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sur 369 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
En russe, Gary signifie « brûle » et Ajar « braise », en plus d'être le nom d'actrice de la mère de l'écrivain. Mais, par un étrange hasard (décidément) des mots, ils évoquent aussi « l'étranger en moi » et « l'autre » (Ah'ar) en Hébreu, sonnant ainsi étonnamment propitiatoires pour un auteur qui a su si bien refuser les limites de l'identité unique et se réinventer si génialement multiple.


Sa passion littéraire pour ce surdoué de la métamorphose de l'identité a inspiré à Delphine Horvilleur une fantaisie originale, dont chaque trait d'humour est un coup de griffe aux clivages communautaristes, notamment entretenus par le sectarisme et le fondamentalisme religieux. Jouée sur les planches dès sa sortie, cette « farce théâtrale » donne la parole à un personnage fictif, Abraham Ajar, qui, fils d'Emile Ajar, revient dans un monologue sur le janusisme de son père et nous interpelle sur les menaces identitaires qui fleurissent aujourd'hui.


« Nous sommes », dit-il, « esclaves des définitions figées et finies de nous-mêmes, de nos origines, de nos ancrages, de nos assignations ethniques ou religieuses ». Avec une verve pleine d'esprit et de savoureux jeux de mots, il évoque la « folie littéraire » qu'est l'histoire d'Abraham dans la Bible, la circoncision qui fait des juifs des « presque », le sang impur de la Marseillaise qui « coule dans nos veines, même dans celles du pauvre type qui se raconte que son monde est bien propre, aseptisé et hygiénique à souhait », la transmission épigénétique qui prouve que « l'origine, ça ne compte jamais autant que ce qui t'arrive en route »… Il raille les juifs qui ne peuvent prononcer le nom de « vous-savez-qui », ceux qui, « hyper-connectés à la volonté de Dieu », « savent parfaitement te l'interpréter comme s'ils faisaient partie de Sa garde rapprochée » et, parce qu'« ils croient dur comme fer qu'ils sont qui ils sont, et que leur croyance est la bonne » crient très fort à leur seule vérité tout en adoptant le comportement de l'idolâtre « qui croit que Dieu s'intéresse vraiment à ses problèmes, qu'il peut lui demander de l'argent, du succès ou un vélo électrique, du moment qu'il ne le vexe pas et le caresse avec ferveur dans le sens du poil ». Et de s'interroger : « de qui se moque-t-on ? »


Ironique, volontiers provocateur, mais jamais moralisateur, le texte pointe les mille étroitesses et incohérences hypocrites de nos sociétés, anciennes ou modernes, qu'il s'agisse par exemple de racisme mais aussi d'objection à l'appropriation culturelle. Il s'élève contre ceux qui rejettent l'altérité au nom d'une prétendue pureté, ou d'une soi-disant vérité divine, dont ils auraient l'apanage et qui leur donneraient jusqu'au droit de tuer. Et sur le modèle de Gary/Ajar, il nous pousse à sortir de nos carcans identitaires pour toujours nous réinventer, à nous ouvrir à l'autre plutôt que de rester figés dans de rigides et subjectives certitudes, soulignant le rôle essentiel de la littérature dans la construction de ces échanges et de cet enrichissement.


Brillant, drôle, irrésistible tant il fait mouche sans jamais se prendre tout à fait au sérieux : voici un petit bijou de plaidoyer pour l'ouverture d'esprit et la tolérance, à l'opposé de la bêtise, de l'obscurantisme et du fanatisme, qui conforte le classement de Delphine Horvilleur en tête de mes personnalités préférées. Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Un livre sur l'identité mais pas n'importe lequel puisqu'il s'agit d'un monologue de Delphine Horvilleur écrit avec intelligence, amour, humour et bienveillance.
Une quête d'identité qui rassemble au lieu de séparer.
Il n'y a pas de Ajar commence avec l'admiration et l'intérêt que notre auteure porte à Romain Gary et à son autre identité. En lisant ce texte j'ai réalisé à quel point il suffit de très peu pour se sentir proche de quelqu'un.
En vivant à l'étranger face aux stéréotypes et aux clichés dans lesquels on voulait m'enfermer. J'ai découvert que je n'étais « pas que » mais « bien plus que ».
C'est aussi un texte érudit et passionnant où Delphine Horvilleur nous explique la signification du mot Ajar, le passage de Therak à Taré ( une petite dose d'humour) ,et bien d'autres exemples…
Ce monologue est une longue tirade contre la bêtise, un moyen de vider son sac, d'exprimer un malaise. le besoin d'entrer dans des cases, d'être conforme au moule. Mais quel moule ? Pourquoi se restreindre à un seul état alors que tout un tas de possibles s'offrent à nous.
C'est une réflexion utile et peut-être une façon de penser autrement mais aussi un bel hommage à Romain Gary. Et encore un COUP DE COeUR !
Merci aux éditions Grasset
#IlnyapasdeAjar #NetGalleyFrance
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C'est un tout petit livre de moins de 90 pages avec une préface qui en fait déjà presque trente. Datée du 19 avril 2022, elle n'est pas signée. On partira du principe qu'elle est de l'autrice du livre tout entier, soit Delphine Horvilleur. Une longue préface découpée en sept parties et un « monologue contre l'identité » surtitré Il n'y a pas de Ajar où le je qui écrit se dit Abraham Ajar, soit le fils fictionnel d'un pseudonyme littéraire. On n'a pas débuté que ça commence déjà.

