Ce livre m'a touché. Il est très brut et sincère.
Temple Grandin se raconte, raconte les étapes de sa vie d'enfant pas normale.
Il y a toutefois toute une part qui n'existe juste pas : les aspects de sensualité, de sexualité, d'amour entre adultes, j'ignore si c'est par pudeur ou parce que, effectivement, ces aspects ne font pas partie de la vie de
Temple Grandin...
Un grand nombre de pages tourne autour de sa machine à caresses, sa machine à contenir, à serrer doucement, qui va évoluer au fur et à mesure du temps, d'une idée d'enfant jusqu'à une réalisation adulte, scientifiquement validée... Un vrai combat, pour valoriser les obsessions, faire des « défauts » des autistes de véritables apports et qualités utiles.
« Le but de mon existence sur cette planète est de construire un appareil ou de développer une méthode qui pourrait ou de développer une méthode qui pourrait être employée pour apprendre aux gens à se regarder et à être doux et gentils. Je crois que c'est très important parce que j'ai dû construire un appareil pour m'apprendre à m'identifier aux de de cette machine, un prototype de la trappe à bétail. »
Le livre est en trois parties : un récit biographique, quelques tests, et une sorte de résumé des apports de la science auquel
Temple Grandin accorde du crédit ou carrément ses apports personnels.
L'ouvrage n'est pas truffé de termes scientifiques complexes, il est d'une lecture aisée, sans être mièvre ou enfantin.
Grandin essaie tout au long du livre de balayer certaines conceptions qu'elle pense erronée, et qui ont été clairement mises en échec au profit d'autres, mais qui peuvent encore subsister... Les clichés ayant la vie dure...
Sa conception de l'autisme
« En résumé, l'autisme est un trouble dans lequel certaines parties du cerveau ont un développement incomplet et immature, tandis que d'autres parties sont probablement mieux développées, ce qui expliquerait les capacités exceptionnelles de visualisation ou les dons étonnants de certains autistes. »
L'autisme c'est la faute de la mère
« Pendant de longues années, cette conception de l'origine maternelle de l'autisme, brillamment défendue par
Bruno Bettelheim, a prévalu. Elle n'est plus admise aujourd'hui. »
On reste autiste « à vie »
« Au cours des années, j'ai assez lu pour savoir qu'il y a encore beaucoup de parents, et même des spécialistes, qui croient que "quand on naît autiste, on reste autiste". Cette croyance se trouve être à l'origine de la vie triste et misérable de beaucoup d'enfants qui, comme moi, ont été "diagnostiqués" autistes dès leur plus jeune âge. »
L'importance des fixations et des « obsessions »
« Trop de thérapeutes, de psychologues croient que si on laisse l'enfant s'adonner à ses fixations, il en résulte des dommages irréparables. Je ne crois pas que ce soit vrai dans tous les cas. On peut diriger les fixations vers quelque chose de constructif. Écarter la fixation peut être imprudent. Souvent, on se débarrasse d'une mauvaise habitude en la remplaçant par une autre. Il en est de même pour les fixations. Mais transformer une fixation en action positive peut être gratifiant. La fixation sur un sujet particulier peut mener vers une forme de communication, entre soi et soi peut-être, mis c'est au moins un pas vers la communication. Si un enfant autiste est bien dirigé, une fixation peut le motiver. Une fixation sur un discours compulsif peut libérer un enfant des frustrations refoulées et de l'isolement qu'il éprouve si souvent. »
« Quant aux obsessions, il faut les canaliser vers des activités positives. Travailler avec un seul bit permet d'accomplir des merveilles. Les adultes autistes de haut niveau qui sont capables de vivre de façon autonome et de garder un emploi stable font souvent un travail dans le même domaine que les obsessions de leur enfance. Un autiste obsédé dans son enfance par les chiffres fait aujourd'hui de la gestion fiscale. »
L'importance de la voix
« Enfant, au lieu d'une psychothérapie, j'aurais dû bénéficier davantage de séances d'orthophonie. M'exercer avec des enregistrements de ma voix que j'aurais réécoutés aurait été plus utile pour améliorer ma vie sociale que de fouiller dans mon psychisme à la recherche de sombres secrets. J'aurais aimé qu'un de ces psychologues me dise que j'avais un problème de voix plutôt que de s'inquiéter de mon moi. Je me rendais compte que parfois les gens ne voulaient pas me parler, mais je ne savais pas pourquoi. »
La machine à serrer, un des moyens pour contrecarrer des anomalies biochimiques
« J'avance l'idée que l'utilisation régulière de la machine à serrer peut aider à modifier une partie des anomalies biochimiques provoquées par le manque de stimulation tactile calmante dans ma petite enfance. le manque d'empathie chez de nombreux adultes autistes est ^peut-être le résultat du fait qu'ils évitaient les câlines et l'affection dans leur enfance. Cependant, on n'insistera jamais assez sur le fait que la machine à serrer n'est pas la panacée pour tous les enfant autistes. »
L'usage de médicaments
« Mon opinion personnelle est qu'il faut éviter les médicaments pour les enfants tant que c'est possible et ensuite n'en utiliser qu'en dernier recours. Quand la médication est recommandée, n'utiliser qu'un médicament à la fois et évaluer soigneusement ses effets. [...] Souvent un médicament ne fait que masquer un symptôme, mais si on réussit à trouver le produit qui rétablit l'équilibre ou compense un défaut biochimique, il peut être très utile. Une fois que l'on a trouvé le bon médicament, il faut s'en tenir à une posologie minimale. »
Intervenir précocement, avec un programme adapté et... de l'amour...
« L'intervention précoce et la prise en charge de l'enfant dans le cadre d'un programme éducatif adapté améliorent le pronostic dans tous les cas d'autisme. Un bon programme comprend diverses méthodes thérapeutiques parce que chaque enfant est différent. Il y a une tendance chez les professionnels à clamer que seul leur programme donne de bons résultats . J'ai constaté que les enseignants efficaces utilisent les mêmes méthodes, peu importe leur orientation théorique. Un bon enseignant ou thérapeute vaut son pesant d'or. »
« La prise en charge et la thérapie doivent démarrer dès l'apparition des comportements anormaux. le composant le plus important de la prise en charge est la présence de gens qui aiment l'enfant et qui travaillent avec lui. Je m'en suis sortie parce que ma mère, ma tante Ann et Bill Carlock m'ont assez aimée pour avoir envie de travailler avec moi. »
Un livre qui parlera à beaucoup, à tous ceux qui se sentent différents, ou connaissent de façon proche quelqu'un qui se sent différent.