Je ne suis absolument pas fan de BD (à part un paquet de super-héros Marvels et tous les albums de Tintin quand j'étais gamin, je suis absolument ignare sur le sujet !). Mais quand on aime la littérature japonaise, même sans être amateur de BD et manga, il paraît qu'on se doit au moins de découvrir Jirô Taniguchi ! J'ai donc découvert là une de ses ultimes productions.
J'ai été frappé par la finesse, la précision du trait, les paysages notamment, sur lequel on devine le travail du maître. C'est aussi, au-delà de l'histoire de Tomoji et de sa famille, une occasion de revisiter l'histoire du Japon des années 1910 à 1930, fin de l'ère Meiji, courte ère Taisho, avec notamment l'épouvantable tremblement de terre du Kanto de 1923, puis Shôwa. Sur l'histoire elle-même, dès l'entame, nous savons que l'auteur va nous conter la rencontre entre la jeune Tomoji Uchida et Fumiaki Ito, un homme de sept ans son aîné. Photographe à la ville, il est venu dans ce coin reculé de campagne montagneuse, pour tirer le portrait de la grand-mère de Tomoji. La mamie aimerait bien que sa petite-fille l'accompagne pour poser...mais Tomoji est en vadrouille dans la campagne, et on ne peut plus l'attendre. Sur le chemin du retour, elle qui n'est encore qu'une enfant va croiser de loin Fumiaki. Ils ne feront vraiment connaissance que des années plus tard, se marieront et vivront heureux. Dans l'intervalle, nous suivons Tomoji, dont la vie durant cette grosse décennie sera faite de dur labeur et de grands malheurs. Après la disparition de son père (dont on comprend, c'est suggéré discrètement qu'il boit un peu trop de saké), sa mère ne se sent pas de taille à entretenir ses 3 enfants (Tomoji a un grand frère, Tôyô, et une petite soeur, Masaji) et retourne à la ville dans sa famille. Dès lors, la mamie, Tôyô et Tomoji vont se serrer les coudes et bosser dur pour vivre dans cet environnement exigeant. Ils n'éviteront pas la mort de la petite Masaji. Tôyô va se marier le premier avec une très belle et gentille femme, mais la grand-mère fatiguée disparaîtra juste avant...Tomoji, elle, à force de courage, réussit à étudier, apprend la couture, et, signe d'expertise, réussit parfaitement à coudre les manches des kimonos ! Elle va finalement obtenir sa juste récompense dans son mariage.
C'est une belle histoire, et pourtant, au-delà des qualités et de l'intérêt du livre signalés plus haut, j'avoue avoir été un peu déçu sur plusieurs points. L'histoire ne présente pas d'originalité, elle est même classique, voire assez naïve. De plus, contrairement a la force du trait, les dialogues sont eux aussi assez peu ambitieux. Enfin, je m'attendais à voir brosser la vie entière de Tomoji, c'est donc une surprise de voir le livre s'arrêter brutalement sur une dernière page du style, à peine caricaturé "ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants". C'est un parti pris de l'auteur, qui nous explique dans un court entretien en fin d'ouvrage, que Tomoji Uchida est une femme ayant réellement existé, connue pour être fondatrice d'un temple bouddhiste près de Tokyo. L'action et la vie spirituelle de cette femme étant très connues, il a préféré s'en tenir à ses années de jeunesse, en sortant d'une pure biographie. Mais peut-être aussi aurait-il donné une suite, l'homme interrogé en 2014 avait encore une foule de projets, et nous a quittés en 2017 à seulement 70 ans.
Elle s'appelait Tomoji est d'une lecture intéressante et agréable, mais probablement pas au niveau de ce qu'on présente comme des chefs d'oeuvre que serait Quartier lointain ou le Gourmet solitaire. Peut-être pour moi des lectures à venir...via la médiathèque !
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C’est une fois de plus un bijou que nous a là taillé Jirô Taniguchi.
Lire la critique sur le site : Sceneario
Taniguchi dessine le Japon rural, ses paysages, ses champs, son architecture traditionnelle, son mode de vie simple, avec une minutie de documentariste.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Ne laissons pas la caution « zen » ou l’harmonie du graphisme – fin, tendre, le style Taniguchi connait son apogée – servir d’éternels boucliers. Il faut se rendre à l’évidence : on s’ennuie. Les inconditionnels du mangaka pourraient toutefois y trouver leur compte, mais aux nouveaux venus, nous conseillerons L’Homme qui marche, récemment réédité et plus subtil.
Lire la critique sur le site : BoDoi
Qu'il s’agisse de drames (décès, catastrophe naturelle) ou de moments plus festifs (un bon repas, des retrouvailles), le scénariste montre sans montrer et effleure avec légèreté les sentiments de ses protagonistes. Son génie de l'écriture et de la mise en page font le reste. La lecture est fluide, reposante, profonde et immanquablement juste. Ça ne fait aucun doute, cette œuvre est le fruit d'un artiste au sommet de son art.