Emile Ajar donc. Souvenez-vous, l'entourloupe la plus célèbre de l'histoire, l'auteur de Gros câlin, La vie devant soi (Ah Momo !) pour le quel il a reçu le prix Goncourt en 1975. Lequel prix avait déjà été décerné à Romain Gary quelques années plus tôt pour Les racines du ciel en 1956. Ce qui ne serait pas un problème si ces deux auteurs n'étaient pas en fait un seul et même homme.

Enfin… ça, c'est encore un peu trop s'avancer que de le prétendre. Car ne sommes-nous jamais qu'un ? Ne sommes-nous jamais entièrement circoncis à une seule et unique identité ? Mais il n'a pas été nécessaire au jury littéraire d'entrer dans de telles réflexions métaphysiques pour être bien enquiquiné de se trouver avec deux prix et un seul homme. La réalité est parfois trop chiche.

A partir de la biographie de Gary et des événements de sa vie à elle, à commencer par sa naissance, la même année que celle d'Emile Ajar, celui qui n'existe pas et dont le nom, en hébreu, signifie l'Autre, ainsi que sa première rencontre à six ans avec la lecture au moment où Gary se suicide, Delphine Hortvilleur tricote ces deux - trois ? - existences et fonde entre elles un nécessaire lien. « Depuis des années je lis l'oeuvre de Gary/Ajar, convaincue qu'elle détient un message subliminal qui ne s'adresse qu'à moi. Je ne cesse d'y chercher une clé d'accès à ma vie, un passe-partout qu'un jour, un homme aux multiples identités a déposé. »

Le fond de cette conviction ? L'idée que Gary/Ajar est le guide de ceux qui pensent que ni le langage ni l'existence ne seront jamais clos, définitivement appréhendés. Gary est devenu le fantôme, le dibbouk de la tradition juive, qui hante nos existences de sa présence tenace, qui leur impose une incertaine mais indéniable profondeur.

Alors nous voilà avec Abraham, dans une cave où se trouvent aussi Rosa, Jo Dassin, Stromae, d'autres personnages aussi. On y cherche nos « filiations fictives », celles qui nous ont constitué aussi sûrement que les gènes dont nous avons hérité. On n'y cherche surtout pas Dieu, celui dont on ne doit pas prononcer le nom et dont l'absence inonde toutes nos existences. En ne le cherchant absolument pas, il se pourrait bien qu'on l'ait déjà sous le nez. Dieu aurait le sens de l'humour.

Avec l'intelligence et la finesse qui caractérisent tous ses textes, Delphine Horvilleur propose une réflexion érudite et délirante sur la place de la fiction dans nos identités, sur la manière dont le « je suis ce que je suis », plénitude tautologique et mortifère dont se revendiquent les puristes de l'affiliation communautaire, promet un enfermement abominable.

Être l'autre, rentrer dans sa peau en tant que non lui, devenir Rosa sans souci d'authenticité et de la caution de légitimité que donnerait le fait de l'avoir vécu, c'est ce que fait Gary/ Ajar pour ne pas exister, pour ne pas être réduit aux limites d'un moi déterminé, fini.

