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EAN : 9782070387854
132 pages
Gallimard (03/01/1995)
3.92/5   13 notes
Résumé :
« Quand la domestique se fut retirée, nous tirâmes près du feu les chaises à bras dans lesquelles nous étions assis. Elena portait un corsage boutonné jusqu'au col avec des boutons de nacre sculptée. Ses doigts très courts, très mobiles, sans bagues, n'était une vieille chevalière à sceau, venaient jouer soudain avec les boutons. Elle me dévisagea longuement en silence. Les mèches noires tombaient tour à tour du haut de sa tête tandis que, les bras en l'air, elle ôt... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
« Elle dit que la foudre était toujours prête, la colère toujours enflammée, la solitude toujours sûre, la peur toujours insondable. »

C'est un livre que j'ai adoré, des personnages complexes, en souffrance à l'évidence. "Elle avait finalement décidé qu'elle n'était pas femme à se donner à quelque cause que ce soit. Pas même à un homme. Pas même à son souvenir." Une histoire d'amour qui ne dira jamais son nom, mais on lira quand même que "de toute façon, mille ans ou mille lieues de distance ne sont rien à ceux qui doivent se rencontrer".

Sous une apparence de femme libre, forte, refusant toute subordination, n'hésitant pas à choquer son entourage par des mots crus ou un rire brutal, elle vivait cloîtrer dans son corps, dans son esprit, frigorifiée, froide, "elle se plaignit que son corps ne laissât jamais quelque chaleur que ce fût après lui." Elle avait le don pour refroidir le plus attentionné des amants.

Elle cherchait, au travers d'actes ou de mots à exulter _comme un enfant le cherche avec des mots d'enfants, elle avec ses mots violents ou des actes indécents_ mais ne réussissait qu'à vexer, humilier et laisser dans le questionnement celui qui avait songé à faire d'elle son épouse, Didac Cabanillas. Ce dernier, prié de quitter la demeure, "allait rejoindre son lit de feuilles solitaire". Il aura été l'homme aimant, patient passionné, mais il ne l'aura jamais satisfaite pleinement. Je me demande si elle pouvait être satisfaite ? Elle qui songeait que "le plaisir qui nous arrache la joie la plus intense est parfois une prison où nous souffrons."

Elena Berrocal est une femme qui n'aura jamais été en paix : "Je cherche toujours quelque chose qui ne m'a pas été révélé." Une femme qui avait parfois des gestes cruels, infantiles, suçant son pouce dans son sommeil, "elle avait l'impression qu'elle était le fantôme d'une enfant". Comme une enfant finalement elle constatera que "Dieu est cruel. Son image est muette. Des mains qui sont clouées ne caressent pas."
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Souvent, lorsque je n'ai plus rien à lire, je lis ce livre. Il m'intrigue toujours avec autant de force.
La citation de Donoso Cortes en exergue, «La fierté est la forme extrême qu'a revêtu l'impiété.», brouille les pistes, mais illustre à elle seule la dimension religieuse de ce court récit. Et si ce court récit, révélait la dimension mystique de la sensualité exacerbée que nous portons ? Je n'ai pas encore trouvé de réponse à cette question.

Les noms des personnages sont pour beaucoup dans l'attrait du roman :
Teresa de Grajales, Didac Cabanillas, Elena Berrocal, Blas Renfo, Gaspar Guerra, des Catalans, fiers, comme tous les Catalans.

Viennent ensuite les rites des personnages
«Teresa avait bu coup sur coup deux tasses.» (de verveine préparée par Luisa la gouvernante)

Les lieux :
«Barcelone est un port qui vaut deux millions de tonnes. Alors que je ne valais rien.»

L'époque :
«En mars 1927, Didac Cabanillas avait rencontré et était tombé amoureux fou d'Elena Berrocal.»

