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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un matin de 1941, au château d'Escoire dans le Périgord, Henri Girard crie au secours : son père, sa tante et la bonne ont été massacrés à coups de serpe durant la nuit. Aucune effraction n'est constatée, Henri était seul avec les victimes dans la demeure verrouillée, et, très vite, il apparaît évident que tout l'accuse. Peu de temps auparavant, il a emprunté l'arme du crime. On lui prête une vie de patachon, flambeur toujours fauché, mari volage d'une demi-folle, brebis égarée entretenant des relations houleuses avec les Girard. Des Girard fortunés, dont il est le seul héritier… Placé en détention préventive, il passe en jugement dix-neuf mois plus tard. Et là, coup de théâtre : il est acquitté après une délibération du jury d'à peine dix minutes.


L'homme reprend sa vie, dilapide son héritage, fuit ses créanciers jusqu'au Venezuela dont il revient en 1950 avec un livre : le fameux Salaire de la peur, dont la publication sous le pseudonyme de Georges Arnaud manque de peu de lui valoir le Goncourt, et lui assure, en tout cas, un succès fracassant, amplifié par l'adaptation du roman au cinéma par Henri-Georges Clouzot. Toujours prodigue et remarquablement généreux, il se met au service de l'indépendance de l'Algérie, s'investit dans la défense de la veuve et de l'orphelin dans plusieurs causes perdues, réalise des reportages sur de grandes affaires. Pendant tout ce temps, rien n'y fait, l'opinion publique ne démord pas de sa culpabilité lors du triple meurtre de 1941. Il faut dire que, lui acquitté, l'affaire est demeurée irrésolue…


Avec l'extrême souci du détail qui caractérise ses enquêtes et l'irrésistible humour qui, parsemant son récit de digressions très vivantes, fait de lui un personnage du livre à part entière en même temps qu'un conteur hors pair, capable de vous tenir suspendu à ses mots pendant plus de six cents pages, entre étonnements et éclats de rire, Philippe Jaenada a entrepris de rouvrir le volumineux dossier de cette si trouble affaire. Comment ne pas être intrigué par Henri Girard, cet homme qui s'attache, jusqu'à la fin de sa vie, à combattre les erreurs et les injustices commises par la société, quand lui-même, à en croire l'opinion générale, en a précisément, et fort inexplicablement, profité ? Et si, malgré les apparences, il était vraiment innocent ? Et qui donc serait alors le coupable, jamais trouvé, jamais puni ?


Saga familiale, chronique historique des années d'Occupation, feuilleton judiciaire et hommage appuyé à l'oeuvre oubliée de Georges Arnaud, ce livre, fruit d'un travail d'investigation autant faramineux qu'intelligent, est aussi une véritable oeuvre romanesque. Se mettant lui-même en scène au travers d'une histoire criminelle en tout point véridique, l'auteur s'y joue en toute dérision de son lecteur, pour le tenir suspendu entre bonnes et fausses pistes, à mesure de sa savante distillation de témoignages, documents et hypothèses. Une superbe occasion de méditer sur l'erreur judiciaire… Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Un écrivain parisien rôde autour d'un château par une sombre soirée d'automne. Attention pas n'importe quel château, le château qui domine le village d'Escoire, un château où a eu lieu, il y a plus de soixante-dix ans un crime atroce. Un homme et deux femmes ont été sauvagement massacrés à coup de serpe, le seul rescapé de la demeure fut pendant près de deux années le coupable idéal. Acquitté au cours d'un procès retentissant, il reste pourtant aux yeux de beaucoup de gens un effroyable assassin qui a eu beaucoup de chance.

Un fait-divers comme un autre ? Pas pour Philippe Jaenada, c'est lui l'écrivain rodeur, il connait très bien le petit-fils du prétendu meurtrier et ce prétendu meurtrier est devenu George Arnaud, le célèbre auteur du « Salaire de la peur » formidable roman qui a donné un formidable film de Clouzot ( mais un moins formidable remake de Friedkin) et que Georges Arnaud, dans la France un peu moisie de l'après-guerre, fut un trublion XXL.

Très sensible aux malheurs des autres, il dilapide sa fortune, intellectuel, incontournable fouteur de merde, il sera de tous les combats politiques, sociaux et philosophiques de cette époque. Viscéralement contre la colonisation, il participera à la création de la première école de journalisme d'Alger.

