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3,88

sur 403 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Voilà une lecture qui aura été source de bien des questions, bien dérangeante parce qu'elle m'a obligée à sortir de mes conforts habituels, finalement, avec mes goûts pour certains sujets, mes habitudes de narration, peut-être même le choix d'un style d'écriture.


Dans ce récit, tous les chapitres débutent presque toujours par les mêmes mots - une allusion aux trente-cinq années qu'a passées Hanta dan sa cave à détruire les livres, créant une sorte de leitmotiv et par là évoquant une chose immuable, qui ne pourra s'arrêter qu'avec l'absence d'Hanta de ce lieu oublié comme par exemple s'il part en retraite. Ce dernier nous raconte son quotidien, dans un premier temps : le travail qui est le sien - pilonner des livres à longueur de journée, être "presseur" de livres, tâche qu'il effectue néanmoins dans le respect des pages qu'il détruit en faisant des "paquets" esthétiques garnis de reproductions de tableaux célèbres et au coeur desquels il prend soin de placer une oeuvre qu'il juge magistrale ou pleine de beauté, comme un noyau pour allier culture et couleurs, quoiqu'il en soit. Une façon de rendre hommage à ces pages qui lui donnent tant puisqu'il les apprend par coeur, se les récite, s'en créant tout un environnement à moins que finalement ce ne soit réellement sa vie. Une vie par l'intermédiaire de ce qu'il lit et médite au jour le jour dans sa cave.
Pourtant, tout n'a pas toujours été ainsi et les souvenirs viennent souvent lui parler, faisant réapparaître des amis chers ou des situations alambiquées.

Hanta n'est pas particulièrement attachant au début de ce roman : il est quelque peu négligé, il a un humour grinçant quand ce n'est pas carrément une certaine trivialité dans le ton de ce qu'il raconte...
Il vit dans une maison qui est le lieu où il entrepose les ouvrages qu'il a sauvés de la destruction, qu'il empile, le faisant dormir sous un échafaudage qui est instable, à l'image de sa vie qui ne l'est pas moins.
C'est aussi une histoire de solitude, subie mais surtout cultivée, Hanta vole les phrases des livres qu'il détruit, s'en délecte, s'en construit et il n'est pus livré seulement à lui-même.
Ses seuls "amis" sont les personnages de son passé dont il nous narre la destinée, le phrases se suivent se répètent, comme un ressac, comme la pensée qui va et vient, à l'image du mouvement de la presse, à l'image des idées qui apparaissent dans les vapeurs d'alcool ou les personnages évadés des textes qu'il déchire.

Le jour où il découvre une autre façon de travailler en observant les brigades de jeunes qui, un oeil tourné vers une occidentalisation de leur mode de vie, pilonne sans vergogne et sans curiosité ses chers livres, il sait que ses jours sont comptés et que l'espoir est vain.



J'ai poursuivi ma lecture, même si parfois, je l'avoue, certains passages m'ont perturbée, mais à d'autres moment, il y en a de très beaux sur les Tsiganes, leur culture, leur regard sur ce qui les entoure...
J'ai vu que bon nombre de lecteurs disaient avoir relu plusieurs fois ce texte et en lisant la dernière phrase, j'ai compris le pourquoi, car le regard change sur Hanta et de là sur tout ce qu'on a lu auparavant. La seconde lecture ne manquera pas de permettre une autre analyse des idées et du texte.
Je ne sais dire si ce livre est un chef-d'oeuvre ou non, je n'ai pas les clefs pour le juger c'est avant tout pour moi, un texte qui demande qu'on oublie sa façon de lire habituelle.
Je ne sais pas non plus s'il se veut la critique d'une certaine politique, peut-être à mes yeux davantage la dénonciation d'une perte culturelle qui uniformise les êtres par la pensée unique.

Tout au long de la lecture, je n'ai pu m'empêcher de penser à Vélibor Colic et à son arrivée sur le sol français quand il dit avoir eu l'impression d'avoir dans la poche, sa vie d'avant, son identité, son âme presque, compactées, pour les oublier un peu d'une certaine façon. Lui qui, lors du premier emploi qu'il occupe dans une bibliothèque sauve du pilon les oeuvres de Kafka en les indiquant comme sorties pour une consultation, alors qu'elles restaient désespérément sur les étagères et n'étaient pas empruntées.



