Dans cet essai très clair,
Paulin Ismard évoque principalement Athènes à l'époque classique mais développe aussi le rôle de l'esclave public, le dêmosios, dans d'autres cités. Il distingue le dêmosios, au service de la cité, de l'esclave royal, dévoué, lui, à la personne du roi et dont la puissance ne dépend que du bon vouloir de son maître
Dans un premier chapitre, il revient sur le genèse de l'esclave public: à l'époque de la Grèce archaïque, les détenteurs d'un savoir particulier, une technê (comme le travail des métaux par exemple), se déplacent de cité en cité, y restent quelque temps puis repartent. de fait, les détenteurs de savoirs particuliers ne sont pas intégrés dans la cité.
Avec le développement de l'esclavage-marchandise et la réorganisation des communautés civiques le personnage du dêmosios se met en place.
Les tâches qui sont confiées aux dêmosioi sont très diverses : des travaux publics à l'expertise des monnaies, en passant par l'organisation des séances du conseil des Cinq-Cents qui préparait les séances de l'Assemblée des citoyens. Des tâches qui requièrent donc une certaine technê, une certaine expertise dont sont dépourvus les citoyens athéniens. Ils exercent aussi la fonction de forces de l'ordre : "Ainsi l'Athènes de l'époque classique n'a-t-elle jamais connu d'autre force de police qu'un corps d'esclaves mis à la disposition de ses différents magistrats." Ça laisse rêveur, non?
Paradoxalement,
Paulin Ismard démontre ici que cet esclavage est constitutif de la démocratie athénienne: dans un souci d'égalité absolue, les membres des assemblées sont souvent tirés au sort et il est hors de question qu'un citoyen soit plus compétent que les autres. Les compétences revenaient donc à ces exclus du corps social, à ces sans-nom que l'on pouvait fouetter. A Athènes, "l'Etat ne s'est jamais incarné autrement que dans la pure négativité du corps-esclave du dêmosios." L'Etat ne peut pas prendre le pas sur la volonté commune.
Absolument passionnant, je l'ai dévoré en deux jours, le livre fait de nombreuses comparaisons avec d'autres sociétés esclavagistes. Je l'ai lu en consultant Les Mondes de l'esclavage pour les approfondir.