Bref, un jeune homme de vingt-quatre ans accusé d'avoir tué son père, sa tante et la bonne de la maison, qui une fois acquitté devient aventurier en Amérique du Sud, puis romancier et intellectuel respecté à son retour en France, en voilà une sacrée vie qui ne demandait qu'à être racontée par un écrivain de talent.

Philippe Jaenada, car c'est bien lui l'écrivain de talent, devient Philippe Rouletabille, Sherlock Jaenada, Philippe Poirot et Monsieur Marple pour se plonger dans les dossiers de l'enquête et du procès du triple crime d'Escoire. le plus objectivement possible l'écrivain enquêteur, fouille, traque et recoupe le moindre indice dans les compte-rendus d'époque et, après dix jours de recherche aux Archives départementales de la Dordogne, ce qu'il découvre laisse le lecteur sans voix.

Six cents pages serrées pour raconter une partie de Cluedo, ce pourrait être long, mais Philippe Jaenada a, comme d'habitude, le bon gout d'être drôle et tendre dans ses digressions qui sont devenues sa marque de fabrique.

Les réflexions et la plongée d'un écrivain (très parigot tête de veau pour notre plus grand plaisir) dans les nuits périgourdines (je ne sais pas pourquoi, mais je trouve que les mots périgourdin et périgourdine ont un petit côté égrillards) sont hilarantes.

Ce romancier méticuleux,sérieux et désopilant à la fois, devrait avoir un prix littéraire à chaque saison. Avec « la Serpe » il vient d'écrire le Club des Cinq (à lui tout seul) en Périgord (rouge sang évidemment).

Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Une écriture effrénée qui ne laisse aucun répit. Je vous défie de vous en détacher sans regret. Mais bon, il faut bien vaquer à ses occupations quotidiennes !

C'est haletant. JEANADA a une écriture qui nous tient en haleine du début à la fin. Je ne me suis pas ennuyée une seule seconde. Il sait où il va, malgré les nombreuses digressions qui viennent articuler l'histoire du début à la fin et qui sont jubilatoires. Elles viennent apporter un peu de souffle. le lecteur en a bien besoin.

Dans un premier temps, tout est fait pour accuser Henri GIRARD du meurtre atroce de sa tante, de son père et de la domestique, à coups de serpe, et le déclarer coupable. le rouleau compresseur de la Justice se met en marche. Lorsqu'elle vous tombe dessus, rien ne l'arrête. D'autant plus qu'Henri GIRARD est plutôt du genre rebelle. JEANADA, petit à petit, va démonter toute l'instruction et mettre à mal l'instrument judiciaire de l'époque (seulement de l'époque ?). Il va décrypter, décortiquer, éplucher, dépecer, analyser toute l'histoire d'Henri GIRARD.

Ca se lit comme un polar, mais là, c'est la réalité.

Alors coupable ou pas coupable ? A vous de vous faire votre opinion.
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Encore une fois,Ph. Jaenada va se sentir une vocation d'enquêteur ,de justicier plutôt.
En 1941, Henri Girard a été accusé d'avoir massacré à la serpe trois membres de sa famille. Défendu par une star du barreau Maurice Garçon , il est relaxé mais le crime n'a jamais été élucidé .
Et c'est parti ! Nous voilà embarqués dans une course folle au service de la vérité mais qui a surtout pour but de mettre en exergue les énormes défaillances de la justice .
Avec patience, il va décortiquer les procès verbaux, reprendre les témoignages, revoir les déductions, refaire les emplois du temps , dénoncer les manquements , les faux, les bavures, analyser les plaidoiries ...
Il y va Jaenada ! il cogite, il ausculte, il galope, il se démène et on le suit et, si parfois on faiblit, son humour nous ranime !
Car il faut suivre ; on chevauche les époques mais on revient souvent faire une incursion dans la vie de l'auteur pour se ressourcer sans doute .

Il ne faut pas longtemps pour deviner l'empathie de l'auteur pour son héros Henri Girard, alias Georges Arnaud auteur de "Le Salaire de la Peur".
Il livre son portrait avec justesse et de fait en écrit toute sa biographie : très intéressant !
Et bien sûr, si on a lu "La Petite Femelle" on se retrouve en pays connu ! On n'a d'ailleurs pas le loisir d'y penser tout seul ! car elle revient ,Pauline Dubuisson !
La vraie mais il lui trouve même un sosie en la personne d'une jeune employée d'hôtel qui s'appelle ...Pauline ! Elle le hante , il en est toujours amoureux notre Philippe !
Mais, si on n'a pas lu — je répète —"La Petite Femelle" ....il vous incite à le faire ! Pub !

