Aller avec la chanceIliana Holguín Teodorescu
récit
Folio 2020, 194p
C'est un récit moins de voyage que de rencontres fait par une jeune femme de 18 ans. Elle a traversé- sept mois et 9356 kilomètres- l'Amérique latine seule en auto-stop. «
Aller avec la chance » signifie faire de l'auto-stop ; l'expression vient de la région de Carthagène en Colombie : ir con el chance et non ir a dedo.
L'autrice est née en 2000. Elle est à la fois roumaine et descendante de l'oligarchie colombienne. Elle parle quatre langues, français et roumain, ses langues maternelles et espagnol et anglais pour les avoir apprises à l'école. Ele aime bien que, en espagnol, les mots changent de sens selon les pays ou même n'existent pas dans certains pays. Tout n'est pas castillan.
Elle prend une année sabbatique et voyage seule à un âge si jeune, sac au dos (15kg, et des livres y trouvent leur place) et tambour, parce que sa mère lui a inculqué, à elle et à son frère jumeau, la valeur de l'autonomie. Cependant, elle a assuré ses arrières : un problème de santé, et la voilà de retour en France. Elle utilise la plateforme Couchsurfing pour trouver où dormir. Elle est vigilante, même si elle fait confiance aux gens, non comme la première voyageuse qu'elle a rencontrée à Bogotá, qui, selon elle, était trop naïve et ne se tenait pas sur ses gardes. C'est ainsi que revient, de manière humoristique, au cours de nombreuses conversations, l'estimation de gens mal intentionnés, et la façon de comprendre gens mal intentionnés. Elle est tombée sur quelques porcs qui s'imaginent qu'une fille comme elle, qui demande de l'aide pour voyager, pourrait se prostituer. Mais, en fait, il est très peu d'hommes qui aient de mauvaises intentions, aussi arrête-t-elle de poser la question de savoir combien il y en a.
Iliana est curieuse, s'intéresse au mode de vie des gens, aux cultures et langues indigènes. Elle juge aussi les touristes étrangers, comme ce Brésilien qui prend des enfants pauvres en photo, ou les occidentaux qui se conduisent en colons devant des autochtones qui essaient de perpétuer leur culture en la modernisant, et eux voudraient la voir inchangée au prétexte de l'authenticité. Elle porte son jeune regard sur le monde, se préoccupe du féminisme, de l'élevage intensif qui à lui seul est responsable de 14% de l'émission de gaz à effet de serre, de l'obésité, fléau du Chili, du nombre d'hommes qui considèrent les jeunes femmes comme de la chair fraîche. Si elle voyage seule, c'est pour apprendre seule à donner un sens à ses journées, à ses semaines, hors des obligations induites par ses parents, ses professeurs, ses patrons, éprouver ce qu'il reste d'elle dans une vie sans nulle contrainte. Elle veut voir que la solidarité existe, que les gens aient envie d'aider en toute générosité.
Elle part de Colombie, où certains automobilistes ont peur de prendre en stop des jeunes gens parce que ces derniers pourraient porter sur eux des drogues et où elle retrouve un petit amoureux, passe en Equateur. traverse la Bolivie, où l'auto-stop n'existe pas, va au Pérou, en Argentine et au Chili, où les Haïtiens vendent à bas prix leur force de travail. Sa destination finale est Santiago, plus précisément Rancagua.
C'est le premier livre de l'autrice. Il se lit agréablement. Ce qui m'a donné envie de lire ce récit, c'est l'audace de cette jeune femme qui lève son pouce seule sur un bout de la Panaméricaine.