Dans son monologue, Abraham Ajar proclame, à propos d'un homme de 69 ans qui a fait un procès à l'Etat pour discrimination à cause de son âge et exigé d'être rajeuni de 20 ans sur son passeport, « Je crois qu'au fond, aucun de nous n'est uniquement ce qu'on dit qu'il est. Qu'est-ce qui t'empêche, toi, par exemple, d'engager une transition de genre, de sexe, de couleur ou de religion ? On est tous en chemin vers ce qu'on peut encore être, et cela implique forcément de quitter ce qu'on était. » Et de nous révéler cette vérité linguistique aux conséquences métaphysiques abyssales : en hébreu, le verbe être n'existe pas au présent. « Bref, en hébreu, tu peux « avoir été » et tu peux être « en train de devenir », mais tu ne peux absolument pas « être »… ni binaire, ni non-binaire, ni homme ni femme. Tu as été et tu deviendras, mais tu es forcément en plein dans ta mutation. »

Nous y voilà. Ne jamais être assigné, ne jamais avoir un rapport avec ce qui se passe, ne jamais figer le mouvement, faire de l'entourloupe, de la feinte, de la prestidigitation le moteur d'une quête à ne pas être. « Chaque fois qu'un jour nouveau se pointe, j'ouvre la fenêtre et j'appelle au secours. Je saute sur le téléphone, j'appelle la Croix-Rouge, le Secours catholique, le Grand Rabbin de France, le petit, les Nations Unies, Ulla notre Mère à tous, mais comme ils sont parfaitement au courant, qu'ils voient de leurs propres yeux qu'un jour nouveau se lève et qu'ils prennent même leur petit déjeuner pour cette raison, je me heurte au quotidien familier, et c'est le bide. Alors je deviens un python, une souris blanche, un bon chien, n'importe quoi pour prouver que je n'ai aucun rapport » écrit Ajar dans Pseudo.

Au-delà de la mise en scène littéraire d'un délire réactionnel que des médecins expliqueraient très bien et qui a été, pour Romain Gary, à la fois une échappatoire et un échec, il y a dans cette proposition un appel à la fantaisie, un rappel à ne jamais clore l'interprétation, une ode à la fiction et à ses pouvoirs qui m'ont ravie.

Evidemment, il ne s'agit pas de renier d'où l'on vient, « et je ne vois pas quel problème il y aurait à ce que des gens veuillent conserver des éléments psychiatriques intacts de leur famille » (j'adore !) « Je dis simplement : oui à l'entre-soi, mais à condition qu'on sache toujours qu'on est plusieurs chez soi. »

C'est fin, subtil, déjanté jusque ce qu'il faut pour ne pas se prendre au sérieux. « L'humour est une affirmation de supériorité de l'homme sur ce qui lui arrive. » Romain Gary, encore. En exergue du monologue. Et finalement, dans un vertige souriant, enivrés de mots et de possibles, on se plait à cet appel désespéré à n'être jamais tout à fait achevé.
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Non il n'y a pas de hasard : « Il n'y a pas de Ajar » est un excellent livre.

D'abord parce qu'il est écrit par Delphine Horvilleur, brillante intellectuelle qui est par ailleurs une femme rabbin, qui nous a enchanté avec « Vivre avec nos morts » - entre autres.
Mais aussi parce que cet essai (mais est-ce un essai ? Difficile à cataloguer) est sous-titré : « Monologue contre l'identité ».

Et c'est vrai que ça fait du bien, dans ces quelques phrases, d'entendre un souffle totalement différent de ces messages identitaires qu'on entend sur toutes les ondes et sur tous les réseaux sociaux.

« - Tu veux un cachou ? »

Pour tenir son propos, elle prend le parti d'entrer dans la peau d'un homme qui n'existe pas : Emile Ajar. La première partie rend un hommage appuyé à ce subterfuge bien connu des littéraires maintenant, avec le dédoublement de Romain Gary obtenant deux fois le Prix Goncourt sous deux identités différentes.

Mais la seconde partie est encore plus intéressante.

« L'humour est une affirmation de supériorité de l'homme sur ce qui lui arrive », cite-t-elle en exergue de cette partie, une citation de Romain Gary lui-même, bien sûr.

Et elle imagine que Romain Gary/ Emile Ajar n'a pas appuyé sur la détente du pistoler destiné à son suicide. Non. « Ajar n'est pas mort ce jour-là. Il a continué à être bien vivant, et il s'est planqué là. »

Audacieux, non ?
Mais mieux encore.
Elle imagine que Emile Ajar a eu un fils, Abraham. Et que de cette sorte de cave, de grotte où il se cache, il peut envoyer quelques messages.
Nous avons droit alors à un passage par la bible ancienne, mais surtout un appel à échapper aux étiquettes et définitions qu'on nous colle et qui nous empêche d'être soi.