Sinon, je suis ressortie avec des titres qui me tentent bien comme "Terre Paradis" de Paul Colin et "Le Salaire de la Peur" selon Jaenada , un morceau de choix , d'une grande qualité littéraire ,une oeuvre supérieure au film .
Parce que c'est aussi ça le monde de Philippe Jaenada, un puits de culture .
Encore une fois un ouvrage époustouflant , un travail de titan et encore un pavé , dense, énOrme (à dire façon Galabru ! )
Alors, un crime non élucidé ? pas si sûr ...à présent !
Monsieur Jaenada , vous méritez bien vos lauriers .
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Faites entrer l'accusé...
Avec sa verve décalée et souvent désopilante, Philipe Jaenada s'approprie un fait-divers sanglant de 1942, en revisitant le parcours d'Henri Girard alias Georges Arnaud.
À première vue: rejeton héritier incontrôlable, incorrigible séducteur, flambeur, manipulateur, provocateur, sale gosse égocentrique, et littérateur (entre autres) du "Salaire de la peur" en 1950, rendu célèbre à l'écran par Clouzot.
Un "affreux" dont l'auteur reprend méticuleusement la biographie, en s'attelant à un travail d'investigation judiciaire pour recommencer à zéro une procédure aux multiples zones d'ombres. Tant et si bien qu'on finit par entrevoir chez l'accusé, innocenté par la justice, une réelle part d'humanité.

Je ne vous refais pas le pitch: trois morts abominables, du sang partout et une serpe...

Jaenada fait du Jaenada, brillamment, insolemment. Il se met en scène autant que son personnage. Il nous noie sous les détails, digresse souvent (quoi que plutôt mesuré dans ce livre), s'amuse, s'insurge, fait de l'humour de comptoir, loue sans mesure quand il aime et bombarde quand il règle ses comptes à quelqu'un.

Pour qui découvre son style littéraire, ça passe ou ça casse. Moi, je me régale et m'agace en parts égales car c'est tout de même terriblement long: très documenté, très décortiqué, très expliqué.

Philippe Jaenada est un auteur inclassable mais passionnant. Je conseille néanmoins de prendre quelques respirations dans la lecture pour éviter le collapsus !

