Les trois premières pages, j'ai eu peur. Je confondais le juif avec le musulman, la fille de l'un avec la fille de l'autre...
Et puis, la peur a cédé le pas à l'émerveillement.
Il y a même des choses que j'ai découvertes après coup, une fois ma lecture finie, en réfléchissant... Comme le symbolisme du pont, par exemple.
Deux fois, à bien des années d'intervalle, un accident – ou une attaque – provoque la chute d'un coffre précieux dans une rivière remuante, du haut d'un même pont étroit et tortueux. C'est le pont du passé vers le présent, mais aussi le pont d'une génération vers une autre : le principal héros est désormais Sanche, le fils d'Héléna de Lorac, qui, elle, passe nettement au second plan.
Nous sommes en 1240, Sanche a 17 ans, et la grande affaire de cette année-là, c'est la tentative du fils Trencavel (héritier de celui qui mourut dans les geôles des croisés en 1209) de reprendre la terre de ses pères aux Français. Tentative d'abord couronnée de succès, avant d'être balayée par l'armée royale. Sanche participe donc à cette aventure, et il ne plaît pas à tout le monde, du fait que bien qu'étant rompu au combat, il est également lettré (les intellos, ces mal aimés !)
Rejeté, il noue son destin à celui d'une jeune juive, fille d'un disciple d'Averroès et d'Avenzoar, les grands médecins arabes andalous.
Jarbinet introduit pour la première fois la voix off, et il le fait sans lourdeur et avec brio. Il chante magnifiquement les louanges de cette civilisation occitane médiévale qui célébrait l'amour, la poésie et les sciences, et où la tolérance entre les peuples et religions différents était la règle, au moins pour les lettrés. Pour ne rien gâcher, il introduit une superbe histoire d'amour, totalement dépourvue de niaiserie comme on en voit trop souvent. Et ces dialogues, madre de dios ! Je crois bien que j'ai pété la machine à citations !
Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce troisième et dernier cycle commence en force, et je vais de ce pas m'atteler au dernier tome, et, au vu du titre et de la couverture, sortir la boîte de Kleenex.
PS : ce tome, tout comme les trois précédents, n'est plus commercialisé qu'en version numérique, et si c'est déjà mieux que rien, c'est quand même un crime contre le bon goût !
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Sanche, le fils d'Hélèna est maintenant âgé de 17 ans. Il sait lire, écrire, compter et manie très bien les armes
Le cumul de ces "qualités" ne peut faire que des envieux et jaloux auprès de ses compères jouvenceaux engagés avec le jeune vicomte Trencavel.
Sanche est sous les ordres de Guillaume Fort, au grand dam de sa mère folle d'inquiétude de le savoir au contact de leurs ennemis.
Si Sanche peut compter sur ses deux amis Pagan et Ganelon, par contre il est aussi en conflit ouvert avec la brute épaisse de Bousignac, rien dans la tête, tout dans les muscles.
Ce dernier peut aussi se targuer d'avoir sa petite cour de jouvenceaux, acquise à sa cause, par admiration pour certains, par crainte pour les autres.
Toutes les occasions sont bonnes pour que Bousignac cherche querelle à Sanche ou ses amis.
Alors quand Sanche lui fait perdre la face pour honorer un pari de Ganelon, cela ne fait qu'envenimer les choses alors que de son côté, Sanche y voyait une opportunité de réconciliation en se montrant magnanime dans la victoire.
Tout cela est fâcheux alors que les troupes regagnent ville après ville et qu'en point de mire se trouve la reprise symbolique de Carcassonne aux Français.
Mais une autre histoire va venir envenimer encore plus les relations entre nos deux jeunes coqs : Leïla
Leïla, une jeune fille d'apparence juive, qui vient de faire tourner la tête et tous les sens de Sanche qui découvre l'Amour à travers ce coup de foudre, et une simple pulsion sexuelle qui traverse l'esprit de Bousignac, ni voyant qu'une simple femme de plus à prendre pour son bon plaisir.
Leïla va donc, sans le vouloir, se retrouver au beau milieu d'une vindicte qui ne restera pas sans conséquences...
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Après avoir ouvert le récit vers les cathares italiens, Jarbinet part vers le Moyen Orient avec Leila. Il ouvre d'ailleurs le tome sur un événement qui se produit 10 ans plus tôt. Une expédition de musulmans est ataquée et un coffre chute dans le ruisseau, il disparaît au fond et on revient à Sanche en 1240. Un autre coffre finit au fond de l'onde, au même endroit. S'ensuit un récit qui entremêle l'Islam, la philosophie cathare et l'esprit chrétien.
Sanche de Lorac, fils d'Helena, est une forte tête. Il est repris dans une troupe dirigée par le Vicomte de Trencavel. Ils mènent la vie dure à l'Inquisition et tiennent fermement leurs positions. Mais Sanche, tombé amoureux de Leila, est écarté du groupe. Il s'attire, de ce fait, de solides ennemis au sein des rangs cathares.
C'est l'occasion pour Jarbinet de parler d'Averroes et des points qui rapprochent toutes ces philosophies. C'est aussi l'occasion de parler d'amour et de s'évader un peu.
Une série qui s'achemine doucement, mais un peu amèrement, vers une conclusion.
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— (...) Rentre chez toi... Ici, tu t'es fait trop d'ennemis.
— Pardieu, qu'ai-je donc fait pour être à ce point haï par eux ? Je n'ai rien accompli qui soit contraire à l'honneur, que je sache...
— Tu leur fais peur, Sanche... Parce que tu sais lire, écrire, compter. D'ordinaire, seuls les clercs en sont capables, et les clercs ne sont pas chevaliers.
J'ai donc rendu son cheval à Ganelon et laissé le sien à Bousignac, ce qui, en l'occurrence, était une erreur. Il m'en a voulu de ma mansuétude. J'ai appris à cette occasion qu'il est vain d'essayer d'ôter à qui vous déteste les raisons de sa haine... Il ne vous en haïra que plus, sans profit pour personne.
— Pensez surtout à sa colère si j'échoue à rentrer à temps. Ses ports se fermeront à vos navires. (...) Est-ce à cela que vous aspirez, Pedro ?
— Ça c'est du chantage, Bashir. Et notre amitié, dans tout cela ?
— Quand j'y fais appel, vous me parlez d'or... Aussi, je vous parle d'or pour être compris.
Nous ne sommes maîtres de rien, pas même de nos sentiments... Comme l'eau, la vie nous coule entre les doigts sans que nous puissions jamais la retenir... Et s'il est vrai que nos mains finissent en poussière, il n'est que de voir ce qu'elles ont arrosé pour comprendre qu'elles ont été utiles.
L'Inquisiteur est là, le visage fermé. Il regarde ses victimes se tordre dans les flammes. Loin de tout remords, il sait que jésus est Amour et que c'est en Son Nom qu'il inflige ces saines souffrances... Sa foi est si juste, si forte...
Aujourd'hui, Thomas de la librairie BD16, nous parle de la série AIRBORNE 44 de Philippe Jarbinet. "Un fleur fleuron de la bande dessinée historique. Un travail somptueux".
Airborne 44 Tome 10 - Wild Men, la suite et fin du diptyque commencé avec Black Boys est disponible en librairie.