Je remercie l'ami babéliote qui m'a guidée jusqu'à ce livre : pari réussi puisque j'ai très envie de lire un autre récit du même auteur, parce que ma curiosité a été piquée...
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« C'était des chargements entiers de livres qu'on détruisait ici ; apaisé maintenant, je voyais, derrière les parois vitrées, ces camions décharger de pleines cargaisons de livres encore vierges, qui s'en allaient directement à la poubelle sans qu'une seule de leurs pages ait pu souiller les yeux, le coeur ou le cerveau d'un homme. »

Hanta est un homme plus tout jeune qui passe ses journées de travail dans une cave. Il détruit des livres à l'aide d'une presse mécanique un peu poussive. Il est en fait des ballots qui partent au recyclage. Mais c'est un artiste dans son genre car il prend soin de cacher tout au milieu de chaque paquet un classique de la littérature ou de la philosophie ; il soigne aussi l'extérieur grâce à des reproductions de grands peintres. Il arrose copieusement ses journées de litres de bière, qu'il sort acheter dans un café proche. Il prend parfois le temps de lire et de savourer un extrait d'une trouvaille particulièrement belle. Autant dire qu'il n'est pas dans les bonnes grâces de son patron, qui le rabroue souvent.

Hanta sauve de sa presse certains des livres qu'il voit passer. Il les entrepose alors chez lui pour les lire, au risque de se retrouver enseveli sous eux…

Sa retraite approche. On est à Prague dans les années 1960/1970. Il a pour projet de racheter sa presse et de finir ses jours en faisant chaque jour un seul ballot, mais un chef d'oeuvre !

C'est sans compter sur les temps nouveaux : l'ordre du jour est à la rentabilité sans états d'âme, comme la décrit ma citation ci-dessus…

Ce court roman, imaginatif et d'une très grande liberté de ton, est une merveille dans son genre unique. Mais il n'est pas pour autant « mignon » ! Les ordures, les égouts, les rats et souris (écrasés ou pas), le sang, les excréments, les mouches s'y trouvent souvent au premier plan. Autant dire la vie dans tous ses états.
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Une trop bruyante solitude est un texte d'un des plus grand écrivain tchèque avec Milan Kundera. à savoir Bohumil Hraba.

Travailleur de l'ombre, Hanta, obscure et anonyme ouvrier, pilonne des livres. Au fond de la cave atelier d'un pays d'Europe centrale, les livres deviennent ses amis, ses confidents, sa richesse et son ailleurs.


Hanta nous conte sa vie, ses rares sorties dans le vrai monde n'ont été guère concluantes alors Hanta découvre qu'en devenant un homme livre on peut devenir un homme libre.

Ce texte du dramaturge Tchèque Bohumil Hrabal, c'est une poésie brute qui éclate et éclabousse les spectateurs.

Philosophique, poétique et politique, un écrit certes minimal, mais parfait pour raconter une vie, notre vie.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Une nouvelle fois notre amie Nathalie m'a gâté pour mon anniversaire avec ce petit livre tchèque, une petite pépite improbable comme je les aime.

Plongée dans la Prague des années 60 et du temps du communisme, longtemps avant que la mondialisation l'ait transformée en ville spécialisée dans les enterrements de vie de garçon avec beuverie et stripteaseuses. Loin, très loin du monde gorgé de bruit et d'agitation que nous connaissons, un vieil ouvrier manie la presse hydraulique dans laquelle, sans trêve, coulent ferrailles, vieux papiers… Et livres. Livres qu'il attrape au vol, qu'il collecte, qu'il garde, dont il se nourrit, une phrase par si, une phrase par là. Chacun de ses paquets de rebuts, il les construits comme des oeuvres d'art, les orne, cache en leur coeur un livre différent.

J'en ai connu quelques-uns, sans doute parmi les ultimes et derniers, de ces ouvriers qui accomplissaient leur labeur comme un art. Ce qui pour la plupart d'entre nous passerait pour une tâche épuisante, répétitive et aliénante, était pour eux une sorte de symphonie dans laquelle ils mettaient leur force et leur intelligence, dans laquelle ils voyaient de multiples nuances et ils mettaient tout leur coeur. Ils tiraient orgueil de leur force, de leur ouvrage, et surtout de leur rigueur. On appelait ça, je crois ‘'le goût du travail bien fait''. Dire d'un homme qu'il ‘'n'avait pas le gout du travail bien fait'' signifiait : c'est un jean-foutre.