Rentrée littéraire 2017
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C'est une copine qui m'a mis la puce à l'oreille : « J'ai entendu parler d'un livre, c'est pour toi, il est question d'un type bizarre et d'un crime non élucidé, en plus l'auteur a l'air sympa... »
Ah, les amis, pas de doute, on ne peut rien leur cacher…
Eh bien, en plein dans le mille la copine, pas un millimètre à côté, le coeur du coeur, l'hyper centre de la cible. Dire que j'ai aimé relève de l'euphémisme, c'est beaucoup plus que ça…
Je vous explique, enfin si j'en suis capable car je vous avoue que j'émerge doucement de ces 634 pages qui m'ont passionnée et qui maintenant m'empêchent de dormir, un parce que j'ai la trouille, deux parce que je retourne l'affaire dans tous les sens. D'ailleurs, je vais me fendre d'un petit message à l'auteur car cette nuit deux trois questions me sont venues à l'esprit...
Reprenons : d'abord, vous en aurez pour votre argent, oui, les livres sont chers mais dans La Serpe vous avez en réalité QUATRE histoires :
1. l'histoire du type bizarre, son meurtre (enfin, je devrais mettre des guillemets que je n'aurais évidemment pas mis au début de ma lecture...), son procès et l'enquête d'une infinie minutie de l'auteur Jaenada-Colombo qui part à Périgueux, loupe et bloc-notes en poche. Finalement, déjà, dans ce petit 1, vous avez quatre sous-parties, valable non ?
2. des bribes de l'histoire de Pauline Dubuisson dont il est question dans le précédent roman de Philippe Jaenada : La Petite Femelle (que je n'ai pas lu… mais pourquoi, pourquoi???)
3. de l'Histoire avec moult précisions sur les faits et gestes de moult acteurs de second et de premier plan au moment de l'Occupation.
4. des éléments autobiographiques sous forme d'interventions régulières tendres, percutantes et souvent à mourir de rire de l'auteur sur, par exemple, un étrange et inquiétant voyant rouge - un point d'exclamation entre parenthèses - sur le tableau de bord de sa bagnole de location ou bien sur son fils Ernest, sa femme, ses parents, son pote flic Pupuce (j'adore), ses petites habitudes, sa façon de voir le monde, Paris et la Province, le tout servi avec un humour qui m'a complètement séduite. (J'allais oublier ses appels à feu Balzac pour qu'il l'aide à être clair dans ses descriptions!) (Et la scène désopilante du restau chinois… on ne doit pas s'ennuyer à vivre avec Philippe Jaenada!)
Quelle partie ai-je préférée ? Difficile à dire tellement ces quatre histoires s'entremêlent génialement, l'art du conteur y est pour quelque chose… et je suis bien persuadée que Philippe Jaenada pourrait me parler de n'importe quoi, je trouverais le propos passionnant. Mais quand même, ses petites parenthèses (ah, vous verrez, il y en a, de la parenthèse!), ses digressions m'ont fait craquer. Irrésistibles…
Un peu d'ordre dans tout ça, commençons par le commencement.
Le père du copain du fils de Jaenada (ça va?), un certain Manu, tannait régulièrement ledit Jaenada au sujet de son grand-père, le sien, enfin celui de Manu. (C'est marrant comme en parlant de Jaenada, on fait du Jaenada - comprendront ceux qui comprendront, je poursuis). Et alors, qu'est-ce qu'il avait d'intéressant, le grand-père de Manu ? C'était un gars incroyable, une espèce de fou aventurier qui a parcouru le monde, a failli mourir un nombre incalculable de fois, a été écrivain, a fait de la politique, du journalisme, a milité pour défendre de nombreuses causes, bref, un gars hors du commun. « Moi, les gens hors du commun, s'excuse Jaenada, c'est pas trop mon truc... » Les années passent.
Et puis un jour, revoilà le Manu qui attaque de front : « Au fait, j'ai oublié de te dire que mon grand-père a été inculpé d'un triple homicide : on l'a accusé d'avoir assassiné à coups de serpe son père, sa tante et la bonne. Il a été acquitté mais des doutes subsistent encore quant à son innocence... » Jaenada est ferré, cette histoire est pour lui, il va devoir jeter un coup d'oeil sur le grand-père de Manu…
Et l'histoire commence… une histoire rocambolesque et terrible, effrayante même, ah, je vous jure, pas la peine de vous gaver de romans policiers suédois ou norvégiens, on a tout sur place, dans nos petites provinces françaises, à Trifouillis-les-Oies, du bien gore, du bien glauque, du sordide en barre, du mystère bien épais et du VRAI en plus, pas des trucs inventés, non, du RÉEL… de quoi rester les yeux ouverts la nuit quelque temps... (Quand je vous dis que vous en aurez pour votre argent…)
D'abord, un homme : le fameux grand-père de Manu. Comment faire le portrait d'un tel homme ? Il faut avoir le talent de Jaenada pour ça ! Soudain, me vient un air de Cloclo, ça vous dit ? Non ? On y va quand même, rappelez-vous : « Un sale bonhomme, oh quelle sale personne, un monstre en somme, hou, hou, ce sale bonhomme... » Oui, c'est ça, et ça lui va très bien à cet… Au fait, avec tout ça, j'ai oublié de vous le présenter : un nom à retenir : Henri Girard (alias, Georges Arnaud… Ah, tiens, on dirait que ça vous dit quelque chose, je vous laisse chercher… )
« Ce que j'en sais, je l'ai appris dans les livres. Sale gosse, sale type, des claques, insupportable, il ne mue, instantanément, qu'en anéantissant la fortune familiale ... » résume l'auteur au début du livre.