Leur engagement :
«Cette jeune femme qui ne croyait en rien voulait toutes affaires cessantes ensanglanter les orgies de Primo de Rivera, (...) à genoux (...) alors qu'elle préparait la mèche d'une bombe (...)»
«Je cherchais alors tout ce qui pouvait être propre à servir de mèche pour détruire la dictature du porc.»
Leurs références :
Miguel de Unamuno, Ramon del Valle Inclan, Carl Schmitt, Benn, Ottwalt...
«Toute politique intérieure est une guerre civile fantôme»

Leur sexualité :
«Il s'abattait sur moi certains soirs et tous les matins sans exception. C'était une secousse qui me faisait mal et ne lui arrachait pas un cri si ce n'est une espèce de hoquet. Il se lavait ensuite dans un tub.»
«Tenant par le bras la maigreur féroce de Guerra, Didac Cabanillas était vêtu d'un habit bleu. Par contraste, il se tenait avec une espèce d'ampleur. Il avait le sexe assez gonflé. Il était très attirant.»
«Il me gifla sans un mot avec la même détermination qu'il a mise dans sa carrière, et qui lui a permis de réussir (...)»
«Il est hors de question que je désire jamais votre désir sous cette forme.»
«En quelques jours j'en étais revenue à l'âge où les hommes comme les nourritures remplissent les filles hommes d'un effroyable dégoût.»

L'Espagne :
C'est la honte de l'Espagne entière, pour peu qu'il existe sur terre une Espagne entière.

Didac mort, la dictature chassée par la République, que reste-t-il à Blas Renfo, le narrateur ?
«Je note ces souvenirs dans les derniers jours de novembre 1932.»
«Je sais maintenant pourquoi tous les hommes sont voués à importuner leurs amis des confidences de leurs amours.»

Didac Cabanillas et Elena Berrocal, ont vécu une histoire d'amour, une histoire de haine, magnifiée par leur détestation commune de la dictature.
«(Elena) était pure véhémence, pure impulsion. Elle haïssait tout. Elle haïssait le communisme, le nationalisme, ce qu'elle appelait la putréfaction individualiste, ou encore le retour à la nature, ou ce qu'elle nommait la morbidité bourgeoise.»
«Je suis une petite fille que l'interdiction bouleverse plus que la chose qui est interdite.» disait-elle à Didac Cabanillas.

Didac Cabanillas lui, «avait l'âme généreuse et il aimait donner.»

Elena restera à tout jamais la petite fille impressionnée par ses cours de catéchisme et leurs images : «Maintenant j'ai le désir de rejoindre la paille et la crèche.» ; même si elle les brocarde : «Le christianisme se trouve être la seule religion où Dieu a pris l'apparence d'un fils et c'est la seule religion qui me convienne et qui doit convenir à tous les suppositoires.»

En cela, ils apparaissent comme une parabole de l'Espagne, défaite, meurtrie, abandonnée, au cours des siècles, mais toujours libre et vivante malgré le poids de son passé religieux.

«Dieu est cruel. Son image est muette. Des mains qui sont clouées ne caressent pas.»

«De toute façon, mille ans ou mille lieues de distance ne sont rien à ceux qui doivent se rencontrer.»

Livre admirable dont je ne me lasse jamais.
Lien : http://desecrits.blog.lemond..
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Encore un livre très intrigant d'Agustina Izquierdo (alias Pascal Quignard)

Elena Berrocal est une femme profondément malheureuse qui porte en elle un souvenir enfoui et dévastateur : un viol commis sur elle par son père, sous des prétextes d'hygiène.

Personne dissociée, elle dissocie à son tour l'amour et le sexe : elle méprisait son amant Guerra, terroriste et poseur de bombes et n'acceptait ses assauts que par indifférence.

Mais elle ne veut rien de physique avec l'homme qu'elle aime. Ce serait profaner l'amour. Voilà pourquoi le "souvenir indécent" évoqué dans sa confession est la seule forme de sexualité qu'elle puisse lui offrir, tout un message en soi : le sexe avec lui serait cette chose indécente, telle une pénétration sans tendresse pratiquée à l'improviste : elle ravalerait l'aimé au rôle du père traitre et mal aimant.

