Will n’avait jamais souhaité tomber amoureux. Lorsque c’était arrivé à des amis à lui, ça l’avait toujours frappé comme une expérience qui paraissait particulièrement désagréable, quelque chose qui faisait perdre du sommeil et du poids, et on était malheureux si ce n’était pas réciproque, et on était heureux de façon suspecte, à en devenir cinglé, quand ça marchait. C’étaient des gens qui ne pouvaient pas se contrôler, ni se protéger, des gens qui, ne serait-ce que de façon temporaire, ne se contentaient plus d’occuper leur propre espace.
Au fur et à mesure que le jour passait et qu’il avait bu un peu plus, Will comprenait confusément que rechercher une fois par an la convivialité et l’harmonie n’était pas une ambition entièrement méprisable.
« Alors, vous avez cassé ?
– C'est une plaisanterie ? »
Très souvent les gens pensaient que Marcus plaisantait alors que ce n'était pas le cas. Il ne comprenait pas pourquoi. Demander à sa mère si elle avait cassé avec Roger était, pensait-il, une question tout à fait naturelle : ils s'étaient violemment disputés, puis isolés dans la cuisine pour parler tranquillement et, au bout d'un petit moment, ils étaient sortis avec un air grave, puis Roger s'était approché de lui, lui avait serré la main, souhaité bonne chance pour sa nouvelle école, et était parti.
– Pourquoi je plaisanterais ?
– Alors, selon toi, qu'est-ce qui s'est passé ?
– Je pense que vous avez cassé. Je voulais juste en être sûr.
– On a cassé.
C'était marrant de voir à quel point on connaissait de petites choses sur les gens, comme l'endroit où ils cachaient leur boîte à herbe, même si on ne savait pas ce qu'ils allaient penser d'un semaine à l'autre.