« Abraham et mon père ont compris tous les deux qu'il y avait une urgence à n'avoir aucun rapport avec le contexte et pour ça, qu'il fallait se soustraire, se casser, le plus loin possible, et en tout petits morceaux. Tout faire pour échapper à ceux que vous comprenez et qui vous comprennent, ceux qui savent tout de vous parce qu'ils vous ont vu naître ou appris à parler, et qui s'imaginent que ça crée des liens.
Non, non, pas question d'appartenir ! Et merde à l'engendrement. »

« - Tu veux un cachou ? »

C'est très rafraichissant de lire ces propos.
Elle invente des concepts. Comme celui de « Intactiviste » pour s'apposer à la circoncision, qui détermine le peuple juif. Et nous appelle à nous débarrasser de « cette idée morbide qu'il y aurait une possibilité vraiment d'être soi ».

Que nenni.

Dieu lui-même est convoqué. Ou plutôt invoqué puisqu'on ne peut prononcer son nom. Et Dieu aussi est contre le déterminisme. Ou contre l » appropriation culturelle », à savoir l'idée qu'on ne peut pas écrire sur un personnage féminin si on n'est pas soi-même une femme etc. …
Cette grotte où est caché Abraham est peut-être en chacun de nous. Ce trou est d'ailleurs peut-être un nom de code. Parce qu'il y a bien un médecin viennois qui en a parlé aussi : « Lui, il appelait cet endroit autrement, « l'inconscient », je crois ou quelque chose comme ça.

« - Tu veux un cachou ? »

Lisez « Il n'y a pas de Ajar ».
Pas de hasard, Delphine Horvilleur est manifestement la plus forte.

Lien : http://versionlibreorg.blogs..
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Chère Delphine

Votre nouveau livre est un énorme coup de coeur, tout comme le précédant. Au lieu de le chroniquer selon mon habitude, je préfère partager en quoi et comment il m'a tellement touchée. Je vous ai entendu parler à la radio la semaine dernière et j'ai su que je devais lire cet ouvrage au plus vite, il me paraissait écrit juste pour moi, impression qui s'est vite confirmée (même si je sais que ce n'est pas tout à fait vrai !). Quand vous avez dit que « nous sommes tous les enfants des livres que nous avons lus », je ne pouvais pas attendre pour découvrir ce livre, cette phrase me semblait si juste.

Dans la première partie vous nous parlez de vos liens avec Romain Gary, auteur que je n'ai jamais lu, mais ce que vous en dites m'a beaucoup touchée, car je crois qu'on a tous un auteur qui a un jour marqué notre vie de traces indélébiles. le mien n'est pas Romain Gary, je ne donnerai pas son identité, c'est beaucoup trop intime, mais un livre lu vers quatorze- quinze ans est arrivé au bon moment dans ma vie d'adolescente déprimée. J'avais de très mauvaises relations avec ma famille, je me sentais seule et incomprise, ce qui n'est pas très original à cet âge. Avec le recul, on se rend bien compte que ce genre de crise n'est pas bien grave et très courant, mais ce n'était pas mon ressenti du moment. Un livre qui a eu pas mal de succès à ce moment m'a permis de prendre du recul et de sortir de cette déprime. L'auteur n'a écrit que quelques livres , mais j'en avais fait une sorte de grand frère (vu son âge il ne pouvait pas être un père spirituel) et je l'ai aussi enfermé dans ma cave pour lui inventer de nouvelles aventures. Il a eu une grande influence sur mes choix à ce moment de ma vie et a laissé sa marque (positive) sur la suite de mon existence. J'ai longtemps eu l'impression de vivre une expérience unique et cachée, aussi vos paroles m'ont vraiment touchée dans l'interview. Depuis j'ai lu des centaines de livres, et je suis persuadée qu'on est vraiment les enfants de ceux-ci.