L'amant désire-t-il vraiment cette relation altérée, faite d'abus et de trahison recommencée ?

Bien entendu le message ne passe pas, et Elena, à son coeur défendant, répercute par ricochet la violence originelle qu'elle a subie sur l'homme qu'elle aime.

Il sera brisé et en mourra : l'incapacité à se faire désirer de la femme de sa vie l'anéantira, sans qu'il se doute un instant que le problème, ce n'était pas lui.

Pouvait-elle le lui dire ? Savait-elle seulement ce qui se tramait en elle ?

Chaque être est cloîtré dans sa solitude et ne peut rien pour l'autre. Ni pour soi-même.

Le style de Quignard est égal à lui-même. J'ai beaucoup aimé l'allégorie de l'héroïne toujours absorbée dans la lecture d'abscons traités de philosophie, y cherchant désespérément, comme dans des hiéroglyphes, la solution de l'énigme qui l'empêche de vivre.
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"Un souvenir indécent" d'Agustina Izquierdo plonge les lecteurs au coeur d'une relation complexe, tourmentée et empreinte de contrastes entre un homme et une femme : Elena Berrocal qui choisit constamment de mettre à mal l'orgueil masculin de Didac Cabanillas, lui refusant une soumission définitive. Au final Elena Berrocal est une personne provocatrice, toxique et instable qui n'est jamais satisfaite de son sort et qui le poussera, lui, au suicide.
La lecture reste plaisante même si le thème n'est pas rare.
Les personnages, aux émotions profondes et contradictoires, sont méticuleusement explorés, reflétant les luttes intérieures et les désirs inassouvis.
Le cadre historique de l'Espagne sous la dictature de Primo de Rivera ajoute une dimension politique et sociale à cette histoire empreinte de mysticisme.
À travers un style littéraire riche en images poétiques et en détails évocateurs, l'autrice offre une réflexion sur la quête de sens, la recherche de satisfaction et les conséquences du passage du temps.

