Ce
manga-pavé de près de 600 pages relève le défi de relater la vie, à sa façon, de l'immense
Katsushika Hokusai…Enfin, ça, c'est le nom que le monde entier a retenu, sachant que ce sacré bonhomme en a changé autant de fois que de kimono dans sa très longue vie (1760-1849). le
mangaka nous donne à découvrir un personnage haut en couleurs, au caractère têtu, bien trempé, parfois assez mégalomane parce que sûr de son talent et renommé dans tout le Japon, mais il faut bien le reconnaître un bourreau de travail jusqu'à son dernier souffle.
Hokusai aura arpenté le pays dans tous les sens à la recherche de scènes comme prises sur le vif, qu'il s'agisse de l'observation de la célèbre vague mainte fois recommencée, d'un coup de vent qui décoiffe un pèlerin. Il est aussi poursuivi par quelques démons dans le grand âge qui lui font peindre des visions de monstres, avec parfois une tendance franchement érotisante, comme la fameuse femme-poulpe. C'est que notre artiste est très porté sur les femmes, mais évidemment c'est pour la bonne cause, quand il peint quelques beautés. Ce goût exacerbé est probablement en partie la cause de son impécuniosité, sa vie durant.
L'auteur me semble modeste quand il affirme ne pas avoir mis en avant l'oeuvre d'
Hokusai, car des planches entières nous les donnent à voir. Et on se réjouit de redécouvrir ses grandes séries de dessins et d'estampes, dont
Shôtarô Ishinomori nous rappelle qu'elles ont influencé les impressionnistes français. Il ne prétend pas non plus que son
manga serait le reflet exact de la vie d'
Hokusai, c'est une vision d'artiste, qu'on pourrait qualifier de « romancée » et pas d'historien.
Le trait de crayon est plutôt fin et expressif, et à aucun moment je ne me suis ennuyé durant ces 600 pages. Il faut néanmoins s'accrocher parfois pour parfaitement suivre, du fait des multiples aventures du Maître qui lui font croiser la route de nombreux personnages, mais surtout par des chapitres non organisés selon la chronologie de sa vie. Ainsi, au cours des neuf chapitres, nous découvrons successivement le vieux fou de dessin (à 42 ans),
Hokusai, dit Taito (56 ans),
Hokusaimanga (53 ans), les cinquante-trois étapes du Tôkaidô (50 ans), Mon ami
Hokusai (50 ans), Honjo Warigesui (85 ans), Les trente-six vues du mont Fuji (67 ans),
Manji (74 ans), Miroir de la Chine et du Japon (80 ans).
Après avoir vu le film
Hokusai, sorti en France en ce printemps 2023 (5 ans après sa sortie au Japon !), ma préférence va nettement à ce
manga, que je recommande chaudement, avec un personnage bien plus attachant par ses qualités et défauts, le film étant bien trop elliptique sur des pans entiers de la vie de ce monstre sacré.