En très bref : du côté du père d'Henri, une famille friquée, traditionnelle qui n'a pas du tout apprécié de voir leur rejeton s'amouracher d'une femme de gauche, prof de français (on les comprend, quelle misère!!!). Georges et Valentine se marient et donnent naissance à Henri (grand-père de Manu). La mère tombe malade : tuberculose, et la famille de Georges refuse d'aider à payer les séjours en sana. Elle meurt et Henri se retrouve à vivre avec un père désespéré, aimant de tout coeur son gamin mais pas franchement capable de l'élever.
Henri est un enfant intelligent mais plutôt inconstant, capricieux, colérique, méprisant, violent, mystificateur… et je suis loin d'être exhaustive ! Une vraie tête à claques ! Enfin, c'est ce qu'on en dit...
Il en voudra toujours à la famille de son père d'avoir refusé d'aider davantage sa mère malade.
Plus il grandit et plus ces vices s'accentuent : il aime dépenser de l'argent et en demande sans cesse à sa famille, la menace si elle refuse, fréquente des filles, fait la fête, ne travaille pas, commence une vie de bohème. C'est le petit enfant chéri : le père résiste un peu mais finit par lui donner tout ce qu'il veut. La tante Amélie (soeur du père) fait de même. Henri s'amuse comme un fou. En réalité il souffre, il ne faut pas être fin psychologue pour le deviner. Je ne vais pas raconter le détail de ses frasques mais dans le genre personnage de roman, il se pose là ! En plus, il a de l'imagination (vous verrez…)
La famille possède un château à Escoire dans le Périgord (jetez un coup d'oeil sur Wikipédia), il s'y rend régulièrement et en octobre 1941 (Henri a 24 ans), il contacte son père Georges qui est archiviste au Ministère des Affaires Étrangères du gouvernement de Vichy, il veut le voir, il faut qu'ils discutent. Sa tante Amélie est sur place ainsi que Louise, la domestique. Cela n'arrange vraiment pas Georges de passer un week-end à Escoire mais bon, comme on ne refuse rien à ce sale gosse (ouh là, là, c'est mal, je m'emporte…), bonne poire, il vient.
Le lendemain, dans un château fermé à clef de l'intérieur, on retrouve le père, la tante, la domestique baignant dans leur sang et - ce n'est pas une métaphore - déchiquetés par une vingtaine de coups d'une serpe qu'Henri avait empruntée la veille aux gardiens du château pour couper des sapins (dommage). Il a même des traces du manche dans la main droite. Une petite trentaine d'autres preuves contre Henri s'ajouteront à ces deux éléments déjà bien béton. Tout accuse le seul survivant et donc, le seul héritier… d'une belle fortune.
Mais le plus incroyable dans tout ça, c'est qu'il va être relaxé ! Ben oui, se trouvant à la tête d'une fortune colossale, il a pu s'offrir les services d'un grand avocat parisien : Maurice Garçon. En dix minutes, ce fut plié : les jurés avaient voté. Henri est acquitté et déclaré innocent !
Comment comprendre ce revirement ? Que s'est-il réellement passé dans les coulisses du tribunal ?
Finalement, la question centrale que va tenter d'élucider Jaenada-Colombo est : qui était vraiment Henri Girard ? Parce que le mystère est bien là. Était-il celui que l'on décrit partout comme un siphonné brutal, agressif, irascible et avide d'argent ? N'était-il pas quelqu'un d'autre en réalité ? Correspond-il à la légende qu'il s'est plus ou moins volontairement forgée ? C'est là qu'intervient notre Jaenada qui se rend sur place, à Périgueux, dans sa voiture de location, descendant à l'hôtel Mercure, incognito, son petit sac matelot à la main, allant rôder autour du château, fréquentant quotidiennement les Archives, épluchant minutieusement la correspondance, relisant les actes du procès, essayant de reconstituer le déroulement des faits, observant sur photos les scènes de crime, notant scrupuleusement les incohérences, vérifiant tel ou tel détail, cherchant à comprendre, inlassablement…
Un travail énorme, archi méticuleux... Franchement, je suis bluffée par cette recherche et surtout par les questions très pertinentes que Jaenada se pose avec une logique et un bon sens imparables. S'il a du mal à vivre de ses bouquins, qu'il n'hésite pas à proposer ses services à la police. Quelle perspicacité! (Même si j'avoue que parfois j'avais un peu de mal à le suivre…)
Si vous avez l'impression que je vous ai raconté plein de choses et tout révélé, sachez que PAS DU TOUT, vous avez tout à découvrir sur Henri Girard et les autres et je me suis bien gardée de vous dire l' ESSENTIEL, vous pensez bien…)
Quand on dit que la réalité dépasse la fiction…
J'ajoute encore une remarque parce qu'autrement, l'article va être trop long et les articles trop longs, c'est bien connu, on ne les lit pas…
S'il est bien évident que vous allez être soufflés par cette histoire incroyable, mais vraiment, une histoire passionnante que vous n'êtes pas près d'oublier, vous allez aussi rencontrer un homme : Henri ? Non, Philippe Jaenada. Un ton, une voix, une omniprésence, un humour irrésistible (qu'est-ce que je me suis marrée!!! Enfin, dans la première partie du livre car après, c'est la tension qui domine, comme une petite angoisse qui serre la gorge), un sens poussé de l'auto-dérision, un coeur grand comme ça, humain, attachant, captivant… Bon, j'arrête là parce qu'après on va croire que… mais, je peux vous dire qu'autant le gars Henri, j'ai eu un peu de mal - au début en tout cas - après, je ne dis pas... (désolée, Manu, pour votre grand-père, même si je veux bien croire qu'il était doué, sensible, généreux et avait cent mille qualités, et puis, est-on responsable de ce que l'on est?), autant le gars Jaenada, pas la peine de me l'emballer, je le prends tout de suite, c'est pour une consommation immédiate… je parle du livre, bien entendu...


Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Le 27 mai 1943, un fourgon cellulaire se gare devant le palais de justice de Périgueux. Henri Girard en sort encadré par deux gendarmes. Il semble calme et détaché mais l'heure est grave. La cour d'assises va le juger pour trois meurtres ; il encourt donc la peine de mort.

Philippe Jaenada raconte la vie tumultueuse de l'auteur du «salaire de la peur». Sa vie a basculé le 25 octobre 1941 lorsqu'il découvre au lever du lit les corps massacrés de son père, de sa tante et de leur domestique. L'arme du crime repose dans les plis d'un drap. C'est une serpe à la lame rouillée, ébréchée, au manche branlant. La jeunesse décousue et bohème de Girard en fait le coupable idéal. L'auteur commence par livrer les éléments à charge du dossier d'instruction. L'exposé est si convaincant que la culpabilité de Girard ne fait aucun doute. Mais il va ensuite s'évertuer à creuser un tunnel dans le dossier. Il va mettre au jour les incohérences de l'affaire, les mensonges des témoins et les négligences des policiers.

Jaenada « incarne » son enquête, j'ai ressenti son approche pataude et déterminée qui le fait ressembler à un ours espiègle déambulant dans les méandres de la justice. Et gare aux coups de pattes ! L'empathie est sa principale qualité, ça transpire d'humanité, on le sent s'attacher aux quatre victimes de l'affaire (trois assassinés et un suspect).

Jaenada est ceinture noire dans l'art de la digression : point de détail, coïncidence heureuse, anecdote fortuite ou histoire haute en couleur, tout est prétexte à accumuler les parenthèses. Et ça marche ! si ça étoffe le texte, ça permet à l'esprit de souffler, de sortir la tête du bain de sang et de matière cérébrale.

En décousant au fur et à mesure les fils du «mystère d'Escoire», l'auteur révèle les ressorts habituels des erreurs judiciaires : légèreté et partialité de l'instruction. Quand on sait que la vie d'un homme est en jeu…

Et une nouvelle fois, le fait divers s'il est sensationnel est aussi riche en enseignements : c'est un instantané dont l'étude nous permet de saisir le contexte historique et sociologique du drame, ici la vie des Français sous l'Occupation.

Je termine cette lecture séduit par le ton tendre et ironique de l'auteur, convaincu par le sérieux de son enquête et curieux du reste de son oeuvre. Je vous l'avoue : je suis à deux doigts de le rejoindre au Bistrot Lafayette pour partager un demi.
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Ce roman, qui vient d'obtenir le Prix FEMINA 2017, raconte l'histoire d'un triple meurtre qui a eu lieu en octobre 1941 dans le château d'Escoire, en Dordogne, au coeur du Périgord.
Georges Girard, sa soeur Amélie, et Louise la bonne, sont découverts sauvagement assassinés à coups de serpe (d'où le titre).
Le seul survivant Henry, le fils de Georges, est tout de suite inculpé car tout l'accuse...
De plus, il était le seul héritier des deux victimes et, manque de chance ou préméditation, il venait d'emprunter deux jours avant, l'arme du crime, et avait obligé son père à venir les rejoindre au château, alors qu'il n'avait pas l'intention d'y venir.
Aucune porte n'a été fracturée et les témoignages ne concordent pas.
Alors que tout le monde le pense coupable, il sera pourtant acquitté lors de son procès aux assises, en 1943, après 19 mois d'emprisonnement dans les conditions terribles de l'époque…
Maurice Garçon, son avocat, un ami de son père, a fait une plaidoirie remarquable et les jurés, convaincus de son innocence, ont à peine pris le temps de délibérer...
Henry Girard est libre, certes, mais il sera poursuivi toute sa vie par cette accusation et ne se remettra jamais de la perte de ses proches.

