leur famille et envoyés dans un pensionnat catholique du Sud lointain, Champion et Ooneemeetoo, rebaptisés Jeremiah et Gabriel, apprennent à avoir honte d'eux et des sévices que les prêtres leur font subir. Grandissant loin des leurs et de leur culture, mais protégés toute leur vie durant par la mystérieuse « Reine blanche », c'est dans les arts qu'ils s'accom... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
°°° Rentrée littéraire 2022 # 38 °°°

A partir d'un matériau autobiographique, Tomson Highway, dramaturge et pianiste canadien autochtone cri ( un des peuples algonquiens d'Amérique du Nord, un des plus grands groupes de Premières Nations au Canada ) a composé un roman étonnant qui s'ouvre sur plusieurs scènes exceptionnelles d'évocation pour raconter la naissance de ses deux personnages principaux, les frères Champion et Ooneemeetoo. Dans la cosmologie crie, ce sont les enfants qui choisissent leurs parents.

« Alors que les galaxies d'étoiles de soleils de lunes et de planètes traversaient le ciel en un va-et-vient gigantesque, la Reine blanche sourit énigmatiquement, puis des sept étoiles ed son diadème surgit un foetus humain, complètement formé, translucide, fantomatique. La Reine disparut, abandonnant sa cape et sa couronne. Les minces volutes des nuages hivernaux lui servant de liquide amniotique, l'enfant fantôme vola à la dérive dans l'espace, tournoyant à une vitesse imperceptible mais aussi certaine que le rythme des planètes. Et lentement, combien lentement, le bébé fantôme tomba, culbuta, toujours plus bas, jusqu'à la Terre. »

Ce moment de pure magie a illuminé ma lecture et l'image, de cet embryon descendant sur Terre jusqu'à la maison de ses futurs parents ne m'a pas quitté un instant. Chez Tomson Highway, le réalisme magique souligne la sacralité des instants vécus par les deux frères, toujours sous le regard protecteur de la Reine blanche, une des incarnations du Weesageechak ou « joueur de tours », personnage mythologique rieur dont le rôle est d'enseigner l'essence et la signification de la vie sur Terre en accompagnant les hommes dans les affres de leur destinée.

Si les passages surréalistes soufflés de poésie enchantent le lecteur, ce dernier vibre également au diapason d'une écriture ultra vivante, au ton souvent enjoué, dont l'énergie emporte irrésistiblement alors même qu'elle aborde des thématiques lourdes, de tragédie pure.

On suit les deux frères, le pianiste et le danseur, des années 1950 aux années 80, de leur petite communauté rurale de Manitoba à la grande ville de Winnipeg en passant par le pensionnat catholique dans lequel ils sont forcés d'aller très jeunes. le lieu de tous les dangers : entre prédation sexuelle des certains prêtres, endoctrinement pour les arracher à leur culture cri, et racisme, il faudra qu'ils absorbent le traumatisme durant toute leur vie d'adulte. Les séquelles de l'immersion dans une société qui cherche à éradiquer la culture autochtone est très bien décrite, avec le paradoxe que c'est leur éducation occidentale forcée qui leur a fait découvrir les arts dans lesquels ils vont s'épanouir.

Ce récit de la déculturation, de l'humiliation et de la tension entre tradition et assimilation, se teinte forcément d'une tonalité politique. C'est une des premières fois dans l'histoire de la littérature autochtone canadienne, qu'un auteur recourt à une langue créolisée laissant affleurer les mots, la rythmique du parler cri. Tomson Highway rétablit ainsi La dignité d'une culture amérindienne longtemps réprimée. Même si le texte est souvent très sombre, la force de la voix résiliente de ceux qui ont survécu s'est imprégnée en moi .
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« Ne ménagez aucun effort pour dissuader les Indiens de donner libre cours à leur pratique complaisante de la danse »
(Extrait d'une lettre du surintendant général adjoint au ministère des affaires indiennes envoyée à ses fonctionnaires en 2021)

« La nuit, quand les rues de vos villes et villages seront silencieuses, elles se rempliront des foules qui y habitaient autrefois, et qui aiment encore cette belle terre. L'homme blanc ne sera jamais seul. Qu'il soit juste et qu'il se comporte envers mon peuple avec bonté. Car les morts ne sont pas sans pouvoir ».
(Grand chef Seattle des Squamish, 1853)




Ces deux citations qui précèdent le récit, en partie autobiographique, de Tomson Highway, disent tout : de l'« écrasement », du courage qu'il faut pour sortir de l'ombre.




