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L'Odyssée »
Homère (515 pages,
Livre de Poche)
Impossible bien sûr, ni aucun intérêt d'ailleurs à tenter de résumer longuement cette odyssée-là. Un gentil qui retrouve femme éplorée et fils impatient et hésitant, face à une bande de méchants. 24 chants (chapitres), qui sur 60 jours forment le récit du retour d'Ulysse de sa guerre de Troie, 10 années de galère en tous genres, et sa reconquête de son royaume d'Ithaque. Car le plus souvent, c'est lui qui raconte les souvenirs de sa guerre (y compris de l'épisode du Cheval de Troie) et surtout son périple vers son foyer où la patiente Pénélope l'attend, et où son fils Télémaque se morfond. J'ai été assez surpris de constater que les épisodes parmi les plus connus (les Cyclopes, les Sirènes…, bref ceux qui s'inscrivent dans la mémoire collective de tous ceux qui, comme moi jusqu'à ce jour, n'ont pas lu cette aventure épique) ne prennent chacun qu'à peine plus d'une page. Autant il y avait une part indigeste, répétitive et bourrative dans
l'Iliade, autant ici le récit fourmille de rebonds rapides, d'anecdotes, où le réalisme le plus cru le dispute au merveilleux le plus exotique. C'est parfois chargé comme les tablées gigantesques et les grillades énooormes qu'ingurgitent tous les acteurs du drame, il y a un côté gargantuesque parfois dans l'écriture, l'humour en moins. Car c'est bien un drame qui se déploie sous les yeux du lecteur, et l'on est immédiatement captivé par cette histoire, au point de se demander ce qu'on a bien pu inventer depuis
Homère en matière de fiction romanesque.
L'Odyssée semble bien LE roman inaugural et fondateur de la littérature occidentale. La poésie est là aussi, dans des formulations colorées (et qu'elles soient souvent répétées ne gâte rien, au contraire). Mais la violence de la vengeance pèse sur tout le récit avant qu'elle ne se déploie dans les détails et sans retenue lors du massacre des prétendants, avec luxe de précisions sanglantes. Nul n'en réchappera, pas de pardon, pas même pour les servantes qui, comme on disait en 1944, ont pratiqué la « collaboration horizontale » avec les occupants, et qui là ne seront pas tondues, mais bel et bien pendues haut et court. Radical. Tout cela avant le happy end bien mérité. Et les questions essentielles sur l'humanité, la finitude qu'accepte Ulysse, continuent d'interpeller aujourd'hui.
La lecture est assez aisée dans la traduction dite de référence de
Victor Bérard, l'introduction dans cette collection de
Paul Demont est intéressante, ses notes de bas de pages souvent utiles (même si je ne les ai pas toutes lues), le petit résumer introductif au début de chaque chant accompagne bien la lecture pour qui souhaite ne pas avaler tout le texte en un seul morceau, mais diluer son plaisir sur quelques semaines.
A lire absolument, ou à relire.