Je ne suis pas du tout férue de fait divers et si l'histoire me touche c'est parce qu'Henry Girard n'est autre que Georges Arnaud, le futur auteur d'un livre qui nous a tous marqué, « le salaire de la peur » qu'il écrira des années après, suite à son errance en Amérique du Sud et qui sera porté à l'écran par Henri-Georges Clouzot, avec Yves Montand et Charles Vanel, et lui assurera son succès d'auteur. Mais c'est aussi parce que l'auteur n'a pas son pareil pour nous raconter cette terrible histoire...

Philippe Jaenada est donc reparti sur les terres du massacre. Il s'est plongé dans les archives, les journaux de l'époque, les correspondances trouvées dans le dossier (plus de mille pages).
Le narrateur qui n'est autre que l'auteur nous raconte son voyage vers ses terres encore aujourd'hui "sauvages", où il va falloir qu'il se fasse accepter par les villageois pour aller recueillir les impressions transmises de génération en génération, sur ce meurtre atroce et s'approcher du château pour s'imprégner des lieux.
En parallèle, nous avançons dans la connaissance de la vie du jeune Henry, tel qu'elle a été décrite au procès.
Il aurait été mal aimé par sa famille car il était laid mais surtout parce que différent, trop grand, trop maigre, trop sensible, trop intelligent (il a le bac à 15ans) et surtout trop rebelle et irrespectueux…
C'est vrai qu'il a été profondément perturbé par la mort prématurée de Valentine, sa mère, d'une tuberculose, mort dont il ne se remettra jamais et qui aurait eu pour conséquence son rejet de sa famille trop riche, trop bourgeoise, trop guindée…
Mais c'est vrai aussi que Georges, son père, était dans un grand désarroi : il avait perdu sa jeune soeur, puis sa femme. Il ne savait pas comment gérer son fils…
En plus d'être rebelle, le jeune Henry aurait eu, alors qu'il était étudiant, une vie de « dépravé », buvant, sortant, dépensant sans compter mais partageant ses largesses avec les plus pauvres que lui, ou ses maîtresses de passage, puis avec sa femme Annie, qui à son tour ne sera pas du tout acceptée par la famille…
Enfin c'est ainsi qu'il est décrit par les divers témoignages…un rebelle prêt à tout pour obtenir de l'argent, même à menacer sa tante et incapable de respecter ses proches et en perpétuelles disputes avec eux, ce qui s'avérera totalement faux.
Et il sera acquitté…

Le lecteur découvre alors, dans la seconde moitié du roman, que beaucoup de pistes n'ont pas été poursuivies, que de nombreux témoins de l'affection qu'Henri portait à ses proches n'ont jamais été convoqués au procès, que la scène de crime elle-même, n'a pas été étudiée de près comme elle aurait dû l'être…et même que certains faits relevés par les brigadiers, arrivés les premiers sur les lieux le jour du crime, ont carrément été contestés par les plus hauts gradés.

Une belle façon de rendre son honneur à un homme bafoué qui a porté sur lui toute sa vie les soupçons de tous parce que, peut-être à cause de la guerre, l'enquête a été bâclée et que les rumeurs populaires en ont fait le coupable idéal.
Ce roman, qui se lit comme un thriller, est un coup de coeur pour moi, malgré ses 600 pages, et me donne envie non seulement de relire les oeuvres de Georges Arnaud, mais aussi de découvrir les autres romans de Philippe Jaenada.
Lien : http://www.bulledemanou.com/..
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L'épaisseur du livre ne doit pas impressionner. Il faut se lancer sans hésiter dans la lecture de Philippe Jaenada car ses enquêtes sont passionnantes, pleines de rebondissements et de révélations. La petite femelle remettait bien les choses en place pour Pauline Dubuisson alors que La serpe éclaire d'un jour nouveau la vie de l'auteur du Salaire de la peur, Georges Arnaud, qui s'appelait en fait Henri Girard. C'est Emmanuel, le petit-fils de celui-ci, qui a réussi à motiver l'écrivain afin qu'il reprenne toute l'histoire.