Texte frissonnant, époustouflant, magnifiquement traduit par le poète Robert Dickson, le baiser de la reine blanche, c'est l'histoire de deux petits garçons Cris,
les frères Champion et Ooneemeetoo, arrachés à la Toundra du nord du Canada, envoyés dans un pensionnat où ils vont perdre leur innocence, leurs prénoms, leurs cheveux, leur langue… « Ecrasés », « cabossés », rebaptisés Jeremiah et Gabriel, ils trouvent le courage d'exister, l'un devient pianiste, l'autre danseur.

Ils décadenassent leur mémoire, ils affrontent la « solitude suicidaire des samedis urbains » comme leur père combattait les caribous, et créent leur propre histoire, leur mythe.



Le contraste est terrible, entre leur ancien monde et le nouveau.
Souffrance, déracinement, humiliation du peuple Cri.
Renaissance.



Dans la mythologie améridienne de l'Amérique du Nord, le personnage le plus important c'est le Trickster (littéralement, le « joueur de tours »), appelé Weesageechak, par les Cris.

En Cri, en Ojibwé, contrairement à l'anglais, au français, à l'allemand, la hiérarchie masculin-féminin-neutre est totalement inexistante. le héros de cette mythologie n'est ni exclusivement masculin, ni exclusivement féminin.

« D'aucuns affirment que Weesageechak quitta le continent lorsqu'arriva l'homme blanc. Mais nous croyons qu'elle/il se trouve toujours parmi nous – quoique fragilisé».



Parmi nous
En chacun d'entre nous.
L'espoir de se trouver, de nous trouver, de vibrer, ensemble.
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Roman choc qui en partie autobiographique nous rappelle à quel point les peuples autochtones ont été maltraités et tout particulièrement les enfants qui il y a quelques dizaines d'années encore ont parfois vécu l'enfer dans des pensionnats dans lesquels on les humiliait pour leur faire perdre leur identité.
Champion Okimasis comme tous les enfants du peuple cri a toujours vécu libre dans le grand nord canadien sur les terres qui ont été rétrocédées à leur peuple par les conquérants blancs dans lesquels ils les ont parqués en appelant ces terres ancestrales « réserve ».
Mais à 7 ans, il lui faut rejoindre l'école des blancs, et dans ce pensionnat tenu par des prêtres, il va perdre tout ce qu'il est, on va déjà commencer par lui donner un nouveau prénom « Jeremiah », lui raser le crâne lui qui n'a jamais eu les cheveux coupés, l'obliger à ne parler que l'anglais la langue des blancs qu'il ne comprend pas, le punissant durement si il prononce un seul mot dans la langue crie.
Il réussira plus ou moins à se sortir d'affaire mais lorsque 3 ans plus tard, Ooneemeetoo son petit frère son si joli petit frère, que les prêtres blancs vont appeler Gabriel, va lui aussi rejoindre le pensionnat, il ne pourra rien faire pour le soustraire aux appétits déviants du directeur du pensionnat qui hante les chambres des enfants la nuit.
Mais contre toute attente Champion-Jeremiah et Ooneemeetoo-Gabriel protégés par la Reine blanche qui veille sur les enfants cris, deviendront de grands artistes, et réussiront à porter la voix des peuples que l'on essaie de faire taire à jamais.
L'auteur lui-même issu de la Nation crie nous fait revivre les années 60 où l'alcool faisait des ravages dans les réserves, les années 70 au cours desquels la drogue est apparue emportant encore plus de pauvres bougres et les années 80 et l'apparition du terrible fléau appelé Sida lui aussi apportera tant de larmes.
Un superbe roman entre magie et triste réalité qui est un hommage à tous ces hommes, femmes et enfants qui jour après jour se battent pour essayer de faire survivre leur mode de vie et leurs croyances ancestrales.
Un grand merci à Babelio et aux Editions Dépaysage pour ce magnifique livre reçu dans le cadre de la masse critique.
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C'est un roman fort qui nous plonge dans la vie d'une famille Cri dans laquelle, la Reine blanche, créature mystérieuse, participe à la légende familiale. Dès le début, cette Reine blanche est le symbole des deux cultures qui s'entremêlent dans la vie d'Abraham Okimasis, le patriarche de la famille. Et elle accompagnera ses deux fils par sa présence tutélaire.
La culture occidentale est un choc, amené par le pouvoir d'une religion assimilée de force par le passage obligatoire dans ces pensionnats terribles où les enfants, coupés de leurs racines, subissent les pires outrages dans leur corps et leur âme. Les quelques retours au village, les rêves et la puissance mythologique de la nature tentent d'apaiser les injustices et l'incompréhension.
S'ajoute à ça le déracinement des jeunes adultes, quittant ensuite leur village pour la grande ville où l'Indien autochtone n'est pas toujours le bienvenu. Ce déracinement et cette enfance vont pouvoir être dépassés par la découverte de l'art. Même si chaque garçon va l'aborder différemment. Jérémiah, musicien depuis sa plus tendre enfance, arrête finalement sa carrière de pianiste après des débuts très prometteurs. Gabriel, lui, se jette à corps perdu dans la danse.
L'auteur parvient parfaitement à rendre compte du combat entre l'identité profonde des deux frères et les démons du monde actuel, entremêlant les rêves / cauchemars et la réalité, et entretenant la confusion que ressentent les deux héros.
On ressort de cette lecture avec une impression de vie gâchée par la violence du monde. Ces deux frères, ont essayé de survivre malgré leurs blessures, et en tentant de concilier les deux mondes dans lesquels ils continuent de vivre. Malgré tout, l'auteur n'est pas dans le misérabilisme, en aucun cas. Poésie, humour, réalisme et mythologie se côtoient dans cette belle histoire aux accents autobiographiques. le texte a été traduit de l'anglais canadien au français canadien par le poète Robert Dickson et les tournures de langage cri ajoutent à l'emprise du récit.