Merci pour ton cadeau Nathalie. Si tu me le permets, je profiterais de cette critique pour rendre un hommage à mon ami Fernando Garcia, décédé il y a une quinzaine d'années, et qui a toujours été gentil avec moi et tous les autres gamins du village de montagne où je passais mes vacances. Il avait fui l'Espagne franquiste pour sauver sa vie, il est arrivé en Haute-Savoie, où il a fait tous les métiers que les autres ne voulaient pas faire, et creusé des kilomètres et des kilomètres de tranchés à travers la montagne seul avec sa pelle et sa pioche. C'était un homme simple, et il avait le goût du travail bien fait. Mais contrairement au héros de l'histoire, il fut reconnu et aimé, et la fin de sa vie fut très heureuse.
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« Voilà trente-cinq ans que je travaille dans le vieux papier… » C'est ainsi que commence chaque chapitre. Hanta est Sisyphe, le papier son rocher. Inlassablement, il travaille au pilon. Bouton rouge, bouton vert, la machine infernale compresse sans distinguer les oeuvres des philosophes et les emballages souillés de sang du boucher. Faut-il y voir un funeste avertissement ? Penseur ou bête de somme, il n'y a qu'une fin possible. Hanta n'est pas le bourreau des lettres et des idées. Il en est le sauveur, prélevant ici les beaux ouvrages, sauvant là les chefs d'oeuvres oubliés. Il ne peut se résoudre à leur disparition quitte à transformer sa demeure en un dédale de papier et de poussière. C'est un équarisseur éclairé qui ne peut pas faire abstraction de ce qu'il détruit, ne manquant jamais de nous livrer ses réflexions (« il restera à l'homme juste assez de phosphore pour fabriquer des boites d'allumettes et juste assez de fer pour forger le clou d'un pendu ») ou de comparer les figures de l'histoire, avec une saine irrévérence (« Jésus était toujours en proie à une suave extase et Lao-Tseu, plongé dans une mélancolie profonde »). C'est un livre qui se lit vite mais se réfléchit au long cours, parce que l histoire de ce taulier amoureux d'une tzigane cache beaucoup de thèmes importants : l'absurdité du système socialiste, la critique du modernisme, le devoir de mémoire et l'holocauste, entre massacre des souris (inspiration d'Art Spiegelman ?) et suppression cathartique de tous les ouvrages (réponse à l'autodafé) contemporains de l'occupation nazie.
Bilan : 🌹🌹
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Hanta travaille depuis 35 ans dans un sous-sol a compacter les vieux papiers et les livres proscrits par le régime politique. Sous sa presse hydraulique il écrase la culture. Hormis la compagnie de quelques souris, il est le plus souvent seul dans sa cave. Il maitrise l'art de la destruction et la joie de la dévastation mais il est devenu un broyeur raffiné et cultivé. Il sauve des textes de la mâchoire de la machine. Son petit appartement est rempli jusqu'aux combles de tonnes d'ouvrages qu'il a protégé de la réduction en pâte à papier, au point que les étagères qu'il a construites au-dessus de son lit risquent à tout moment de lâcher et de l'enterrer.

Le monde de Hantá est une Prague communiste en ruine. Hrabal combine des descriptions lyriques des plaisirs et de la nécessité de la lecture, avec des passages surréalistes dans lesquels Hantá interagit avec les personnages des livres.  C'est une oeuvre au style fou, à la syntaxe parfaite.
Hrabal transcende la simple mise en accusation d'un régime en puisant dans les joies universelles et transcendantes des livres et de l'art. Quand la lecture et l'engagement intellectuel ne sont plus valorisés, l'auteur pointe du doigt les dangers de déshumanisation.
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Que dire, que dire… le quatrième de couverture vante le chef-d'oeuvre d'un des plus grands écrivains tchèques. Certes pas. Je me suis ennuyée à la répétition des noms de Hegel, Schiller et Nietzsche. Une oeuvre majeure de la littérature tchèque ? Peut-être. En fait, il faut dépasser les deux-tiers de ce court livre. La page sur la disparition de l'amie tsigane du narrateur et celle qui suit sur Hitler valent leur pesant de cacahuètes. La fin que l'on pressent depuis le début aussi. En fait, si je dois me résumer, le dernier tiers rachète le début. Mais un chef-d'oeuvre ? Certes pas.
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Quand la poésie rencontre l'absurde quête d'un ouvrier chargé de la destruction de livres, quête visant à sauver des livres dignes d'intérêt, perdus parmi les immondices…

Auteur tchèque à découvrir, surtout si on aime le grand Franz.