J'ai inséré quelques citations qui montrent comment l'autrice s'est penchée sur la fragilité des plaisirs et des joies de la vie, ainsi que sur la manière dont le passage du temps peut altérer nos perceptions et nos émotions. Elle y explore la tension entre les désirs humains et les réalités inéluctables, soulignant la complexité de la nature humaine et la difficulté à contrôler nos émotions et nos désirs.
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Dans la Barcelone des années 30, Blas, le narrateur, rencontre par hasard Elena Barrocal, une femme que son ami Didac Cabanillas avait follement aimé avant de se donner la mort. Quelques jours plus tard, Blas entend le récit de leur histoire d'amour de la bouche d'Elena, version qu'il va confronter aux confidences que lui avait faites Cabanillas avant sa mort. Ce court roman offre plusieurs niveaux de lecture, notamment par son contexte historique (les faits se déroule pendant la dictature de Primo de Rivera), mais je retiendrai l'histoire d'amour. Cabanillas et Elena se sont aimés de toute évidence, mais leurs désirs charnels étaient inconciliables. Un texte magnifique à lire et relire.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Les femmes laissent croire que nous sommes maîtres de cette crampe douloureuse, ou bien que son surgissement à la fin de la nuit n'est qu'un évènement mécanique dont nous pourrions parfois leur éviter l'importunité.
C'est un visiteur, comme il est en elles, même si son aspect est plus visible. Nous l'espérons parfois des nuits durant. Nous allumons la lampe, nous lisons, nous regardons des images, nous nous servons à boire, nous buvons, nous rêvons mais il ne vient pas. Quand il arrive, il réclame sa place, il tend l'étoffe, il se presse contre la cuisse de la dormeuse. S'il n'est pas reçu très vite, avec joie et avec chaleur, il se vexe et il s'en va.
C'est une joie qu'il faut accueillir à quelque heure qu'elle se présente. C'est un orphelin qui hurle et dont les pieds trépignent pour réclamer le sein et le lait tiède de sa mère. C'est un fils prodigue qui revient à la demeure de son père. C'est un parasite singulier des rêves, des arts, des nuits, du vin, des doigts, des lèvres, des odeurs, des humeurs.
Nulle part il n'est pensionnaire. Nulle part il ne s'installe à demeure. Personne ne le commande. Il déserte on ne sait pourquoi. Il envahit on ne sait quand. Il peut surgir dans le deuil lui-même.
Il faut accepter de ne pas le comprendre. Et profiter, quelque lassitude ou quelque gêne qui s'ensuivent, de son arrivée inopinée, de sa fureur imprévisible.
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Un jour, tout ce qu'on aime s'offre à la lassitude. Le sexe des hommes ne se dresse plus au point de trembler, comme font les mains des vieillards, avant de pénétrer le ventre d'une femme. Les mains elles-mêmes cessent de se tourner spontanément vers les touches du piano ouvert ou sur les quatre pétales si doux des fleurs des tulipes. On ne prend plus rendez-vous avec les amis dans l'espérance des dépits qui les ravagent, ou dans l'appréhension des bonheurs qui les secourraient. On a perdu le meilleur d'entre eux. La faim ne creuse plus ni son vide ni son vertige au centre du corps. Ni les yeux ne s'émerveillent désormais de la clarté qui point le matin, qui s'étend, qui dénude, qui fait resplendir peu à peu le volume des objets et le contour des seins, la rondeur des épaules, le relief angoissant du nez et des joues des femmes qui dorment auprès de vous sans qu'on sache pourquoi.
Alors on se tient la bouche ouverte devant la nuit sur un quai et on regarde des prisons que bornent des nuages. Alors on reste les mains vides, sans plus aucun désespoir. Alors on n'est plus qu'un orifice ouvert sur la mort — un orifice qui ne songe pas à se refuser.
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Au fond, elle était anarchiste. Si ce mot veut dire quelque chose de précis, elle l'était. Tout Dieu, tout gouvernement, tout général, tout père, tout prêtre, tout langage était son ennemi.
(...) Elle était pour la reine Marie-Christine. Elle était passionnément pour tous les complots, contre les absolutistes et la garde royale. Elle était pour la franc-maçonnerie des femmes, pour le Tragala, pour le camp des exaltés.
(...) Elle nous choquait par la crudité de son langage. Les métaphores sexuelles les plus choquantes abondaient sur ses lèvres dans le même temps qu'elle conservait les anciennes moeurs patriciennes. C'était une patricienne. Elle n'avait pas de voiture. Elle possédait un cheval. Elle se tenait droite, arrogante, sur son cheval. Elle conduisait son cheval à l'église, à la fête de la saint Antoine, pour que le prêtre le bénît.
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Le réel met aux abois le langage. Dans la musique aussi, dans les livres aussi, le désir tient table ouverte. Les femmes préféreraient-elles un banquet de sentiments, de mort et de reproduction ? Qui ne tient pas la porte ouverte sur le désir, la refermant sur une ou deux apparitions, referme la porte sur soi et sur la mort. Il ne se représente plus. Qui le boude, la vie le boude.
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Sa façon de vivre paraissait à Didac Cabanillas contre nature, sa conduite peu féminine, ses desseins imprévisibles, son refus du mariage craintif, son rejet de la procréation anormal, son besoin d'infraction risible et le goût qui la portait vers l'indépendance tyrannique.
"Ma vie est simple et obscure, lui répondait-elle. Je vous ai vu. Vous paraissiez vivant. Je désirai le bonheur. J'essaie tout le temps d'être sincère avec l'impulsion qui me gouverne."
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