Citation en exergue du livre : « La nuit, quand les rues de vos villes et villages seront silencieuses, elles se rempliront des foules qui y habitaient autrefois, et qui aiment encore cette belle terre. L'homme blanc ne sera jamais seul. Qu'il soit juste et qu'il se comporte envers mon peuple avec bonté. Car les morts ne sont pas sans pouvoir. » Grand chef Seattle des Squamish, 1853

Je remercie les éditions Dépaysage et Babelio pour cette belle découverte dans le cadre de Masse Critique.

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Dans le grand froid du Nord, une douce chaleur frôle votre joue. En un moment qui devient éternel, le baiser de la Reine Blanche vous a appelé. C'est une invitation dont vous n'avez plus qu'à franchir la porte d'entrée. Celle de ce livre dont la couverture aux bordures blanche laisse apparaître un monde à la richesse infinie.

Au fil des pages neigeuses, les mots vous entraînent comme autant de traces de pas. Vous suivez celles de Champion et Ooneemeetoo, ou celles de Jeremiah et Gabriel comme ils ont été baptisés par les prêtres catholiques.

C'est une histoire d'assimilation, de survie et de retour vers soi. Un roman fraternel avec tout ce que ce terme comporte de sentiments ambivalents et cheminements tortueux.

Une plume envoûtante, à la fois moderne et onirique qui rend hommage à un peuple qu'on a tenté de déposséder de son âme. L'auteur a su rendre à la perfection chaque bataille de cette guerre que l'individu acculé doit livrer avec lui-même pour trouver sa place dans un monde qui change sans oublier d'où il vient.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Il voulait écouter jusqu'à la fin du monde. son cœur bondit, sa peau frissonna, sa tête se remplit de bulles aériennes. Il ressentit même, dans le bas-ventre, des bruits secs bulbeux qui lui remontaient jusqu'à la gorge comme pour l'étouffer. Ses poumons devinrent deux petits bateaux de pêche s'envolant dans un ciel au dessin cachemire rose et turquoise, vers un soleil d'été doublé de queues de lièvres en duvet blanc. Ses veines se détortillèrent, s'étirèrent et grossirent jusqu'à ce que ces cordons roses et vaporeux soient gonflés des pétales de cent acres d'épilobes en épis de couleur fuchsia du Nord, à l'arôme de miel, fécondés par les abeilles.
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Habillés identiquement en pyjamas de flanelle bleu pâle, trente-sept garçons cris, nouvellement chauves, étaient agenouillés à côté de leur petit lit au dortoir des cadets.
— Cintre mairie, mare de dune, pliez pour noos’sim pasteurs, main denant héa l’our de not nord, amène.
Gabriel débita à toute allure les syllabes dénuées de sens, en faisant semblant de les comprendre. Mais, alors qu’il avait mal aux genoux d’être agenouillé sur le linoléum froid et dur, il ne pouvait s’empêcher de se demander pourquoi il y avait dans la prière le mot cri noos’sim. Pourquoi cette mare de dune avait-elle besoin d’un filleul ?
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Au-delà, partout dans la salle, des Indiens souls à perte de vue.
Il avait essayé. Essayé de modifier son passé, les racines de ses cheveux, la couleur de sa peau, mais il était l’un d’eux. Et Chopin alors ? Pouvait-il garder Chopin dans sa vie en fondant un conservatoire sur la colline d’Eemanapiteepitat ? En rassemblant ses résidents pour former l’Orchestre philharmonique cri ?
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Joue au football, au basket, fais de la musculation, n'importe quoi. Mais fais quelque chose de ton temps ou tu mourras de solitude. Les grandes villes, c'est comme ça.
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