Une très belle surprise que je vous conseille.
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Hanta travaille depuis trente-cinq ans à écraser, détruire des livres dans sa presse mécanique. Après quelques regrets, il finit par y prendre goût et élever son travail au rang d'art tant il prend soins à tout compacter en petits paquets. Malgré cela, toutes ces victimes littéraires lui pèsent ; il en sauve quelques unes en les ramenant chez lui, et d'autres en s'imprégnant de leur contenu.

L'ambiance kafkaesque, et l'incertitude de ce qui est réel ou pas, laissent beaucoup de questions quant à la manière d'interpréter ce texte. L'opposition entre la presse artisanale de Hanta et la presse industrielle peut signifier que la conscience du travailleur se perd pour devenir le maillon d'une chaine, que la conscience artistique disparait, ou bien cela peut exprimer le simple sentiment d'être dépassé par ces temps qui changent. Après tout, les plongées dans les souvenirs pénibles de jeunesse, puis les retours au pénible présent, nous font ressentir cette vieillesse du personnage, éreinté par le poids des années passées à se dédier corps et âme à son travail, solitaire. Hanta, écrasé par l'Histoire, par ses échecs sentimentaux, et par son travail, finit écrasé au sens propre. La presse semble entre une allégorie de l'Histoire, et les souris les victimes habituelles, les gens qui ne demandent rien, qui veulent simplement vivre, comme la Tzigane que Hanta n'a jamais revu.
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Relecture salutaire.

Bohumil Hrabal est un écrivain tchèque tout à la fois très connu et confidentiel. Connu et souvent considéré comme "l'autre" grand écrivain tchèque de la fin du XXe siècle (à côté de Milan Kundera), et confidentiel parce qu'une grande partie de son oeuvre a été publiée initialement sous le manteau, qu'il fut interdit de publication (de 1970 à 1976 puis de 1982 à 1985, me souffle Wikipedia), que certains de ses ouvrages ont été pilonnés. Confidentiel également car, finalement assez peu connus sous nos cieux, les titres de ses livres, et surtout de celui-ci, se transmettaient il y a quelques décennies comme de précieuses confidences. J'ai ainsi eu connaissance de l'existence de cette Trop Bruyante solitude par une amie qui me donnait alors l'impression de se livrer plus que lorsqu'elle m'ouvrait les draps de son lit quelques semaines plus tôt... mais je m'égare. Je dois dire que cette première lecture, il y a environ vingt-cinq ans, m'avait laissé pour le moins dubitatif, et que l'étiquette de "chef d'oeuvre de l'auteur" me semblait pour le moins exagérée.

Qu'en dire aujourd'hui, après cette tardive relecture ? Une oeuvre complexe, imagée, dont il semble clair qu'elle est aussi (mais pas seulement) une attaque féroce contre un régime absurde. Toutefois, la dénonciation est en filigrane : ce n'est jamais simpliste, évident ou transparent, mais plutôt diffus, comme une ambiance qui naîtrait de la confrontation incessante entre une trivialité à la limite de la grossièreté et une poésie indéfinissable. Tous les chapitres ou presque commencent par la même accroche, mais tous apportent une nouvelle pierre à l'édifice, et nous conduisent à l'inéluctable conclusion. Les parallèlles abondent, et, si j'osais, finissent par se croiser, du destin des souris à la guerre des rats, des métaphores obscures à la sombre cave où Hanta, écrasé par son destin, illumine les recoins et quelques instants de ses précieuses trouvailles littéraires, philosophiques ou artistiques.

Inclassable, exigeant, mais aussi salutaire témoignage, ce livre mérite à mon sens le petit effort nécessaire à sa découverte.

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