Evocation « à la manière de » de
la Cantatrice Chauve de
Ionesco (anti-pièce parue en 1950) :
La scène se tient dans la banlieue de Londres, la capitale mondiale du boeuf à la menthe et du Royaume Désuni. C'est l'après-midi, avec les
Bill Vezay en famille, vêtus style très anglouillard, dans leur salon anglouillard grande époque. le père Bill et sa femme Bill finissent de digérer (soupe de poisson au lard, pommes de terre aux harengs et pudding aux haricots), avec leur fils Bill et leur fille, qui s'appelle Bill. Il y a aussi Mary, la bonne, qui s'appelle Sherlock Holmes.
La pendule marque la 2e mn de 16h34.
- Bill fils : ah, je termine la pièce de
Ionesco,
La Cantatrice chauve. C'est très drôle, mais elle décoiffe quand même pas mal, cette cantatrice !
- Bill fille (qui est aussi la soeur de Bill – le fils, pas le père, parce qu'elle en est déjà la fille) : oh oui, je l'ai lue, ça soulève bien les tifs, ça vrille la raie et ça secoue bien la moumoutte ! J'en ai rarement lu des comme ça !
- Bill fils à Bill père : tu la ranges où sur l'étagère, déjà, cette Cantatrice ?
- Bill : à côté de la méthode Assimil « le Zoulou sans peine ». En fait,
Ionesco s'est inspiré d'une méthode Assimil en anglais pour créer son petit bijou théâtral. Mais tandis que tout est bullshit et abracadabrantesque avec Assimil, c'est tout véridique, authentique et rationnel dans La Cantatrice !
- Bill mère : oui, enfin, bon, des cantatrices chauves, moi, j'ai un doute. Si tu permets. D'ailleurs, on ne la voit jamais …
- Bill père : mais mon amie, elles le sont toutes ! A votre âge, vous devriez le savoir, quand même…
- Bill mère : pas la Catasfiore !
- Bill père : oui, oh, celle-là, peut-être, à la rigueur. Ça serait encore une histoire belge, que ça m'étonnerait pas non plus ! Non, les cantatrices sont toutes des skinheads. Avec un anneau à chaque oreille et un dans le nez. Pour améliorer l'acoustique. En jaillissant de la bouche, le son est répercuté et amplifié par le métal des anneaux. Il glisse ensuite sans obstacle sur le crâne lisse et sans aspérité, pour retomber ensuite en abondance sur l'audience en extase. Tandis qu'avec les cantatrices non épilées du caillou, le son qui s'élève est piégé et étouffé par la tignasse : c'est connu, quand même !
- Bill mère : tiens, c'est vrai, je n'y avais pas songé …
- Bill père : y a des fois, ma chère, je m'demande qui a fait votre instruction !
La pendule sonne alors les 27 coups.
- Bill mère : Mais que font les Martin ? Five o'clock va bientôt sonner et ils ne sont toujours pas là !
- Bill fille : de toutes façons, les Martin sont des crétins. Surtout Jacques, leur fille. La dernière fois, ils ont encore pris prétexte qu'ils n'avaient pas été invités pour ne pas venir. C'est tout leur genre, ça.
- Bill (père ou fils, c'est pas grave) : je crois qu'il est vain, en effet, d'espérer entendre teinter la sonnette. A propos de sonnette qui sonne, vous vous rappelez le passage dans La Cantatrice, où personne n'était à la porte, sauf le capitaine des pompiers à la 4e sonnerie ?
- Bill (heuh, je sais plus qui …) : ah oui, ben là encore, c'est bien borderline ce passage.
- Bill mère (si on suit bien) : Mais non : si tu avais réparé notre sonnette, tu t'apercevrais toi-même de visu que c'est toujours comme ça – On sonne, on va ouvrir la porte, et y a jamais personne.
– Bill fille : c'est vrai. C'est comme les notifications sur Babelio : la petite clochette s'allume, tu cliques et pshiit, y a peau de zébi ! C'est toujours comme ça !
- Bill frère : nanh, c'est comme dans
Ionesco : il suffit de compter jusqu'à 3 et de cliquer seulement à la 4e notification – c'est ça la techno. Quelques petits bugs bénins, faut vivre avec.
- Bill père : Ouais … N'empêche, on trouvera toujours des gens qui iront ouvrir la porte parce que la sonnette a retenti. C'est comme pour le téléphone : on décroche pas toujours comme ça non plus !
- Bill mère : évidemment. Je décroche à la 8e fois seulement ; par expérience, bien sûr. Mais le téléphone, c'est quand même pas pareil …
- Bill fils : Et pourquoi c'est pas pareil ?
- Bill mère : Parce qu'en décrochant même à la 8e fois, il n'y a personne non plus ! Parfois une voix, qui dit peut-être quelque chose, mais ça veut rien dire.
- Bill père : Ah, ben s'il y a une voix, ya forcément quelqu'un à l'aut' bout !
- Bill fils : C'est pas du tout sûr : Jeanne D'Arc aussi a entendu des voix, et il n'y avait personne à l'aut' bout.
- Bill père - Ah, oui, c'est historique, ça – je n'y avais pas pensé. Tout de même, les Français sont un peu niais aussi. Faudrait creuser la question un peu plus…
La pendule annonce five o'clock
- Bill père : Aah, c'est l'heure du shit ! Sherlock ?!
- Mary, la bonne : Monsieur m'a appelé ?
- Bill : oui. Servez-nous le five o'clock, je vous prie.
- Mary : tout de suite, Monsieur.
Mary - Sherlock apporte alors un plateau avec boissons, space-cake et joint.
Bill sert les boissons, tandis que Bill découpe le gâteau et que Bill allume le joint.
- Bill (tous en choeur) : Ah, les repas en famille, comme dans le bon vieux temps ! Et un bon joint fait maison, pour se remettre les idées en place ! Hot pot, home weed, sweet grass : y a que ça de vrai !