Lire la critique sur le site : BDGest
En dépit d’un rythme et d’une intrigue au départ plutôt mince, on reste fasciné par la splendeur des planches de Jirô Taniguchi dont les décors captivent autant que les personnages. Au fil de la lecture, on finit par s’attacher à cette chronique nostalgique et apaisante. Encore une belle découverte des éditions Rue de Sèvres.
Lire la critique sur le site : ActuaBD
Jiro Taniguchi nous offre une fois de plus un récit humain, doux, tendre, rempli d’émotions. Maître incontesté dans l’art de raconter, il nous plonge dans une famille rurale qui a vécu bonheurs et malheurs sans tomber dans le voyeurisme ou l’indécence.
Lire la critique sur le site : BulledEncre
Entretien de Jirô Taniguchi, morceaux choisis :
« Me lancer dans un travail hagiographique ne m'intéressait pas, rester dans les contraintes d'une biographie stricte non plus. J'avais déjà pu me faire une idée sommaire de l'itinéraire de cette femme en lisant les précédentes publications que le temple lui avait consacrées, et qui m'est clairement apparu, c'est qu'on ne peut pas faire un manga solide à partir de simples faits hagiographiques. Tous les épisodes d'une vie humaine, même intense et passionnée, ne sont pas forcément accrocheurs. Une enfance, par exemple, est une enfance, ce n'est pas intéressant en soi. Pour composer une histoire qui fonctionne, il est indispensable d'avoir recours à de la fiction. (…). Du coup, j'ai presque entièrement gommé ce qui concerne le temple et sa création – cela n'est mentionné que rapidement à la toute dernière page de l'histoire – pour me concentrer sur la partie de l'existence de Tomoji qui est antérieure à cet événement. L'angle que j'ai choisi de privilégier, si vous voulez, c'est le parcours de vie qui a façonné la personnalité de Tomoji, et qui l'a finalement conduite à choisi la voie de la spiritualité. »
Entretien de Jirô Taniguchi, morceaux choisis :
« Pour qu'un personnage puisse réellement exister dans une histoire, il est capital qu'il soit crédible, qu'il soit juste. S'agissant de Tomoji, j'y tenais d'autant plus que ce genre de personnage et d'histoire de femme est un peu un archétype, une figure universelle pour nous Japonais. Il existe une multitude de parcours et de vies féminines similiares au Japon, en tout cas à cette époque. Nous étions alors un pays pauvre, et les destins de ce genre – des vies frugales et très simples, souvent semées d'embûches – abondaient. C'était la vie ordinaire des gens de cette période. »
– C'est votre mère qui vous a appris ?
– Non, ma grand-mère. Le riz est le résultat de beaucoup de travail. C'est un aliment important. Il ne faut pas en gaspiller le moindre grain. C'est ce qu'elle m'a aussi appris.
Tomoji: Je veux vivre simplement. Avec des enfants dont les rires animent la maison. J'ai envie de construire une famille comme il y en a partout. C'est ce dont j'ai toujours rêvé. Je veux construire cette famille avec toi.
Fumiaki: Oui, moi aussi. Avec toi, j'ai l'impression de pouvoir surmonter toutes les difficultés. Je l'ai pensé dès notre première rencontre.
Tomoji: Moi aussi.
Après les difficultés, il y a toujours quelque chose d'heureux qui arrive.
Dans le 161e épisode du podcast Le bulleur, on vous présente Storyville, l'école du plaisir que l'on doit au scénario de Lauriane Chapeau, au dessin de Loïc Verdier et qui est édité chez Glénat. Cette semaine aussi, on revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :
- La sortie du deuxième tome de Madeleine, résistante baptisé L'édredon rouge, titre que l'on doit au scénario conjoint de Jean-David Morvan et Madeleine Riffaud, au dessin de Dominique Bertail et c'est publié chez Dupuis dans la collection Aire libre
- La sortie du premier tome sur deux de l'adaptation du roman d'Umberto Eco Le nom de la rose par Milo Manara, un titre édité chez Glénat
- La sortie du troisième tome de La fortune des Winczlav, un titre baptisé Danitza 1965 que l'on doit au scénario de Jean Van Hamme, au dessin de Philippe Berthet et c'est édité chez Dupuis
- La sortie de l'adaptation en bande dessinée du roman Indiana de George Sand, adaptation que l'on doit au duo Catel Muller et Claire Bouilhac ainsi qu'aux éditions Dargaud
- La sortie de l'album Je suis au-delà de la mort ! Que l'on doit L'homme étoilé et aux éditions Le Lombard
- La réédition de l'album Elle s'appelait Tomoji que l'on doit à Jirô Taniguchi et aux éditions Rue de Sèvres à l'occasion de leurs 10 ans
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