J'ai aussi beaucoup aimé ce que dit votre Abraham sur la nécessité de ne pas être que ce que l'on est par sa naissance, sa religion etc. C'est vraiment important d'aller voir ailleurs pour élargir notre horizon et aussi de voir ce que les autres traditions ont à nous dire, démarche de moins en moins prônée par les temps qui courent. L'oecuménisme n'est plus à la mode, contrairement à ce que j'ai connu dans mon enfance et mon adolescence. A cette époque, les enfants de ma paroisse réformée avaient des activités communes avec ceux de l'Eglise catholique, située juste en face de la nôtre. A tour de rôle notre pasteur et leur curé nous racontaient les histoires de la Bible, nous proposaient des jeux et un goûter communs, cela se passait juste après Vatican II quand on croyait encore qu'un vrai rapprochement était possible. Notre pasteur nous montrait des diapositives d'Israël et nous expliquait que Jésus n'était pas chrétien mais Juif et qu'on devait s'intéresser à cette culture et la respecter comme on respectait Jésus. Je suis consciente de la chance que j'ai eu de grandir dans cet univers ouvert qui m'a appris à regarder dans le jardin du voisin pour y découvrir de belles fleurs qui ne poussaient pas dans le mien mais l'enrichiraient. Malheureusement cet esprit d'ouverture s'est bien refermé et je ne l'ai plus du tout trouvé lorsque j'ai étudié la théologie dans les années 1980, toutefois j'ai gardé cette bonne habitude. Depuis plusieurs années, j'ai conservé ma vision réformée mais j'ai intégré une Eglise pentecôtiste pour la qualité relationnelle qui y règne, sans partager leur interprétation trop littérale de la Bible. Je suis sûre que notre identité ne peut être que plurielle.

J'ai beaucoup aimé l'humour présent dans votre beau livre, en particulier la manière dont votre Abraham parle du Dieu des incroyants, celui à qui on demande de soigner nos problèmes ou de nous donner de la chance, il m'a fait penser au Dieu du parking, celui que mes amis pentecôtistes ne manquent pas de solliciter pour trouver une place rapidement ou pour réparer quelque chose tombé en panne. Cette manière de confondre Dieu avec le Père Noël me semble en contradiction avec le deuxième commandement, mais chacun sa foi.

Un grand merci pour ce livre que j'ai adoré, il y aurait encore tant de choses à en dire, mais j'ai préféré me cantonner à ce qui m'a vraiment fait vibrer.

Pour une critique moins subjective, je vous renvoie à l'excellent blog de Matatoune, une as de la chronique littéraire : https://vagabondageautourdesoi.com/2022/09/21/delphine-horvilleur-il-ny-a-pas-dajar/#comment-14460
Lien : https://patpolar48361071.wor..
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" Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous " ( citation attribuée à Paul Eluard ).
Dans cette fantaisie, Dephine Horvilleur, rabin nous parle de son admiration pour Romain Gary qu'elle considère comme son " dibbouk ", un esprit attaché au corps d'un individu ! Elle a 6 ans le 2/12/1980 quand Gary se suicide d'une balle dans la bouche, et elle considère qu'il lui a posé un "lapin" et, même si les années ont passé : elle salue en lui sa volonté de se réinventer comme il l'a fait avec son 2° Goncourt sous le pseudo d'AJar !
Elle imagine un homme Abraham, fils d'Ajar issu d'une falsification littéraire qui vit dans une cave et, précisément dans le " trou juif " du 2° Goncourt comme dans "la vie devant soi " ! C'est un monologue sur l'identité qu'elle met en place pour revisiter l'univers de Romain Gary, celui de la Kabbale, de la Bible avec pour objectif de resituer les débats politiques d'aujourd'hui avec des humains enfermés dans les exclusions, les compétitions victimaires, les obsessions identitaires et mortifères.
Abraham refuse l'identité de la religion juive transmise depuis des générations, l'idéalisation du passé, la circoncision obligatoire car nous sommes les enfants des livres et pas de nos identités !
Finalement, la vie sous pseudo permet d'échapper à Dieu, et si Romain Gary avait voulu fuir sa judéité pour devenir Ajar et assurer ainsi sa survie littéraire ? Un monologue brillant, érudit et drôle contre l'étau identitaire...
Merci à la Masse Critique de babelio, à AUDIOLIB pour ce livre et aussi à Johanna Nizard pour sa lecture !
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Un essai à mettre dans toutes les mains des amoureux de Romain Gary.
Et des autres aussi.
Delphine Horvilleur rend ici un hommage tendre et respectueux à ce père en littérature que représente Romain Gary pour elle. Il a écrit pour elle, lui semble-t-il, et même si elle a bien conscience qu'il est hasardeux de confondre coïncidences et volonté, elle ne peut que considérer son attachement à Romain Gary qu'à travers mille détails en corrélation avec son arrivée en écriture.
La préface est à ce titre très émouvante et passionnante. Romain Gary est notre héritage, notre actualité, notre future. Car Delphine Horvilleur partage avec nous la leçon donnée par Romain Gary, non seulement avec son pseudonyme mais aussi avec les contradictions avec lesquelles il a mené sa vie.
Le pivot du texte est le monologue du fils spirituel de Émile Ajar. Plein d'humour, il s'adresse à ses contemporains dans une langue facile d'accès mais qui sans doute n'a pas été facile à écrire. Car, à travers cette pirouette, Delphine Horvilleur dénonce les dangers de la crise identitaire de notre société et nous alerte sur la tendance du repli sur soi. le cas « Ajar » est le socle d'une démonstration passionnante : on apprend à être soi-même par la connaissance de l'autre.
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« Ici, tu sais bien que comme tout le monde, tu vis sous pseudo. »