Tout au long de sa quête, l'auteur fait partager ses soucis, ses problèmes matériels, sa vie de famille, avec un humour réjouissant qui agrémente la lecture. À de nombreuses reprises, est cité le nom de Roger Martin et son livre Vie d'un rebelle dans lequel, l'auteur de Dernier convoi pour Buchenwald fournissait déjà beaucoup d'éléments.
Dans la première partie de la serpe, Philippe Jaenada retrace la vie d'Henri Girard connu comme « sale gosse, vrai démon, capricieux, irascible, violent, cynique, méprisant qui pompe tout l'argent de sa famille pour le claquer aussitôt ». Quand on apprend qu'il était dans le château d'Escoire, en Dordogne, lorsque son père, sa tante et la bonne ont été assassinés à coups de serpe dans la nuit du 24 au 25 octobre 1941, tout l'accuse d'autant plus qu'il paraît froid, détaché, sombre, fume et boit de l'eau-de-vie de prune lorsque ces crimes odieux sont découverts…
Pourtant, lors de son procès, Henri Girard sera acquitté à la surprise générale grâce à Maurice Garçon, son avocat. Il partira en Amérique du Sud et reviendra pour se battre contre l'injustice et poursuivre un métier d'écrivain bien lancé par le salaire de la peur.
L'enquête est minutieuse, bien documentée. Philippe Jaenada s'est rendu sur place, a réussi à visiter le château mais a surtout épluché les archives départementales, à Périgueux. Il étudie toutes les hypothèses, laisse supposer le ou les vrais coupables.
Lorsque tout cela se passe, la France est coupée en deux et c'est la guerre. L'auteur lit les journaux de l'époque. L'Allemagne est traitée comme un pays ami, la collaboration et l'antisémitisme sont la règle ce qui donne des pages glaçantes.
Bien sûr, Philippe Jaenada repasse l'enquête, ses approximations, ses oublis, ses aberrations au peigne fin : la possibilité d'entrer dans le château sans effraction en pleine nuit, la scène de crime ouverte à tous, les incohérences ne manquent pas.
Henri Girard a connu dix-neuf mois d'enfer dans la prison insalubre de Périgueux, jusqu'à son procès, le 27 mai 1943. Son avocat, Maurice Garçon, était l'ami de Georges Girard, le père qui écrivait : « Je suis fier de mon petit. » Philippe Jaenada lit la correspondance entre Henri et son père et réagit : « Je n'ai jamais rien lu de plus beau sur les liens entre un père et son fils… Ce n'est pas de la tendresse, de l'attachement, de l'estime, mais de l'amitié, de la confiance et de l'admiration réciproques, de l'amour sans condition, sans contraintes ni jugement, l'union d'un homme et de celui qui prendra sa place sur terre… »
On ne peut être plus explicite et choqué, avec l'auteur, devant l'attitude des juges Marigny et Testud qui font tout pour ne pas rechercher l'enragé, le fou qui a commis ces crimes, une fois Henri Girard acquitté. Finalement : « Henri est la quatrième victime. Il a perdu le père qu'il aimait, il a passé dix-neuf mois dans une prison ignoble accusé d'un crime ignoble et toute sa vie en a été altérée. »

Reste, maintenant, à lire ou à relire les livres de Georges Arnaud, pseudonyme reprenant le prénom de son père et le nom de jeune fille de sa mère décédée alors qu'il n'a que 9 ans : le salaire de la peur, le Voyage du mauvais larron…


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Jaenada a changé de sujets avec Sulak, la Petite femelle et la Serpe,(il se saisit de grandes affaires jugées mais où plane un doute; mais il n'a pas changé de style, toujours plein d'humour et de digressions
Il s'empare de procès et décortique les affaires en reprenant l'enquête à zéro. Ici, il évoque l'affaire Henri Girard (qui deviendra sous le nom de Georges Arnaud un écrivain célèbre en particulier pour le Salaire de la peur, porté à l'écran)
L'auteur dénonce des oublis, des mensonges lors de l'enquête.
J'aime beaucoup l'humour de l'auteur et ses célèbres digressions mais c'est un peu long, très ou trop détaillé, très documenté mais cela alourdit , à mon avis, le récit.
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