Du grec ancien ψευδής, pseudês (« faux, erroné » ou «ne convient pas à la personne »).

De la liberté d'être soi-même et mille autres à la fois.

J'ai découvert avec une attention toute particulière cet écrit, sous la forme d'un monologue, de Delphine Horvilleur - rabbine, autrice, journaliste - qui avait attisé ma curiosité lors d'interview. Delphine Horvilleur, une conteuse – pour notre plus pur plaisir de l'écouter ou de la lire.

D'une idée fantaisiste, d'une filouterie littéraire, créer Abraham Ajar, fils d'Emile Ajarpseudonyme littéraire et double fictif du célèbre auteur Romain Gary né Roman Kacew, et c'est parti pour ce monologue ; je me suis laissée embarquer dans ces réflexions pleines d'intelligence, de malice, de drôlerie, de finesse, de psychologie. D'inventivité et aussi de réalisme époustouflant.

Pluralité des identités, multiplicité des êtres, filiation, transmission, place du père, fraternité, poids des héritages, doubles littéraires … Constante mutation de tout un chacun. S'échapper des carcans. S'autoriser à être.

« En fait, faudrait pouvoir être toujours en chemin. Pour lutter efficacement contre « l'identité », il faudrait pouvoir sortir de la binarité, et du « soit l'un, soit l'autre ». Mais sortir de la binarité, c'est un défi insurmontable ».

Delphine Horvilleur revisite, à travers son personnage, les univers de la Bible et de la Kabbale, avec un humour juif réjouissant ; elle nous propose quelque chose de très actuel, rythmé, très vif et enlevé, un regard qui réveille les questionnements.

Sous des airs cocasses et plein de traits d'esprit, un monologue engagé, argumenté, qui fait réfléchir ; et qu'en effet on imagine tout à fait déclamé sur une scène de théâtre.
Delphine Horvilleur a une personnalité que j'aime beaucoup. Je recommande cette lecture, antidote à la morosité.
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Je suis encore frappée par l'intelligence et le recul de Delphine Horvilleur.
Elle part du cas e Roman Gary / Emile Ajar pour s'interroger sur l'identité. Qui sommes-nous, et comment nous définissons-nous ? Est-ce qu'un nom, une religion, une appartenance à une nation, à un peuple, peut faire de nous exactement ce que nous sommes, et uniquement ce que nous sommes ?
Voilà les questions que se pose l'autrice, avec beaucoup d'humour aussi. Je ne me risquerais pas à essayer de résumer davantage ce livre, car la pensée en est complexe, mais il se lit rapidement, donc je pense que j'y reviendrai.
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Après avoir été profondément touchée par le précédent ouvrage de Delphine Horvilleur, j'étais très impatiente de découvrir ce nouveau titre et l'émotion fut encore au rendez-vous.
Grande admiratrice de Romain Gary, l'auteure consacre la première partie de son livre aux liens « intellectuels » très étroits qui la lient à cet écrivain et à sa pensée. Elle évoque la nature des échanges qu'elle aurait aimé avoir avec lui tout en mentionnant le fait que son refus d'être réduit à une identité, notamment à sa judéité, « fait de lui un auteur très juif », (p.18) et combien cet aspect de sa personnalité perce pourtant, consciemment ou non, dans ses choix et dans ses textes.
La seconde partie est consacrée au concept « d'identité » et à tout ce qu'il représente d'aléatoire, de réducteur, voire de dangereux. Pour ce faire, Delphine Horvilleur donne la parole à un être fictif qui n'est autre que le fils d'Emile Ajar, personnage ayant lui-même été le fruit imaginaire d'une mystification.
La plume et le raisonnement de l'auteure sont brillants et nous livrent un très beau texte, juste, à l'humour subtil et très présent.
A découvrir absolument, tant pour le talent de l'écriture que pour le message qu'elle véhicule.


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